Publié le 20 Oct 2015 - 02:39
LA CHRONIQUE

L’Alpha et l’Omega ?

 

Alpha Condé qui n’avait été élu qu’au second tour en 2010 après avoir été très largement distancé au premier par Cellou Dalein Diallo, son adversaire d’alors, vient de s’imposer, à nouveau, en Guinée et avec autorité. Plus de 57% des voix et dès le premier tour et cela peut paraître assez extraordinaire. Que doit-on en penser ? Que véritablement, en Guinée, Alpha Condé est au–dessus du lot, pour ne s’en tenir, tout au moins, qu’aux résultats tels que communiqués par la CENI.

En 2010, entre le 1er et le 2e tour de l’élection présidentielle, il s’était écoulé plusieurs mois au lieu que de la semaine ou des 15 jours prévus par les textes, qu’ils soient institutionnels et ou législatifs. C’était le temps nécessaire, peut-être, pour bien rouler dans la farine le camp du candidat qui était arrivé en tête et tellement proche de la majorité absolue que c’en paraissait une pure et simple formalité ! Si  tel avait été le cas, ce fut fait et même très bien fait, mises à part, bien sûr, quelques inévitables bavures comme il s’en provint trop souvent, hélas sous nos latitudes.

Les démons du tribalisme, autre nom de l’éthnicisme, qui rôdent un peu partout et depuis toujours en Guinée, de même que ceux de la division intra-ethnique qui ne leur étaient point inférieurs en termes de prégnance et de nocivité, furent actionnés, tour à tour, ou se mirent en branle tout seuls. Et après moult péripéties, conciliabules et soubresauts, Alpha s’installa à Sékou Toureya.

Peut-être la tâche était-elle trop ardue, trop difficile pour Cellou Dalein Diallo. Il avait été ministre puis Premier ministre pourtant et ce des années durant ! Sous Lansana Konté, il est vrai. Mais même si, dans l’absolu, cela ne pouvait pas constituer une si bonne référence, il était difficile, sinon impossible, d’en trouver de meilleures en Guinée où l’enseignement a consisté, pendant longtemps, à faire des dissertations sur la pensée et les écrits d’Ahmed Sékou Toure si ce n’était pas à réciter certains passages de ses discours. Quid d’Alpha alors ? Sa chance historique aura été, peut-être, d’avoir pu s’exiler. Un peu comme un certain Laurent Gbagbo en somme. Je ne sais pas.

Toujours est-il, en tout cas, que le voici gratifié d’un second et, j’ose espérer, dernier mandat de 5 ans. Va-t-il se montrer raisonnable et s’en arrêter là ou bien faire comme tant et tant de chefs d’Etat africains qui ne furent pas, loin de là, sans mérites et qui, à cause de cela même, crurent qu’ils pouvaient s’exonérer de la loi constitutionnelle soit en l’enjambant purement et simplement, soit en la modifiant d’autorité pour la rendre plus conforme à leurs désirs et à leurs intérêts ? Etant donné l’âge qui est le sien et les capacités de manœuvres qu’il a déjà démontrées, il y a fort à craindre qu’avec Alpha Condé dont l’appétit pour le pouvoir est bien connu de tous, cela ne finisse malheureusement ainsi.

Peut-être que d’ici là, les Peulhs de Guinée qui sont relativement les plus nombreux auront trouvé un moyen de régler leurs différends séculaires (entre Alpha et Soriya ?) pour trouver, enfin, un candidat qui, non seulement saura refaire leur unité mais aussi et surtout ne fera pas peur à toutes les autres ethnies au point que celles-ci croient devoir se coaliser toutes pour se protéger d’eux ! C’est terrible de penser cela et encore plus de le dire. Mais c’est comme ça, un héritage de la colonisation. Des français avaient fait leur et depuis longtemps la maxime machiavélique du ‘’diviser pour régner’’. Ils ont entretenu la division des Peulhs entre eux-mêmes d’abord, puis entre les musulmans peulhs et les musulmans mandingues parce que ces derniers étaient réputés ‘’samorystes’’ puis, enfin, entre les peulhs et tous les autres au prétexte que ceux-ci étaient des nègres alors que ceux-là étaient de race blanche ! Moyennant quoi, ils avaient été quelque peu privilégiés cependant même que leurs querelles de chapelle internes étaient soigneusement entretenues.

Ainsi, si en 1956 Sékou Touré a pu être élu député français de la Guinée, ce n’était que parce qu’il avait pu diviser le vote peulh en s’attachant les services d’une dissidence animée par Saifoulaye Diallo. Qui fit ainsi perdre les Barry, que ce fût le III ou le Diawandou ! Et c’est ce même Sékou Touré pourtant, qui n’avait pu être élu que grâce à leur propre politique, qui devait chasser les Français de Guinée. C’était un beau retournement de situation pour les Français : Ils n’avaient que trop bien réussi. Sékou Touré lui, connaissant ses classiques et étant allé à la bonne école, entreprit de déconstruire l’influence des peulhs dans les lieux de pouvoir, d’abord tout doucement en s’appuyant sur d’autres peulhs, puis de manière de plus en plus massive. C’est la raison pour laquelle nous en avons, pour notre plus grand bénéfice, autant chez nous aujourd’hui mais deux fois moins encore qu’en Côte d’Ivoire !

 La Guinée n’a pas connu et heureusement de système comparable à celui de l’apartheid en Afrique du Sud, ni de guerre civile comme en Côte d’Ivoire mais, elle a besoin, tout autant que ces deux pays sinon plus encore, d’une Commission Vérité et Réconciliation. Afin que les gens puissent enfin vraiment se dire les choses puis ensuite se pardonner les uns les autres. Enfin, s’ils peuvent y arriver et du moins, auront-ils essayé !

 

Section: