Publié le 10 Nov 2012 - 13:43
LANDING SAVANÉ (SG AND-JËF/PADS)

 «J’attends que le Premier ministre passe aux actes»

 

En prélude à l’université d’hivernage, Landing Savané, leader d’AJ-PADS, explique, dans cet entretien accordé à EnQuête, le sens de cette rencontre. Il s’est aussi prononcé sur les six mois du gouvernement de Macky Sall, son compagnonnage avec Tanor Dieng et les retrouvailles des militants du parti traversé par une scission.

 

 

Depuis 2009, vous n’avez pas tenu votre université d’hivernage...

 

Vous savez que depuis 2009, il y avait tellement de problèmes dans notre pays et dans notre parti que nous avons décidé de surseoir à l’organisation de notre Université d’hivernage pour mettre le paquet sur le travail interne du parti et sa ré-implication dans le cours politique et social. Tout le monde sait qu’Abdoulaye Wade a tout fait pour nous éliminer du jeu politique, et notre objectif était de le faire échouer et en même temps de lui montrer que bien qu’il ait financé un groupe de dissidents de And-Jëf, le parti est resté plus fort que jamais. L’histoire nous a donné raison. Aujourd’hui nous avons clos ce cycle par une victoire qui s’est traduite par le départ d’Abdoulaye Wade.

 

Quelle est la particularité de cette université d’hivernage ?

 

C’est une réflexion. Puisque Wade est parti, notre préoccupation est de faire en sorte que la nouvelle chance qui s'offre à notre pays soit utilisée au mieux. Donc, nous nous inscrivons dans le cadre de la réflexion autour de la situation dans ce pays et ses perspectives. C’est pourquoi nous avons choisi le thème : «gouvernance démocratique et développement solidaire».

 

Qu’entendez-vous par développement solidaire ?

 

Wade a fait des choses, mais au total, les gens ont le sentiment qu’il a plus travaillé pour lui-même, pour enrichir sa famille biologique et politique, que pour le développement global du Sénégal. Des chantiers très coûteux ont été développés dans de petites parties du pays, tandis que le Sénégal des profondeurs est laissé en rade. Des grandes questions comme la Casamance ont été abordées de façon très partielle. Le monde rural a souffert du fait que Wade n’ait pas mis l’accent sur l’essentiel. Nous voulons réfléchir sur un modèle de développement qui soit fondé sur une solidarité profonde entre le monde rural et le monde urbain.

 

Quel regard portez-vous sur les actions du gouvernement de Macky Sall ?

 

Après six mois d’une nouvelle alternance, il y a des déclarations qui ont été faites dans le sens que tout le monde souhaite. Mais beaucoup de Sénégalais restent encore sur leur faim. C’est cela la réalité. Le président s’en est même rendu compte et a opéré un remaniement. Ce gouvernement nous promet plus d’efficacité, on attend de voir. Les problèmes majeurs, nous les connaissons. La crise scolaire est toujours endémique et doit être traitée avec urgence. Dans le secteur de la santé, la situation n’est pas fameuse. De multiples épidémies se sont développées et les indicateurs de morbidité sont encore très élevés. Nous sommes loin des Objectifs du millénaire pour le développement. Il faut frapper fort.

 

Comment ?

 

Ma conviction est que le Sénégalais met peu l’accent sur l’information sanitaire, les gens ne sachant pas suffisamment ce qu’il faut faire pour être en bonne santé. Lorsque l’état sanitaire laisse à désirer, il faut réagir. Notre avons dénombré une dizaine de personnes décédées qui nous étaient proches depuis décembre. Dans beaucoup de cas, les gens meurent et sont enterrés sans que l’on sache de quoi ils sont morts. C’est une lacune qu’il faut surmonter ! Les raisons en sont liées à la formation du personnel de santé qui n’est pas suffisamment étoffé pour faire toutes ces tâches.

 

Le Premier ministre a tenu une conférence de presse pour rassurer les Sénégalais sur la volonté du gouvernement de régler la demande sociale. Êtes-vous convaincu ?

 

Je suis sur le terrain politique depuis longtemps pour ne pas me contenter d’une déclaration. Ce n’est pas pour rien que notre parti s’appelle And-Jëf, car l’action doit primer sur la déclaration. J’attends que le Premier ministre passe aux actes. Je ne peux pas être rassuré par les déclarations. Comme dit l’adage, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Nous souhaitons que ce gouvernement fasse des actions concrètes dans la prise en charge des préoccupations populaires, surtout pour l’emploi des jeunes.

 

Le président Macky Sall a promis 500 000 emplois. Est-ce réaliste ?

 

Je ne sais pas sur quelle base il a promis 500 000 emplois. Il est possible de créer des centaines de milliers d’emplois au Sénégal, mais il faut préciser les types d’emploi et dans quels secteurs. Le monde rural doit changer. Ce qui va développer le pays, rapidement, ce sont des mutations profondes du monde rural. J’ai participé il y a quelques jours à une cérémonie organisée par l’ONG Ndemb, dans le département de Bambey, dirigée par Serigne Babacar Mbow. Je considère que le concept qu’il a concrétisé sur le terrain devait inspirer le gouvernement depuis longtemps. A Ndemb, on a réussi à articuler agriculture, élevage, artisanat d’art, maraîchage, culture céréalière, aviculture, etc. Résultat : les jeunes qui étaient à Dakar sont rentrés au village et gagnent davantage dans un environnement sain et familier. Le gouvernement doit promouvoir ce type d’initiative, qui à terme fera du Sénégal un pays émergent très rapidement.

 

L'Etat a entamé des négociations avec le MFDC à Rome. Est-ce un début de solution, selon vous ?

 

On ne peut parler de début de solution à mon avis. Il y a une démarche qui est engagée et dont je ne maîtrise ni les tenants ni les aboutissants. Mais a priori, je veux croire que le gouvernement a des raisons de s’engager dans cette voie-là. Ce qui est important, c'est que le problème trouve une solution. Je déplore cependant que des fils de la Casamance qui ont voix au chapitre ne soient pas consultés sur ce problème. C’est regrettable ! On ne peut régler le problème de la Casamance sans l’implication des fils qui ont plus d’autorité morale auprès de ces populations.

 

Ça ne vous gène pas que les négociations aient lieu à l’étranger ?

 

Ce n’est pas le plus important. Il ne faut pas faire de fixation sur le lieu. L’essentiel est que les acteurs les plus représentatifs puissent se retrouver et avoir des discussions sincères et honnêtes sur la question de l’indépendance de la Casamance qui est dépassée, et poser une nouvelle alternative sur l’unité nationale qui puisse être acceptée par tout le monde. Si l’unité est préservée, si les maquis acceptent sur cette base de déposer les armes et de renouer avec l’ensemble des secteurs de la nation pour un développement solidaire, ce sera temps mieux.

 

On ne vous a pas vu dans le gouvernement malgré votre soutien à Ousmane Tanor Dieng. N’êtes-vous pas déçu ?

 

Honnêtement, non. J’ai la chance de pouvoir évoluer dans ce pays en toute liberté. C’est important. Dans la phase actuelle, il existe des hommes qui, avec les responsabilités que nous avons occupées par le passé, réfléchissent sur ce qui se passe. Aujourd’hui, il y a une situation de morosité dans le pays, les gens sont circonspects dans beaucoup de secteurs. Et c’est une chance de rester en contact avec des secteurs-là. A chaque fois que nous pouvons donner notre avis, nous le ferons.

 

Des membres de votre parti avaient aussi fustigé la manière dont les investitures avaient été faites pour les législatives.

 

Nous avions décidé, sur la base d’une analyse, d’aller avec le Parti socialiste dans les deux batailles, la présidentielle et les législatives. Nous les avons menées, mais nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale pour la première fois depuis 1993. C’est clair qu’il y a une frustration de nos camarades, mais la vie continue. L’important, c’est que durant ces batailles-là, le parti s’est renforcé et a fait ses preuves contre vents et marées. Les usurpateurs ont montré qu’ils ne représentaient rien du tout même si leur chef de file s’est faufilée à l’Assemblée nationale.

 

C’est qui les usurpateurs ?

 

Ils se reconnaissent. Aujourd’hui, politiquement, sur le plan de la représentativité, tout le monde sait que les militants restent fidèles au parti.

 

Il y a eu aussi le départ de Bassirou Sarr ?

 

Aucun départ n’est salué par le parti surtout si ce n’est pas fondé sur des antagonismes sérieux. C’est au moment des législatives que nous avions appris que le camarade Bassirou Sarr avait choisi sa voie. Nous respectons son choix et nous gardons de bons rapports personnels. Cela n’a rien à voir avec la trahison dont le groupe des usurpateurs s’est rendu coupable. Ils ont vendu le parti corps et âme à Abdoulaye Wade. Cela n’affecte pas And-Jëf qui garde encore sa crédibilité et sa légitimité. Nous préparons les élections locales qui permettront certainement au parti de rebondir.

 

Allez-vous tendre la main à ces dissidents lors de l’université d’hivernage ?

 

Il n'y a qu'un groupe qui a trahi le parti et qui ne peut revenir sans faire une autocritique. Dans ce groupe de liquidateurs, il y en a qui ont été trompés. Beaucoup d’entre eux regrettent d'ailleurs ce qui s’est passé. Aux éléments qui n’ont pas eu une attitude hostile, nous leur tendons la main. C’est une action constante chez nous et nous n’avons pas attendu l’Université d’hivernage pour le faire.

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

 

 

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