Publié le 10 Sep 2019 - 10:41
A LA DECOUVERTE DE SERIGNE MOR FAALO SEYE

Celui que Serigne Touba surnommait ‘’Làmpu Njàmbur’’

 

Dans la région de Louga, il fait partie des hommes religieux les plus connus. Serigne Mor Faalo Sèye est le fils du fondateur du village de Keur Mor Abdou. Lui, que Serigne Touba avait surnommé ‘’Làmpu Njàmbur’’, a enseigné plusieurs dignitaires du mouridisme. ‘’EnQuête’’ retrace la vie de ce saint homme.

 

C’est en 1874, à Keur Mor Abdou, village situé à une trentaine de kilomètres au sud de Louga, que Serigne Mor Faalo Sèye a vu le jour. Son père, Serigne Mor Alhassane Sarata Sèye, est lui-même fils de Serigne Mor Abdoullahi Sèye, fondateur du village de Keur Mor Abdou, réputé grand maitre coranique dont le ‘’daara’’ était aussi célèbre dans la contrée du Njàmbur et les autres provinces du pays. Sa mère, Sokhna Faalo Lô, originaire de Ndame Lô, est fille de Serigne Ibrahima Ngoné Dièye Lô et de Sokhna Codou Sacko.

Il commença ses études coraniques auprès de son père Serigne Mor Alhassane Sarata Sèye, au terme desquelles il écrivit 7 exemplaires du Saint Coran, avant d’entamer ses hautes études en sciences religieuses. Il partit, par la suite, approfondir ses connaissances à Aynou Mahdy, auprès de Serigne Mor Saassoum Diakhaté, fils de Khaly Madiakhaté Kala et, plus tard, à Keur Madiaga, chez Serigne Mor Barama Diakhaté et bien d’autres Daarul Qur’ân qu’on assimilait à des universités, à l’époque, motivé par une soif inextinguible de recherche et de connaissances dans le domaine religieux.

Baye Mathiam Mbow, professeur qui a écrit sur lui, raconte le saint-homme : ‘’Un jour, il fit la rencontre de Serigne Mor Diakhaté, un de ses cousins qui lui conseilla d’aller continuer ses études dans la province du Kajoor, auprès de Cheikh Ahmadou Bamba, un grand marabout et maitre coranique dont le nom était connu dans tous les coins et les contrées même lointaines du pays. Il partit sans aviser, sans même dire au revoir, encore moins avoir l’aval et la bénédiction de ses parents, poussé par sa soif de connaissances. C’était vers les années 1886, qui coïncida avec les débuts du mouridisme à Mbacké Kajoor.’’

Pendant un bon bout de temps, poursuit-il, son père, Mor Alhassane Sarata, n’eut aucune nouvelle de son fils. Mame Alhassane Sarata envoya Mame Amary Touré à sa cherche, mais en vain.

C’est bien après qu’on lui conseilla d’aller voir du côté du grand marabout dont on parlait à Mbacké Kajoor, en la personne de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce qu’il fit sans hésiter. Arrivé à Mbacké Kajoor, le cheikh lui demanda de le laisser avec Mor Faalo Sèye, parce qu’il avait une dette à payer envers lui. Et cette dette n’était rien d’autre que Serigne Mor Abdoullahi Sèye a enseigné Mame Mor Anta Sally, le père de Serigne Touba, le traité en sciences religieuses appelé ‘’Cheikh Khalil’’. D’autres soutiennent que c’est Ibnou Malick. Mais, quoi qu’il en soit, selon notre interlocuteur, l’histoire a retenu que Mame Mor Anta Sally est effectivement passé par le ‘’daara’’ de Mame Mor Abdoullahi Sèye et qu’il y a même laissé le manuscrit du livre qu’il y a étudié. Ce que le cheikh considérait comme une dette à rembourser envers le jeune Mor Faalo Sèye (il avait 14 ans à l’époque).

‘’Mais Mame Mor Alhassane était dubitatif, parce qu’il y avait des rumeurs qui couraient comme quoi, Cheikh Ahmadou Bamba n’enseignait pas et qu’il regroupait les jeunes chez lui afin de les exploiter. C’est ainsi qu’il déclina courtoisement la requête du cheikh en lui disant que dans la contrée d’où il venait, ils ne savaient qu’enseigner le Coran et les sciences religieuses et n’avaient pas d’autres métiers. Mais le cheikh insista, en lui disant que lorsqu’il aura fini de le former, Momar Faalo n’envierait personne en matière de connaissances en sciences religieuses et de savoirs coraniques. Sur ce, voyant que Mame Mor Alhassane hésitait encore à y laisser son fils, le cheikh le fit entrer dans des chambres où il n’y avait que des exemplaires du Saint Coran de diverses calligraphies soigneusement rangées sur des lits et beaucoup d’autres livres de sciences religieuses dont il entendait parler, mais qu’il n’a jamais eu l’occasion de voir de ses propres yeux. C’est ainsi qu’il se dit intérieurement que les gens disaient du n’importe quoi au sujet de Cheikh Ahmadou Bamba, car tous ces livres-là ne pouvaient être en la possession de quelqu’un dont on dit qu’il n’enseignait pas’’, renchérit le Pr. Mbow. Selon qui, finalement, il s’est résout à accepter la proposition du Cheikh de le laisser avec Mor Faalo Sèye.

Et ce fut le début d’un long compagnonnage.

‘’Le cheikh leur recommanda de rester continuer leurs études chez Mame Thierno’’

Il commença sa formation spirituelle et intellectuelle auprès du cheikh qui le confia par la suite à Mame Thierno Birahim Mbacké, en compagnie d’autres disciples de la première heure, parmi lesquels on peut citer Serigne Amsatou DiaKhaté, Serigne Balla Dior Mbacké, Serigne Omar Mbacké de Mbacké Kajoor, Serigne Mabandji Ndiaye, Serigne Makhtar Binta Lo, Serigne Mapathé Sylla, Serigne Mor Rokhaya Bousso et tant d’autres. Mame Thierno poursuivit leur formation et prit bien soin d’eux. Sur recommandation du cheikh, il leur intima l’ordre d’aller chez Serigne Mor Mayacine Sylla à Thioumboulène, qui était alors un haut lieu de recherche de connaissances.

D’ailleurs, c’est à Thioumboulène qu’ils furent mis au courant de la déportation de Cheikh Amadou Bamba vers le Gabon, en 1895. ‘’Troublés par ces rumeurs qu’ils entendaient sur l’exil de leur guide spirituel par les colonisateurs, ils décidèrent, unanimement, de retourner auprès de Mame Thierno Birahim qui leur fit lire la lettre de Cheikh Ahmadou Bamba les concernant et dans laquelle le cheikh leur recommanda de rester continuer leurs études chez Mame Thierno’’, ajoute M. Mbow.

Serigne Mor Faalo reçut l’essentiel de sa formation auprès de Mame Thierno qu’il ne quittera pas durant les sept années d’exil du cheikh au Gabon. La nuit, il prenait ses cours auprès de lui et, le jour, il enseignait lui-même aux jeunes disciples les leçons du jour.

Et c’est chez Mame Thierno qu’il explora divers domaines les plus pointus des sciences religieuses jusqu’à surpasser tous ses contemporains dans la recherche et l’acquisition du savoir et le culte exclusif voué à Dieu. ‘’La preuve en est que, lorsqu’en 1903, le cheikh fut envoyé en résidence obligatoire à Saout El Mah, en Mauritanie, auprès de Cheikh Sidiya Baba, après son périple au Gabon, Serigne Mor Sèye fit partie des dix disciples que Mame Thierno lui envoya pour l’assister dans ses tâches d’éducateur, parce que les savants et les disciples maures continuaient d’affluer dans ses demeures et le cheikh n’avait pas beaucoup de temps à leur consacrer, tant il était constamment plongé dans ses obligations cultuelles et ses écrits communément appelés ‘Qaçaides’. Ce sont ces mêmes disciples de l’école de Mame Thierno qui répondaient aux questions des savants et s’occupaient de l’enseignement des jeunes disciples maures sous la supervision du cheikh’’, renseigne-t-il.

Ces fils de Serigne Touba qui ont appris le Saint Coran chez Mor Faalo Sèye

A son retour au Sénégal, en avril 1907, Serigne Touba fut astreint en résidence surveillée à Thieyène (cercle de Louga) où malgré l’enclavement, comme en Mauritanie, continuaient d’affluer les talibés et de nombreux savants. Et après Thieyène, ce fut l’étape de Diourbel en 1912. Mais pendant toutes ces périodes, le cheikh ne manquait jamais de s’enquérir des nouvelles de Serigne Momar Sèye qui était retourné, entre-temps, auprès de Mame Thierno Birahim Mbacké.

Toutefois, il ne manquait jamais l’occasion de lui rendre visite, aussi bien à Thieyène qu’à Diourbel.

En 1919, le Serigne Touba écrivit à Mame Thierno Birahim Mbacké une lettre dans laquelle il remercia son talibé Momar Sèye et l’éleva au grade de cheikh, le surnomma ‘’Nibraasu Njàmbur’’ ou ‘’Làmpu Njàmbur’’ et lui intima l’ordre de retourner à Keur Mor Abdoullahi Sèye auprès des siens où il fonda (sur recommandation de Serigne Touba), à quelques encablures du village de son grand-père, le village de Darou Salam Sèye ou Darou Sèye (actuel Keur Mor Abdou). Serigne Touba lui donna de ses propres mains du sable avec sa bénédiction et lui demanda de l’enfouir au milieu du village de Darou Sèye et d’y construire une mosquée. D’aucuns disent qu’il l’avait mis en rapport avec Serigne Darou Assane Ndiaye accompagné d’une vingtaine de disciples pour y construire les premières concessions.

A Darou Sèye, Serigne Mor établit un environnement digne des grandes écoles coraniques connues à travers le pays. ‘’Ce fut un grand centre d’études et de recherches islamiques dont il était lui-même le recteur et un haut lieu de culte dont le credo était essentiellement fondé sur la Charia islamique et la Sounna du Prophète Saws. Il y alliait l’éducation et la formation spirituelle.

Parmi les autorités religieuses sorties de cette école, on peut citer Serigne Haïdara Mbacké ibn Mame Thierno Birahim, Serigne Mahmoudane Diobbé et Serigne Modou Faty Khary tous deux fils de Serigne Massamba Mbacké, Serigne Abdou Karim Mbacké de Mbacké Bary ibn Cheikh Mouhamadoul Lamine Bara Mbacké, Serigne Mor Gawane Mbacké de Darou Salam, Serigne Abdou Mbacké ibn Serigne Abdou Dia Mbacké Douyoly, Serigne Ibrahima Ballé Sèye, Serigne Mansour Gaaya et Serigne Mor Sow Gaaya et j’en passe. Jusqu’à présent, cette tradition est perpétuée à Keur Mor Abdou, parce que, dans presque toutes les concessions qui composent le village, il y a un ‘daaral’ Qur’ân dirigée par un de ses petits-fils’’, renseigne Baye Mathiam Mbow.  

A son rappel à Dieu, le samedi 28 septembre 1957, il fut succédé au khilâfat par Baye Serigne Sèye (1957 à 1984), Serigne Mbacké Sèye Ballé (1984 à 2003), Serigne Aliou Sèye Tip (2003-2007). Depuis lors, c’est Serigne Moustapha Sèye Louga qui est son khalife général.

CHEIKH THIAM

Section: