Publié le 21 Oct 2014 - 01:07
LANDING SAVANE (SG DE AJ-PADS AUTHENTIQUE)

«Ceux qui croient à l’argent ne sont plus avec nous» 

 

Plus que discret depuis plusieurs semaines, l’ex-candidat sans illusions à la Présidence de la République commence à se remuer, après l’obtention du récépissé administratif qui a acté la cassure de And-Jëf Pads en deux entités politiques adverses. Landing Savané ne semble pas encore digérer «le complot d’Etat» de Me Wade dans ce qui est advenu. Aujourd’hui membre de la majorité présidentielle, il déplore le peu d’avancée dans l’exécution de programmes par le gouvernement.

 

On ne vous voit pas sur le terrain politique depuis un bon moment. Qu’est-ce qui explique ce retrait ?

Etre sur le terrain et être vu sur le terrain sont deux choses différentes. Je suis sur le champ politique et je suis dans une multitude d’activités. Mais j’ai estimé que la période actuelle est une période où il fallait se consacrer à la reconfiguration de certaines de mes activités par rapport à mes objectifs à moyen et long terme. C’est ainsi qu’au niveau du parti, nous avons eu notre récépissé de «AJ/PADS Authentique» qui est sorti. C’était pendant la période des élections locales et il fallait travailler avec nos camarades pour qu’ils s’impliquent à fond dans ces joutes. Ce qui allait participer à la reconstitution du parti.

N’est-ce pas l’argent de Wade qui a déstructuré Aj/Pads originel ?

L’argent de Wade ne peut pas déstructurer un parti. Il peut déstructurer les Sénégalais qui croient en ces choses-là. Ceux qui croient au parti sont là. C’est cela qui est important. Ceux qui croient en l’argent sont ailleurs. Le parti a été confronté à un complot d’Etat qui était ourdi par Abdoulaye Wade. Cela ne lui a pas réussi. Aujourd’hui, il récolte plus que ce qu’il a semé. Nous, notre préoccupation, c’est de construire  notre parti et d’avancer. Ceux qui ont répondu aux appels de Wade sont avec lui. Nous, nous sommes dans la majorité présidentielle, nous sommes dans BBY.

Comment appréciez-vous l’action gouvernementale ?

Nous voyons qu’il y a eu beaucoup de difficultés. Ces difficultés, on peut les comprendre par le fait que le président de la République était obligé de changer deux fois de Premier ministre. C’est une situation qui traduit des difficultés dans la mise en œuvre de son programme. Le nouveau Pm, Dionne, vient d’être mis en place, il n’a même pas encore prononcé son discours de politique générale. Nous allons voir ce qui va se passer. Mais personne ne peut nier les difficultés rencontrées depuis la deuxième alternance.

Qu’est-ce qui ne marche pas dans l’action gouvernementale ?

Il y a des difficultés dans tous les domaines. Beaucoup de difficultés sont héritées du régime de Wade. C’est autour de cela que nous avons fait campagne. Mais l’équipe actuelle a pour devoir de sortir le Sénégal de ces difficultés. Or, quand on regarde le domaine de l’éducation, qui est un domaine auquel nous sommes extrêmement sensibles parce que le sort de la jeunesse sénégalaise nous préoccupe particulièrement, si on regarde l’université, il y a une situation qui est inacceptable.

Il faut régler les problèmes de l’université et on ne doit pas les régler sans une discussion avec l’ensemble des acteurs du secteur pour trouver une réponse consensuelle qui puisse permettre au pays d’avancer. Nous estimons que c’est une priorité des priorités parce que la première ressource du Sénégal, ce n’est pas le pétrole qui va être produit dans quelques années, mais nos ressources humaines et notre jeunesse en particulier que tout le monde nous envie. Parce que cette jeunesse, elle est dynamique et a un potentiel. Il faut simplement créer les conditions pour qu’elle puisse s’exprimer dans tous les domaines.

A part l’éducation…

En dehors de l’éducation, il y a la question de l’emploi de la jeunesse qu’il faut régler. Voilà une façon d’aborder la question de la pauvreté. Les emplois pour la jeunesse, il faut les régler. Il y a des structures qui ont été mises en place pour essayer de fournir des réponses mais nous sommes encore loin du compte. Il a été dit avec l’ancien Pm, et le nouveau Pm est d’accord que l’agriculture doit constituer une priorité pour ce pays. Et c’est vrai. Malheureusement nous disons cela depuis des décennies. Quand allons-nous concrétiser cela ? Ce sont des questions qui se posent. Je ne peux pas dire comment le gouvernement envisage de régler ces problèmes, mais je dis que s’il ne les règle pas, il n’aura pas réglé les problèmes de base auxquels le pays est confronté.  

Comment vous analysez le PSE ?

Le PSE, on en parle. Pour le moment, je pense que ce sont des promesses d’investissement qui sont faites. Nous attendons de voir ce que cela va donner. Chaque gouvernement a l’obligation d’avoir un plan. Aujourd’hui c’est le PSE, avant il y avait d’autres programmes qui étaient là. Mais au delà des programmes et des plans, ce sont les actions que l’histoire retient. Or, en termes d’actions pour l’instant, nous attendons encore qu’elles se pratiquent sur le terrain. Je vois qu’il n’y a pas beaucoup d’avancées en termes d’exécution de programmes sur le terrain. Et le Pm actuel doit être conscient du fait que c’est ce que l’opinion attend.

La mort de l’étudiant Bassirou Faye défraye la chronique. Récemment les enquêtes menées ont conduit à l’arrestation d’un policier.

Il y a un aspect positif dans cette tragédie. C’est que le pouvoir essaye au moins de mener une enquête sur cette affaire. Parce que par le passé, on a très rarement eu sur ces cas un retour d’information sur les enquêtes et les avancées dans un sens ou dans un autre. Je pense que c’est bien que des enquêtes soient menées et qu’un travail soit fait pour établir les responsabilités. Concernant les dernières informations, je ne suis pas en mesure de les juger puisque certains disent que c’est le policier appréhendé, d’autres disent ce n’est pas lui.

On accuse l’Etat de chercher un bouc émissaire dans cette affaire.

Je ne peux pas le dire pour l’instant. Parce que l’Etat n’a encore rien dit de façon claire. On a dit que c’est la justice qui a mené les enquêtes et les a déposées. Mais on verra. De toute façon au Sénégal, on ne peut pas aujourd’hui, prendre quelqu’un qui n’est pas coupable et en faire un coupable. Le niveau démocratique et l’Etat de la justice dans ce pays font que c’est très difficile. Je me souviens en 1993, dans l’affaire Me Babacar Sèye qui avait été tué, le pouvoir avait essayé d’accuser immédiatement Me Wade. Moi j’avais dit qu’il n’y avait aucune preuve. On estime que ce sont des accusations trop graves, qu’on ne peut pas porter plainte contre quelqu’un sans donner de preuves réelles de la culpabilité de l’individu. Il faut que l’enquête soit convaincante et que des preuves soient établies pour que l’opinion puisse accepter cela.

Comment appréciez-vous le procès de Karim Wade ?

Ce procès, je le suis comme tout le monde avec intérêt. Je constate que c’est beaucoup plus compliqué qu’on ne nous l’annonçait au début. Et je ne suis pas sûr que cette affaire se termine comme le pouvoir l’imaginait au départ. Mais le vin est tiré et il faut le boire. Il faut aller jusqu’au bout du procès. C’est cela qui est logique. Ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, Karim Wade se défend ; le pouvoir a cherché des preuves et nous en tant qu’opinion, nous suivons tout cela en sachant que la justice a l’obligation de prouver ses accusations pour pouvoir aller à son terme normal. Une condamnation ne peut se fonder que sur des preuves convaincantes et il appartient à l’Etat et à la justice de donner ces preuves-là.

Le bureau de l’Assemblée nationale a été renouvelé et son président installé. Comment voyez-vous le fonctionnement de cette institution ?

L’Assemblée nationale est une institution dont le pays a besoin mais qui a l’obligation de jouer pleinement son rôle. C’est vrai que quelque part, il y a des frustrations dans l’opinion publique, nous le constatons. Les députés sont à mi-mandat mais ils devraient pouvoir tenir compte des frustrations des uns et des autres et rallumer le flambeau.

Beaucoup dénoncent une prédominance de l’exécutif sur le législatif.

Il faut être objectif. L’exécutif dans ce pays a toujours joué un rôle important. N’oublions pas que le conflit entre Wade et Macky Sall est venu de cela. En un moment donné, Wade a reproché des choses à Macky Sall qui était président de l’Assemblée nationale et c’est de là que sont partis leurs différends. Donc il y a une tradition au Sénégal de direction du président de la République sur les grandes orientations de l’Assemblée. C’est la manière qui fait souvent la différence. Maintenant, il y a une assemblée qui est en place, un président installé depuis un certain temps, c’est à lui et à ses collaborateurs de faire en sorte que, avant la fin de cette législature, cette assemblée laisse une image positive dans l’opinion. C’est vrai qu’il y a des problèmes à ce niveau.

Pensez-vous que la séparation des pouvoirs est une réalité au Sénégal ?

Elle n’est pas une réalité dans nos pays. C’est cela la vérité. Depuis l’époque du Parti socialiste jusqu’à aujourd’hui, la séparation des pouvoirs sur le plan théorique, elle est proclamée. Mais de façon pratique, tout le monde sait qu’il y a une primauté du président de la République sur l’ensemble des institutions de ce pays, pas seulement sur l’Assemblée nationale.

Mais malgré cette primauté, chaque institution a la possibilité de s’affirmer dans sa mission. Le président Kéba Mbaye, quand il était à la tête de la Cour suprême, avait réussi à s’affirmer et à laisser une image positive au niveau de l’opinion. Le président Macky Sall quand il était à la tête de l’Assemblée nationale, avec ce qui s’est passé, a réussi à gagner la sympathie de l’opinion. Donc chaque chef d’institution a la responsabilité de donner à son institution une dimension qui lui permette de s’affirmer.  

 

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