Publié le 19 Apr 2019 - 17:36
LA REBELLION DES EMPLOYES DE BOULANGERIE

Vers un Ramadan sans pain

 

Le secteur de la boulangerie est en eaux troubles. Après les menaces de la fédération des boulangers, c’est au tour des employés de monter au créneau pour exiger de meilleures conditions de travail. Faute de quoi, il n’y aura aucune production de pain, à compter du premier jour du ramadan.

 

Après avoir frappé à plusieurs portes pour se faire entendre, c’est finalement auprès du mouvement Y’en a marre que l’association ‘And defar euleugou boulanger’ a trouvé une oreille attentive. En effet, les travailleurs des boulangeries (pétrisseurs, contremaitres, enfourneurs, éléments de tourne) ont dénoncé, hier au siège dudit mouvement, leurs pénibles conditions de travail. « Nous souffrons d’une exploitation et de l’oppression des propriétaires de boulangerie. Les conditions de travail sont très difficiles, inhumaines avec de longues heures de travail, en plus du non-respect du barème de rémunération », fustige M. Cissé, président de l’association. Car, selon la convention des boulangers du Sénégal, le salaire d’une journée de travail varie entre 3990 F CFA et 5000 F CFA et ce, selon le poste du journalier.

Pourtant dans les faits, la réalité est toute autre, les boulangers perçoivent, chaque jour 2000 F CFA. Une somme dérisoire de laquelle ils doivent retirer le coût de leur transport pour le travail et la dépense quotidienne. Ainsi, les boulangers déplorent une rémunération qui ne leur permet point de vivre décemment. En outre, ces derniers affirment que le code du travail condamne l’exploitation dont ils sont victimes. Et Mouhamadou Lamine Ndiaye, vice-président, de préciser : « Selon la norme, un journalier ne travaille pas tous les jours de la semaine. Pourtant, c’est ce qui se passe avec nous. Les textes disent que l’employeur doit signer un contrat à durée déterminée renouvelable une seule fois et tendre vers des CDI, mais, c’est loin d’être le cas. Nous sommes, depuis des années, des journaliers ».  

Les boulangers s’opposent à la fédération

En outre, l’association ‘And defar euleugou boulanger’ se positionne contre la grève décrétée par la fédération nationale des boulangers. Une grève qui d’ailleurs n’a pas été suivie par bon nombre de boulangeries. Les membres accusent les propriétaires de boulangerie de se battre uniquement pour leurs propres intérêts, surtout que le prix du sac de farine n’a pas réellement un impact sur leurs bénéfices actuels. Selon eux, 325 à 330 miches de pain sont produites du sac de farine, ce qui couvre largement le rendement, même si le prix de ce sac est aujourd’hui à 18 000 FCFA. « Nous estimons que la fédération devait inclure dans ses revendications les mauvaises conditions de travail des employés des boulangeries. Il n’y a aucune sécurité dans nos lieux de travail. Nous sommes en permanence exposés aux fours. Mais ce n’est pas le cas, ces patrons œuvrent pour remplir leurs propres poches rien d’autre. Que les choses soient claires, sachez que seuls les patrons de boulangeries sont en grève pas les boulangers », déclare M. Ndiaye.

Ainsi, ils s’accordent pour boycotter le mot d’ordre de grève de la fédération et exigent le respect du barème de rémunération, faute de quoi ils bloqueront toute production de pain, à compter du premier jour du ramadan. Le vice-président de l’association se veut optimiste. « Je pense que notre mot d’ordre sera suivi et aura un grand impact, parce que tous les jeunes employés dans les boulangeries vivent cette situation, en plus, c’est nous qui faisons tourner les machines. Nous avons appris et nous aimons ce métier, ce qui n’est pas le cas des propriétaires ».

 La prochaine étape est la massification des troupes par une mobilisation sans faille pouvant déboucher sur la création d’un syndicat. Egalement, l’association demande au chef de l’Etat de leur fournir des moyens, afin qu’ils entreprennent et ne dépendent plus des propriétaires de boulangerie. Ils l’interpellent par ailleurs quant à la formalisation du secteur. Cela devra passer par une formation des boulangers couronnée d’une attestation et d’une entreprise à laquelle devront se référer les employeurs, en cas de recrutement. Les boulangers sont sûrs qu’avec ces mesures, ils exerceront dans de bonnes conditions de travail, avec des contrats clairement établis.

La filière boulangerie, depuis peu, sujette à bon nombre de contestations, est un secteur important du pays. Avec un chiffre d’affaire de 500 milliards de FCFA, le pain crée 30 000 emplois au Sénégal et assure 3% du PIB. Le mouvement Y en a marre salue l’initiative des boulangers qui ont choisi de se battre eux-mêmes pour leurs revendications. Il compte les accompagner dans leur lutte, puisque l’idéologie du mouvement consiste à ne pas être attentiste, mais à tout mettre en œuvre pour que le droit soit respecté.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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