Publié le 15 Dec 2016 - 18:37
A LA DECOUVERTE DU VILLAGE DE SOCE NDIAYE

Dokhoba, la mystique

 

Situé à une douzaine de kilomètres à l’Est du chef-lieu du département de Linguère, le village de Dokhoba a été créé en 1942 par feu El Hadj Socé Ndiaye communément appelé ‘’Boroom Dokhoba’’. EnQuête a profité de la 66ème  édition du gamou annuel de ce patelin pour vous faire découvrir certains symboles qui le caractérisent. Qu’il suffise de citer son puits mythique, ses célèbres baobabs et la quatrième épouse du vénéré homme qui n’était ni plus ni moins qu’une ‘’Djinn’’ plus connue sous le nom Maïmouna Sall.

 

A l’occasion de la 66e édition du gamou annuel de Dokhoba, les sites devant accueillir les pèlerins sont bien nettoyés. Les zikr et les psalmodies du Saint Coran des dahiras se mêlent aux cris des oiseaux et des bruits des passants qui vaquent librement à leurs occupations. Les nombreux pèlerins venus prendre part au Gamou sont là également pour découvrir les sites mystiques qui font la renommée de Dokhoba. Qui de mieux pour parler de ces derniers que le Khalife de la famille fondatrice de ce patelin, Ndiaga Ndiaye. Vêtu d’un grand boubou empesé, il nous accueille pompeusement. ‘’Vous savez, lance-t-il, notre père possédait un baobab que lui a offert le Créateur, c’est pourquoi il l’a baptisé Médinatou Dokhoba. Il y faisait certaines pratiques mystiques mais il nous avait formellement interdit d’y prendre un bain rituel.’’

Né en 1910 à Doundodji, le fondateur de Dokhoba, El Hadji Socé Ndiaye, est le fils de Aly Yacine et de Sokhna Meissa Sall. A l’âge de 12 ans, après la disparition de son père, il a compris qu’il avait une mission à accomplir sur terre. Aussi se mit-il à parcourir les foyers religieux dont Ndiossy, Mbeuleukhé, Tivaouane à la quête du savoir. Avec une parfaite maîtrise du Saint Coran et du ‘’Nahwou’’ (grammaire arabe), l’homme aux homonymes multiples, cherchant à être plus proche de son Créateur et loin des choses mondaines, fonda Dokhoba. Un patelin différent des autres localités grâce à ses baobabs, un puits mythique et une femme djinn qui y demeure jusqu’à présent. Parmi les baobabs, celui chanté par le leader du Super Etoile Youssou Ndour : ‘’Daxxaar basa yoonu mbaadaan’’. Lequel est passé à la postérité. De par sa célébrité, il est comme l’arbre qui cache la forêt. Ça ne s’invente pas. En effet, d’autres baobabs majestueux sont éparpillés sur le site dénommés Rabih, Ahfaane, Djidah, Macca,  entre autres.

Au-delà de la petite forêt de baobabs, figure le puits du village dont l’accès était formellement interdit aux femmes. Selon Serigne Amath Ndiaye fils du saint homme et petit frère du Khalife : ‘’Un jour, en l’absence du guide religieux, Sokhna Fama Ndiaye, la première épouse, est allée malgré elle, nuitamment, puiser de l’eau pour sauver les animaux et les hommes de leur soif. Malheureusement, elle y est tombée, tout le monde s’est rué vers le site. Mais à notre grande surprise, arrivée sur les lieux, elle n’a été même pas touchée par l’eau. Et à son retour de la Mecque, c’est le maître des lieux lui-même qui leur a raconté la scène. En effet, quand cela est arrivé, le saint homme l’a sauvée même s’il était très loin des lieux. Il l’a attrapée et déposée dans un coin où l’eau ne l’a pas touchée.’’

Badiène Djinné Maïmouna

En outre, dans les mystères du premier Khalife de la famille Ndiaye de Dokhoba figurent ses liens avec Djinn Maïmouna. Elle serait sa quatrième épouse. D’après Ousmane Ndiaye, fils cadet du saint homme, par ailleurs chef du village : ‘’El Hadj Socé Ndiaye avait épousé une djinn qui était l’épouse de son oncle Baba Maary. Elle est connue sous le nom de Maïmouna Sall avec qui il a eu six enfants. Elle est originaire de Khol khol dans le département de Linguère’’. ‘’Badiène Maïmouna est une réalité forte ici à Dokhoba. Elle est vénérée par les milliers de fidèles qui affluent vers la localité’’, ajoute-t-il.

Si elle est ‘’badiène’’ pour certains, pour d’autres, c’est tante Maïmouna.  ‘’Elle est notre tante et la protectrice de la cité. Ses six fils sont toujours parmi nous’’, a ajouté Ousmane Ndiaye. Il n’a pas voulu nous donner les noms de ces derniers, préférant garder le secret. On raconte qu’elle préparait ses repas sur une dune de sable et se muait en serpent…

La case de Maïmouna est située à l’Ouest du village. Aujourd’hui, c’est un lieu de recueillement et de prières. Serigne Amath Ndiaye précise : ‘’Tante Maïmouna, je l’ai connue et fréquentée.’’ Il poursuit : ‘’Elle préparait le repas sur une dune de sable. L’odeur de la cuisson embaumait tout le village.’’ Et l’actuel Khalife Ndiaga Ndiaye de renchérir : ‘’Lorsque des visiteurs frappaient à la porte de la case de notre père, Djinn Maïmouna prenait la forme d’un serpent lové avant qu’il ne lui dise quelques mots ésotériques. Alors elle quittait les lieux pour revenir ultérieurement.’’ Très jovial, le khalife nous raconte une anecdote : ‘’Un jour, les petites filles du marabout sont allées lui rendre visite. Elles ont trouvé de la bouillie dans la chambre et elles voulaient en goûter. Il les informa que c’était leur grand-mère Djinn Maïmouna qui l’avait préparée. Audacieuse, l’une d’elles en avala quelques gorgées. Mal lui en a pris. Elle passa un sale quart d’heure.’’

MAMADOU NDIAYE (LINGUERE)

 

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