Publié le 8 Nov 2012 - 15:05
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Une gouvernance verbeuse

 

 

Le régime de Macky Sall innove en instaurant un Ministère de la Bonne gouvernance à l’occasion d’un remaniement à lecture multiple dont la plus constante est que l’Alliance pour la République (APR) n’est pas un parti au pouvoir mais le parti d’un homme au pouvoir. Et ce n’est pas seulement parce que l’idée d’institutionnaliser la bonne gouvernance rencontre celle de l’incarner dans le principal contempteur du régime défunt, Abdou Latif Coulibaly. Mais surtout parce qu’elle annoncerait la conversion de Macky Sall à la religion d’une secte vertueuse créée par la dissidence éditoriale d’un chevalier blanc enfourchant le destrier d’une société civile vigilante et agissante contre les péchés capitaux du wadisme.

 

La bonne gouvernance est une invention des puissances occidentales qui ont toujours voulu soumettre les dirigeants de nos pays à une morale de gestion publique de leur cru. La superpuissance mondiale n’a pas établi de règles précises mais seulement armé des organisations non gouvernementales supposées au-dessus de tout soupçon, pour connaître en tout lieu et en tout moment des manquements à ladite bonne gouvernance. C’est un prétexte facile pour les pays dits démocratiques de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays qui ne le seraient pas, en application des théories juridiques visant à introduire dans le droit international des notions comme ''le devoir de protection'' et ''l’abandon volontaire de souveraineté''.

 

L’actuel ministre de la Bonne gouvernance n’était pas seul sur le terrain de la lutte contre la mal gouvernance, son principal allié étant le Forum civil de Mouhamadou Mbodj qui a, par ailleurs, accueilli positivement la prise en compte institutionnelle de sa principale préoccupation. Lors d’une récente visite au Sénégal, la présidente canadienne du Forum civil n’avait pas manqué de déprécier les performances de l’ancien régime en matière de bonne gouvernance. Il reste que compte tenu de la diversité des groupes et individus qui se réclament de la société civile, la prise de parole sur la question ne manquera pas de susciter une controverse politique, y compris dans le camp présidentiel.

 

D'ores et déjà, l’analyse sur la perte d’influence des lobbyistes dans le parti présidentiel, avancée par Mouhamadou Mbodj, semble hasardeuse puisqu’elle ne tient pas compte de la nature libérale et des origines wadistes du président Macky Sall que rappelle un autre contempteur de l’ancien régime, Mody Niang : ''Parmi les nombreux actes qu’il pose aujourd’hui, il y en a qui curieusement nous rappellent le système Wade, la pratique Wade, la gouvernance Wade et ses méfaits.'' Quoique n’appartenant à aucun parti politique, l’inspecteur de l’enseignement est plus percutant dans l’analyse que les alliés d’une mouvance présidentielle, hétéroclite à souhait, qui va de la droite à la gauche marxisante. La secte vertueuse n’aurait converti qu’un faux dévot.

 

Les conditions du départ du gouvernement de l’ancien ministre des Affaires étrangères, mal éclaircies, dénotent d’une opacité qui n’augure rien de bon sous le rapport de la bonne gouvernance si l’on tient compte des graves insinuations sur sa moralité qui ont filtré dans la presse. Mais le nouveau régime, qui piétine devant la répression des délits de gestion des pontes de l’ancien régime, est-il en mesure de mettre au pas son propre personnel politique ? La réponse à cette question couve les malentendus de demain si la rupture tant souhaitée n’intervenait pas. Quand au Nouveau Type de Sénégalais dont les comparses de la 2ème alternance ont rêvé les yeux ouverts, il se peut qu’il ait éclos mais pire que l’ancien.

 

La crise qui couve au sein de l’Alliance pour la République a révélé l’incapacité du premier cercle de pouvoir à se concerter dans ses instances régulières pour trancher le différend qui oppose ses cadres de manière récurrente sur la question du partage du pouvoir d’État. L’incarnation de la bonne gouvernance dans un professionnel de la communication permet de mettre en branle une pluralité de réseaux décentralisés capables, sur différents sujets, de produire un savoir, de provoquer une délibération publique sans exclusive et de dégager des modes d’action. La force et la faiblesse de ce type de société civile, c’est sa carence doctrinale qui ne la prédispose qu’à être un comparse des tenants du pouvoir.

 

 

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