Publié le 27 Dec 2013 - 00:31
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Le Prix de la paix

 

Le Grand Magal de Touba est devenu un jour férié chômé et payé, et sa célébration est un moment de tension nationale qui impacte sur le transport, l’économie et le maintien de l’ordre. La migration de près de 3 millions de personnes aux motivations diverses canalisés vers la ville sainte a nécessité le déploiement de 10 escadrons de gendarmerie.

L’occasion était favorable avec l’affluence des leaders politiques de tout bord pour le Serigne Touba, Cheikh Sidy Makhtar Mbacké de dispenser ses conseils à la classe politique. La même thématique de paix et de réconciliation axée plus précisément sur la Casamance a été l’objet de l’adresse de Monseigneur…Cardinal Sarr.

Dans les deux cas, les ouailles auront acquiescé favorablement sans conséquence majeure sur leurs actes futurs. Notre pays est ainsi fait que sauf les gens simples, les dévotions publiques ne sont qu’une manière entre  autres d’être  bien considéré et certainement pour les politiciens de recueillir des suffrages.

La question de la guerre et de la paix en Casamance et celle de la réconciliation entre les factions politiques de même que la paix sociale relèvent de choix doctrinaux et d’insondables enjeux et intérêts économiques. Cependant, sauf à considérer qu’une politique de confrontation serait le choix du régime de Macky Sall pour perdurer, il devrait prêter une oreille attentive aux conseils des religieux.

Une option autre est suicidaire car elle ne produirait aucune réalisation économique, aucun acquis social durable et menacerait à terme par delà le pouvoir, la démocratie sénégalaise. Elu par la voie des urnes, l’actuel président de la République n’a pas voulu s’aliéner la frange petite bourgeoise violente dont l’historiographie de la chute d’Abdoulaye Wade est qu’elle découla d’un processus violent voire sanglant. L’indemnisation des victimes de ces luttes n’est pas grave en soi mais occulte la responsabilité des meneurs qui les ont livrés sans défense aux forces de l’ordre.

Les déçus de la gestion de Macky Sall, surévaluant leur apport à sa victoire par l’évocation de leurs prouesses épiques, suggèrent que leur capacité de nuisance pourrait être retournée contre lui. Et certainement le rétrécissement de la base sociale du régime est réel, les cadres de son parti étant plus enclins à se disputer les positions financièrement avantageuses dans l’appareil et les structures de l’Etat qu’à recruter et encadrer des militants.

Et bien qu’un consensus ait été établi sur la nécessité de récupérer les biens de l’Etat présumés indument accaparés par les caciques de l’ancien régime, le choix du profil du procureur, dont les méthodes fleurent bon la brutalité d’un policier de base du groupement d’intervention, peut discréditer cette mission sacrée.

En certaines circonstances, même la résistance des probables délinquants peut se parer de la légitimité de la violence contre l’oppression visible des détenus non encore inculpés et le long harcèlement de ses cadres dont le cas du maire de Ndioum, Amadou Kane Diallo est l’illustration le plus évidente.

Cette exaltation d’une violence surannée dans un pays où tous les changements de régime ont été le fruit du suffrage universel, a gangréné notre société : nos sommités intellectuelles en herbe règlent leurs problèmes à coup de grèves ponctuées de batailles de rues dont le bilan économique se révèle désastreux.

Les saccages des infrastructures immobilières des sociétés publiques et nationales, des parcs automobiles du transport public et privé et parfois des dommages corporels irrémédiables sont les conséquences de ces affrontements qu’une anticipation dans la gestion budgétaire aurait évités.

Leur répétition débile et entêtée pose la question inévitable de savoir à qui profite ces actes rendus criminels par le contexte de sous développement qui devraient nous imposer austérité et sobriété plutôt que gâchis et destructions. Les pays que nous imitons ne procèdent pas ainsi et s’ils le font, ils ont  l’excuse de casser après avoir construit les biens et meubles dans une société avancées où le système d’assurance couvre les préjudices.

Le moment est venu de comprendre pourquoi, décidément précurseur, l’actuel Khalife des Tidjanes Cheikh Ahmed Tidiane Sy, soutenait contre vents et marées au sortir de mai 1968 que «la grève est une arme désuète».

Il est difficile désormais de reconnaître les professeurs d’université de leurs étudiants quand la revendication alimentaire les projette sous les feux de l’actualité et qu’ils déclinent les points de revendication acceptés, ceux à négocier et ceux rejetés qui font l’objet d’un courroux incompatible avec son statut et qui altère l’éloquence ordinaire d’un Professeur d’université.

Ils ont certainement leurs raisons, les disciples d’Esculape qui refusent d’admettre les malades en situation d’urgence dans les infrastructures hospitalières puisque les mêmes n’auront pas la même attitude si leur voiture tombe sur un accident de la circulation et qu’ils offrent tout naturellement les premiers soins aux victimes.

Mis à part les conseillers de conception étasunienne qui gangrènent l’administration sénégalaise jusqu’au sommet de l’Etat et qui disputent les prérogatives de ceux qui les payent à  l’américaine ; les Directeurs des agences et d’offices qui ne rendent compte à aucune autorité ; les députés qui peuvent, s’ils ne sont pas élus au bureau ou dans les commissions, recourir au président de l’Assemblée ou au questeur, les syndicats restent les cadres de défense de la classe moyenne tiraillée entre son vécu et ses rêves de grandeur rendus légitimes par les excès des premiers cités.

La paix sociale tiendrait dans le rétablissement d’une administration publique centralisée tenue par des agents et fonctionnaires dépolitisés payés selon des indices normatifs. L’option d’une paix tout court en Casamance reste la poursuite des discussions entamées avec Salif Sadio sur la caution de la libération des militaires sénégalais, sans rechigner devant la gloriole qu’en tirerait le président de la Gambie Yakhya Jammeh, le prix Nobel dominé par le lobby américain étant exclu pour lui.    

 

 

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