Publié le 21 Apr 2016 - 09:18

LA  CREI  EST-ELLE PERFECTIBLE ?

 

De sa création à nos jours, la CREI ou la cour de répression sur l'enrichissement illicite a souvent été l'objet de vives critiques ; mais on ne peut citer des garants de notre état de droit  sans elle. En effet, un état de droit  ne prend jamais naissance seul. On découvre toujours à son origine, au-delà des règles de droit ; des garants en charge de veiller au respect de ces règles. Tel en est, dans tous les états de droit où subsistent des garants et ce, quelque soit leur composition qui varie suivant que l'on considère ces états. Bref, une occasion de replacer ceux-là qui affirment que dans ces états, il n'existe pas une institution comme la CREI.  

Alors que ce qui explique l'absence d'une telle institution, résulte du fait que nous n'ayons pas les mêmes réalités socioculturelles. Ceci est valable pour le droit; défini comme  un ordre régnant dans une société par le pouvoir organisé de cette société; il n'a vu le jour qu'à partir des réalités socioculturelles d'un environnement donné. Il en est de même aussi, de la déclaration du Président Macky Sall de s'opposer à la légalisation des homosexuels car nous n'avons pas les mêmes réalités socioculturelles de ces états qui les ont acceptés. Et tout l'intérêt de ces termes: ''tant que je serai là, cette légalisation n'aura pas lieu''...

En outre, la CREI est devenue le soupir de soulagement des populations longtemps opprimées qui ont fini par faire  confiance à des programmes de développement tels que celui du Sénégal Emergent ( PSE ) pour alléger au moins, les difficultés auxquelles elles sont confrontées. Ce soupir a transformé aussi la CREI en une épée de Damoclès sur les têtes, de ces personnes qui sont appelées à exécuter les Programmes de développement du pays. Cependant la CREI, bien qu'elle ait organisé efficacement un aspect de la vie sociale, a présenté quelques  points de divergences sur ses procédures.

En effet , si vous mettez en place  des règles pour organiser un aspect de la vie sociale ,vous êtes tenus aussi de mettre en place, les actes à accomplir en vue d'obtenir un résultat juridique conformément à ces règles et surtout à l'esprit général du Droit. C'est l'efficacité caractérielle de ces actes qui permet de parler d'institutions et de procédures conformes à l'ordre c'est à dire au Droit. Et cette efficacité, ne repose en rien sinon au respect de la règle de droit. Voila et à mon humble avis, pourquoi certains points des procédures devraient être repensés afin que les arrêts de la cour, ne puissent souffrir d'aucune contestation majeure. Mais avant d'aborder ces points dont l'un fera l'objet de ma contribution, je voudrai m'appesantir sur l'histoire de ces procédures.

Ainsi,  tout est parti d'un extrait du discours de Abdou Diouf en 1981, je cite: ''Dans mon gouvernement,  il n'y aura pas de place pour les magouilleurs et les corrompus et je travaillerai comme dans une maison en verre ''. Ensuite,  rappeler que c'est le Président Diouf qui a créé cette cour. Enfin, que c'est durant son régime que la CREI est, pour la première fois, mise  en désuétude: c'est à dire dans les oubliettes. Et encore que le Président Abdoulaye Wade n'a pas  fait de poursuites effectives de sorte que la cour est  toujours restée dans ces oubliettes.

On peut déduire donc à contrario ; que si aucune contestation sur les procédures n'a eu lieu, c'est parce qu'il n'y avait aucune poursuite de fonds. Mais le Président Macky Sall, assailli par une demande sociale en pleine ébullition, se trouvait dans l'obligation de réveiller cette machine de guerre qui a laissé entrevoir durant ses batailles, des insuffisances procédurales. Et le Président de reconnaitre ces lacunes pour avoir déclaré, je cite : '' il y'a certains points des procédures de la CREI qu'il faut revoir''. Cela veut dire, qu'au-delà de la satisfaction sociale, de la conscience de l'enjeu présent et futur que ces insuffisances pourraient susciter sur cette cour ; qu'il reste très sensible à cette question dont les résultats de l'étude verront bientôt le jour. Des résultats qui seront entièrement l'œuvre de ressources humaines d'ici et non d'ailleurs.

''Actori Incumbit Probatio ''

En effet, si le droit reconnait un plaideur qui intente une action en justice sur le plan international. Il reconnait aussi, l'autorité politique exclusive de l'état. Cette autorité appelée encore la souveraineté est le pouvoir suprême reconnu à l'état, de disposer de l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national et qui implique encore, la négation de toute entrave ou de toute subordination vis à vis d'un autre état, en dehors des limitations librement acceptées. Et c'est là où j'ai compris ces paroles pleines d'amertume du  garde des sceaux Ministre de la Justice, en réponse à la décision de la Commission des Nations Unies sur le droit commercial international ( Cncc), je cite :" Cette décision est scandaleuse. Elle est sans précédent dans l'histoire des sentences arbitrales''.

M. le Ministre vous avez raison , cette instance n'a aucune compétence pour prendre une décision portant sur l'exécution d'une peine définitive, si l'on considère l'autorité que la loi attache à la chose jugée '' Res Judicata Pro Veritate Habetur''. Ceci pour dire que nos problèmes juridiques sont résolus entièrement ici ; d'autant plus que nous disposons de ressources humaines très avérées portant sur les actes et faits les plus complexes ... Pour revenir sur ces lacunes  , je ferai abstraction de la détention provisoire et de l'absence des certaines voies de recours , du fait qu'elles ont été largement débattues aussi bien par la classe politique et celle des juristes.

Par contre, mon attention sera axée essentiellement sur la recherche de la preuve. A cet effet, je rappelle que le problème de preuve se pose chaque fois qu'un droit ou un fait est contesté. Et ce problème surgit très souvent dans la vie quotidienne de tout un chacun . Par exemple: pour encaisser un chèque, un mandat ou un bon de caisse,  il faut prouver son identité et pour prendre le train ou le bus, il faut exhiber son billet au contrôleur . Aussi, quand vous prétendez que ce bien appartient à telle personne ou que vous mettez en doute son train de vie ou son patrimoine par rapport à ses revenus, vous êtes tenus d'apporter la preuve conformément au droit. Et la personne dont le droit ou le fait est contesté, doit être mise dans les meilleures conditions, pour faire valoir ses droits à la preuve . Ainsi dans le débat judiciaire, la charge de la preuve incombe au plaideur qui dénonce une situation contraire à la situation normale.En termes clairs, la charge de la preuve incombe à celui qui accuse , c'est à dire au demandeur en justice   ''Actori Incumbit Probatio ''.

 Mais si le défendeur, c'est à dire l'accusé, au lieu de nier, conteste les allégations du demandeur, la charge de la preuve pèsera alors sur lui. Et comme vous pouvez le constater à ce niveau , il y'a va et vient de la preuve entre les parties et on ne prouve pas un droit mais plutôt des faits. Maintenant, pour prouver l'existence ou à l'inverse l'extinction d'un droit en litige , il faudra établir des faits matériels extérieurs qui ont fait naître, modifier ou éteindre le droit en question. C'est ainsi que pour prouver un contrat, il faudra établir les déclarations de volonté qui ont été faites. En outre, les faits à démontrer sont toujours des faits positifs pour l'application du droit.

En effet,  le droit ne s'applique  qu'à des actes ou des faits positifs. Et si l'on s'en tenait à la nature des choses, aucun mode de preuve (écrit, aveu, témoignage, présomption, serment, expertise, descente du juge sur les lieux ) ne pourrait apporter une certitude absolue. En effet, un écrit peut ne pas révéler le motif exact du contrat ou le véritable propriétaire du bien ; un aveu peut être mensongé ou erroné; quant au témoignage, le témoin peut ne pas être de bonne foi ou mentir; tandis que les présomptions peuvent trahir la vérité car la vraisemblance n'est toujours pas vraie; le serment peut être faux ; quant à l'expertise, l'expert peut se tromper de bonne foi ; pour la descente du juge sur les lieux de l'infraction, elle peut rencontrer des difficultés dans la mesure où rien ne demeure, tout change .

 En résumé, la vérité serait inaccessible dans sa plénitude et pourtant, le Droit et la vie sociale ont besoin d'être protégé ; c'est à dire qu'ils ont besoin de sécurité et, pour cela de certitude. Voilà pourquoi le législateur, dans tous les pays du  monde, a crée artificiellement ces divers modes de recherche pour régler le problème de la preuve, par cette certitude que la nature des choses est impuissante à procurer. Cependant, il faut préciser que ces divers modes de recherche n'ont, en aucun cas remis en cause la CREI qui se présente comme une institution conforme à la constitution. Une cour que le Président a saisie, en réponse aux cris de désespoir des populations, longtemps dans les geôliers de politiciens, à la recherche effrénée du capital par tous les moyens sur nos maigres ressources victimes d'une infraction appelée : CRIME .

La Crei et l’Etat de droit

Ce sont les populations qui ont demandé au Président Macky Sall, de traquer nos compatriotes qui se sont enrichis illégalement sur nos ressources économiques et il a répondu favorablement. Certes , des lacunes ont été décelé durant cette traque ; mais des règles correctives seront incessamment élaborées et mises en place, pour le fondement de la conduite de tous. Enfin, je ne puis terminer sans rappeler que la CREI a soulevé une multitude de questions . Certes , elles n'ont pas toutes été traitées dans cette contribution ; mais mon analyse serait biaisée si elle n'intégrerait ou ne prendrait pas en compte les questions suivantes : Pourquoi cette loi  sur la CREI n'a t-elle pas été abrogée par les Présidents Diouf et Wade? Les règles relatives à la CREI ( Institution et Procédures ), sont-elles en adéquation avec la volonté affichée par le Président Macky Sall, de conduire le Sénégal vers les rails de l'émergence? Comment ces règles se traduisent-elles dans les faits ou présentent-elles des lacunes au point qu'il faille les changer? Ne serait-il plus pertinent de faire des corrections ou des recommandations allant dans le sens d'améliorer ces règles afin qu'elles prennent en compte les enjeux d'aujourd'hui et les défis de demain ?

 En tout état de cause et à y regarder de prés, ces règles renvoient à un rêve devenu réalité; laquelle s'est traduite à ceci : '' la CREI assure l'économie de notre état de droit '' . Une économie de développement comme, entres autres, le Programme de Sénégal Emergent (PSE); Programme plein de promesses, de prospérité et très attendu des populations qui pourraient passer, grâce à une bonne exécution,  du désespoir à l'espoir.

NALLA  NDIAYE / UCAD

 

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