Publié le 12 Jul 2012 - 14:22
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Les Cent-Jours de Macky

 

Le nouveau président Macky Sall, en cent jours, n’a pas instauré une nouvelle république ni même une nouvelle gouvernance. Celle-ci porte encore l’empreinte de l’ancien régime. La querelle entre Maître Wade et Macky Sall, président de l’Assemblée nationale, porta sur la logique que le premier nommé réclamait à l’autre sa chose, ''ce qu’il lui avait donné'', comprenez la présidence de l’Assemblée nationale.

 

Le fait politique majeur en cette période est que le président Macky Sall a donné lui aussi cette fonction élective à son allié Moustapha Niasse. Faisons donc notre deuil, sur ce coup-ci, du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, l’exécutif et le législatif.

Des indices probants montrent que Macky Sall veut tenir sa promesse, en cherchant un compromis pour calmer la farouche opposition de l’autre Moustapha Cissé Lô. Sa fronde aurait été payante puisqu’il est attendu 2ème vice-président, juste après le leader du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng, et devant un élu de Rewmi qui pourrait et pour cause ne pas être Idrissa Seck.

 

Les élus du parti présidentiel auront alors la haute main sur les finances avec les fonctions de questeur, de secrétaires élus et certainement de président du groupe majoritaire. Mais comme l’ère de Macky n’a pas réinstauré le respect des principes organisationnels dans les partis d’un coup de baguette magique, la structure des cadres de la formation présidentielle continue à réclamer la présidence du parlement.

 

Rien n’est certain donc sinon que le député de type nouveau, attendu comme le messie, n’émergera pas de cette assemblée dont l’élection, la constitution et l’installation sont l’œuvre du chef de l’exécutif. Des rumeurs d’achat de consciences filtrent des différents centres de conspiration politiques avec comme dénominateur commun l’intrépide Cissé Lô, lequel utiliserait des arguments plus convaincants encore que son célèbre pistolet avec ses collègues du parlement.

 

Le moment est favorable puisque les députés majoritaires de l’ancienne législature sont réduits aux méthodes d’étudiants sevrés de bourses et que les nouveaux élus piaffent d’impatience de goûter aux délices de la charge.

 

Quoi qu’il en soit, la dispute de pouvoir anticipée devra démontrer à sa conclusion jusqu’à quel point les chefs de factions, coalisés au sein d’une majorité promise instable, tiennent leurs troupes respectives. Cette emprise peu ferme du nouveau leadership politique sur les cadres et les militants est aussi un héritage du wadisme qui s’est étendu aux autres chefs de l’opposition progressivement.

 

Le président Senghor consultait ses compagnons de combat avant toute décision capitale et particulièrement aux moments de crise autour d’une bouilloire de kinkéliba, et chacun s’exprimait franchement. Bien qu’ils fussent presque tous d’un caractère trempé d’acier, ils n’émettaient aucune opinion discordante en dehors des instances du parti, comme c’est le cas maintenant, au prix des multiples scissions qui ont atomisé le champ politique.

 

La tenure de Diouf était encore plus autoritaire, malgré la large ouverture démocratique, quand il promettait avec un éclat de rire, en réponse à la question d’une journaliste sur une éventuelle agitation postélectorale de Me Wade, de le mettre en prison tout simplement. Cette fermeté semble déteindre sur Macky Sall qui ne semble pas devoir reculer dans sa détermination de traquer la délinquance économique.

 

Mais la Division des investigations criminelles (Dic) et la Section de recherche de la gendarmerie ne sont assurément pas la solution idoine quand les services des différents démembrements de l’État devraient être en mesure d’établir la propriété foncière, immobilière et des véhicules sur réquisition.

 

Quant à la récupération des biens répertoriés à l’étranger, les experts de la Banque mondiale sont plutôt vagues quant à leur succès qui dépendrait d’une stratégie nationale efficiente, soutenue par une coopération avec les différentes organisations des pays concernés. Dans la plupart des cas, les institutions bancaires de ces pays sont des puissances économiques à l’abri de toute pression politique.

 

Il faudrait savoir comment le monde a changé sous ce rapport depuis la tentative d’enlèvement d’un ancien ministre des Finances nigérian par le régime révolutionnaire du général Muhammad Buhari engagé dans la même lutte vertueuse que le nouveau régime sénégalais.

 

A l’époque, non seulement les services spéciaux britanniques avaient mis en échec les autorités de Lagos en délivrant in extremis l’ancien ministre indélicat, mais encore, toutes les puissances capitalistes s’étaient liguées pour que Muhammad Buhari, rendu à la vie civile, ne puisse revenir au pouvoir par les urnes chaque fois qu’il a été candidat à l’élection présidentielle.

 

La complicité entre ceux qui spolient leur peuple et les puissances militaires et économiques qui dominent le monde coule de source, et notre pays qui appartient encore au camp des modérés n’a d’autre alternative que de leur emprunter les ressources nécessaires à son développement.

 

La priorité du régime qui étrenne ses cent jours est de soumettre sans lenteur suspecte le programme de gouvernement au parlement élu et de rétablir dans ce pays dont il a le contrôle un juste équilibre entre les secteurs de la petite bourgeoisie dont les revenus en compensation de leur fonction politiques ne sont pas de commune mesure avec les autres catégories professionnelles dont le mécontentement cyclique paralyse des secteurs névralgiques comme le santé, l’éducation, les transports et l’assainissement urbain.

 

Par ailleurs, la répartition des subventions nationales entre les secteurs productifs de la paysannerie, de l’élevage et de la pêche et les segments de la petite bourgeoisie urbaine serait un indicateur de volonté politique vertueuse si elle penchait en faveur des premiers.

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