Publié le 15 Feb 2016 - 20:25

La justice des Vip

 

‘’Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir’’,  cette morale de Jean de la Fontaine tirée de la fable ‘’Les Animaux malades de la Peste’’  se prête bien au cas Thione Ballago Seck, du nom de ce célèbre chanteur qui a maille à partir avec la justice sénégalaise pour une histoire de faux billets. Et qui a bénéficié hier d’une liberté provisoire. Certes ici, il ne s’agit pas encore de jugement, et loin de nous l’idée de contester la décision du juge du deuxième cabinet, mais il nous paraît important de dire toute notre désolation par rapport à cette mesure. Non pas que nous souhaitions la prison à Thione, mais nous pensons que, dans une démocratie qui se respecte, les rigueurs de la justice doivent être ressentis de la même façon par tous les citoyens.

A voir la manière dont fonctionne notre justice, il est évident que tous les citoyens ne sont pas égaux devant la loi. Thione seck a été libéré, nous dit-on, pour raison médicale, soit ! Mais combien de prisonniers souffrent aujourd’hui de pathologies parfois même incurables dans nos vétustes et délabrés lieux de détention ? Et puis, à quoi sert le Pavillon spécial de l’Hôpital Aristide Le Dantec ? Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas libérer tous les détenus qui souffrent d’une maladie incompatible avec les rigueurs carcérales ? N’est-ce pas Oustaz Tahib Socé !

 C’est un secret de polichinelle que les conditions de détention dans les prisons sénégalaises sont des plus exécrables. D’où les tentatives d’évasion de plus en plus nombreuses. Mais à y regarder de plus près, cette situation ne concerne que les pauvres anonymes qui n’ont pas souvent les moyens de se payer un/ou des avocats prêts à défendre l’impossible, en se permettant même des fois le luxe de médiatiser à outrance le(s) dossier(s) de leur(s) client(s).

Pour en revenir au leader du Ram Daan, cette liberté provisoire à lui accordée n’est pas une première dans le fonctionnement de la justice sénégalaise. Il est encore frais dans les mémoires le cas du guide des Thiantacounes Cheikh Béthio Thioune, cité dans le double meurtre de Médinatou Salam de 2012. Mis en prison, le Cheikh avait fini par bénéficier d’une liberté provisoire. Histoire d’aller se faire soigner en France. Et à l’époque (comme actuellement avec le cas Thione Ballago Seck), les prévisions et les diagnostics les plus alarmants étaient distillés dans la presse par leurs avocats. Aujourd’hui apparemment, le Cheikh a retrouvé la santé, mais son dossier est toujours pendant devant le Tribunal,  au moment où les autres mis en cause continuent de croupir en prison.

Jean de la Fontaine, avec les images et la finesse qui le caractérisent, décrit à travers ‘’Les Animaux malades de la Peste’’ les dérives de la justice de son temps, qui ne réservait pas le même sort aux riches et aux pauvres, aux nobles et aux gueux. Ressuscité et transféré au Sénégal, il n’aurait pas du mal à se retrouver. C’est dire que la justice des Vip est bien une réalité chez nous. Et de grâce, que les nouveaux tenants du pouvoir cessent de nous tympaniser avec leur idée de  ‘’rupture’’ marquée par ‘’une gouvernance sobre et vertueuse’’.

Mame Talla Diaw

 

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