Publié le 9 Nov 2015 - 20:33
LA CHRONIQUE D’ABDOU SALAM KANE

Encore les Pyrénées !

 

D’abord, l’on apprenait, avec stupeur, que Lamine Diack était mis en examen pour ‘’corruption passive’’ à propos d’une affaire de dopage survenue en 2011 ou 2012, ensuite, avec joie pour ses amis, que Me Sidiki Kaba était promu dans l’ordre de la Légion d’honneur ! Je ne vois pas et, surtout, ne veux pas voir, réellement, quel lien, de cause à effet, pourrait exister entre ces deux évènements. Mais ils ne laissent pas que d’interpeller et sérieusement, cependant !

Car Lamine Diack, c’est quelqu’un quand même ! Non seulement chez nous où il a été athlète de haut niveau dans une période compliquée, footballeur de talent, fonctionnaire émérite, ministre inventif et maire de consensus, mais encore, en Afrique où il a été un dirigeant sportif unanimement respecté. L’essor du sport et singulièrement de l’athlétisme sur notre continent lui est dû pour une grande part. Lamine Diack, c’est une icône mais vivante et encore alerte.

Apprendre alors qu’un tel Monsieur a été mis en examen en France et après même, pense-t-on, quelques heures de garde-à-vue, est assez étonnant, au sens premier de ce mot ; Mais après l’étonnement viennent la colère et comme de la révolte. Comment peut-on, dans le pays même de Michel Platini, traiter ainsi un dirigeant sportif du calibre de Lamine Diack ?

2 millions de francs suisses, soit 1,2 milliard CFA, reçus, encaissés, reconnus et confessés en dehors de tout contrat, de tout ‘’commencement de preuve par écrit’’ ainsi que les juristes le commentent et cela, nul ne s’en émeut ou presque en France. Au contraire, on continue à le soutenir et à prier pour lui afin que de l’UEFA il monte à la FIFA. Pourquoi donc ? Eh bien ! Parce que c’est ce si beau et si régulier polygone qui s’appelle l’Hexagone qui voudrait que cela soit ! Les Pyrénées sont bien françaises (à moitié) et on le voit par là. C’est Blaise Pascal, ce si grand penseur qui nous le disait depuis le 17e siècle : les Pyrénées, c’est la frontière : ce qui est vérité en-deçà est erreur, mortelle au-delà ! La Fontaine, qui fut son contemporain, nous l’a dit aussi à sa manière et dans une de ses immortelles fables : ‘’Selon que vous serez puissant ou misérable, la justice vous fera innocent ou coupable !‘’ C’était vrai hier et ça l’est, hélas ! encore aujourd’hui. C’est le monde réel, on vous dit.

Pour ce qui est de Sidiki Kaba, on sait que l’avocat est garde des sceaux chez nous, ministre de la justice. Mais on ne savait pas, en tout cas pour ma part je l’ignorais complètement, qu’il avait, Me Kaba, rendu de tels services à la République Française que celle-ci ne pouvait que le récompenser de la Légion d’honneur et de la cravate de commandeur en plus. Félicitations à lui. Je n’aime pas beaucoup parler de moi parce que ça ne se fait pas. Car ainsi que le disait un philosophe-SDF du folklore dakarois d’antan qui répétait à tue-tête : ‘’C’est moi ! C’est moi, c’est moi ! Ce n’est pas lui qu’on cherche ! Tout ce qui brille n’est pas or ! ‘’D’aucuns le traitaient de fou mais il était plus sain que beaucoup !

Mon grand-père est mort fin août 1955, il était aussi commandeur de la Légion d’honneur. Bien. Mais il était né en 1879 et, qui plus est, à Saint-Louis. Ce qui faisait de lui, à l’époque, automatiquement, un citoyen français. Il a vécu toute sa vie et est mort citoyen français, quoiqu’il fût aussi sénégalais que vous pour ne rien dire de moi. Il fut chef. Ainsi de 1897 à 1955 fut-il sous l’autorité de ‘’Borom Ndar’’, c’est-à-dire, en fait, du gouvernement français lui-même. Des gouvernements aurais-je dû dire d’ailleurs, tant l’instabilité était de règle dans les exécutifs des IIIème et IVème république.

Que mon grand-père ait pu être promu dans différents ordres dédiés et celui de la Légion d’honneur, notamment, prouvait qu’il avait été utile et performant, peut-être dans le travail qui lui avait été confié. Ce pourquoi il avait été fait chevalier puis officier et commandeur enfin dans cette prestigieuse cohorte. Mais Maître Kaba ? De quels services, particulièrement signalés, cette rétribution, inouïe ou exceptionnelle en tout cas, est-elle la juste récompense ? Je soupçonne que ce sont des services passés mais lesquels au juste ? Je ne le saurai jamais, sans doute.

Un homme politique français bien connu, je crois bien que c’était Léon Blum, socialiste et ancien Président du Conseil, disait que lorsque pendant un discours à la Chambre des députés il se voyait applaudir sur les bancs situés à sa droite, il ne pouvait s’empêcher de se demander quelle grosse bêtise il avait bien pu proférer pour se faire ainsi applaudir par ses pires adversaires politiques ! Bon ? Les Français ne sont pas nos ennemis, et même qu’ils seraient parmi nos meilleurs et, en général plus fidèles amis mais enfin, ils ne sont pas nous ! Ils sont différents de nous comme nous le sommes d’eux. Et, c’est bien pour cela que nous sommes indépendants non ? Sans doute aurait-il été plus confortable, pour certains, d’être comme l’île de Mayotte ou les Antilles françaises avec un préfet logeant sur la barre du T formé par République et Roume. Mais on ne vit pas que de pain et heureusement pour l’humanité toute entière.

C’est pourquoi nous avions choisi de nous prendre en mains nous-mêmes et quoi qu’il nous en puisse coûter. Il ne faut jamais insulter son passé certes, mais bien moins encore son présent et surtout son avenir. 

 

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