Publié le 3 Dec 2018 - 20:46

Le ‘’Grand Magal’’ de Bby

 

A Diamniadio, c’est un samedi pas comme les autres. Les militants et sympathisants de la mouvance présidentielle sont venus de tous les coins et recoins du Sénégal, pour célébrer l’investiture de leur candidat, le président de la République Macky Sall.

 

Une pénurie de véhicules ! De Rufisque, difficile de rallier Diamniadio, en ce samedi 1er décembre, jour du Congrès d’investiture de la coalition majoritaire Benno Bokk Yaakaar. La plupart des chauffeurs, au rond-point Sonadis, refusant catégoriquement toute offre en direction de la ‘’nouvelle ville’’, point de ralliement de tous les militants et sympathisants de la mouvance présidentielle. La soixantaine révolue, ce chauffeur de taxi ‘’Sen-Iran’’ tente de décrire le calvaire qu’il a laissé sur l’autoroute à péage. ‘’De Thiaroye à Rufisque, on roule au ralenti.

Mais les choses sont encore plus infernales à partir du poste de péage de Rufisque. Il y a des embouteillages monstres’’, témoigne-t-il avec dépit, avant de décliner notre offre de rejoindre Dakar Arena à un prix presque double du tarif habituel. Comme s’il n’en croyait pas encore de s’être enfin libéré de ce bourbier. ‘’Heureusement, confie-t-il, j’avais des clients de Rufisque. Donc, je suis sorti d’affaire juste au niveau de la sortie de Sedima. Pour rien au monde, je vais aller là-bas aujourd’hui’’. Il est 10 h passées de 40 mn à la devanture de la mairie de Rufisque.

L’attente se prolonge. La chaleur, plus forte au fur et à mesure que les minutes s’égrènent. Ce n’est que vers les coups de 12 h que la chance daigne enfin sourire. A bord d’un ‘’clando’’, nous rallions, via la nationale 1, la nouvelle ville située à environ 11 km. Sur cet axe, les véhicules roulent certes, mais lentement. Pour un parcours qui se fait habituellement en moins de 30 minutes, il a fallu environ une heure de temps avant d’arriver sur les lieux, épuisé. Et plus on s’approche, plus la file de voitures impressionne. Descendu à plus de 200 m du lieu de rassemblement, le visiteur est simplement ahuri par la multitude de ‘’Ndiaga Ndiaye’’, bus et de véhicules particuliers de toutes les marques, de toutes les plaques d’immatriculation qui transforment carrément le paysage presque désertique de Diamniadio.

Dans l’enceinte du stade, le hall ainsi qu’au dehors, sur les rues, partout, c’est une marée humaine en tee-shirts, wax et voiles aux couleurs de l’Alliance pour la République (Apr), parti au pouvoir qui, visiblement, n’a pas lésiné sur les moyens pour réussir le pari de la mobilisation. Immense est la foule. Les organisateurs, récemment, refusaient de préciser le budget qui a été dégagé pour les besoins de l’organisation. L’essentiel, expliquaient-ils, c’est que c’est de l’argent qui sera issu des cotisations des membres. ‘’Ce sera un financement militant’’, disait Mbaye Ndiaye, responsable du pôle congrès.

Militants ou pas, beaucoup d’argent a été déboursé pour inonder le grand désert de Diamniadio de militants. Ame Diop est chauffeur de bus. Taille moyenne, les yeux rougis par la fatigue, il confie avoir quitté Ziguinchor la veille à 6 h du matin pour arriver à Diamniadio vers les coups de 00 h. La délégation, indique-t-il, était composée de 4 bus, chacun contenant 70 personnes. Interpellé sur la tarification, il explique : ‘’D’habitude, le trajet, c’est 7 000 F par passager. Mais là, ils ont payé 5 000 F par passager à l’aller comme au retour. Ça se comprend, parce qu’ils paient toutes les places et c’est juste pour deux jours. En principe, on retourne à Ziguinchor dès la fin de cette cérémonie’’, dit-il peinard.

Business, engagement et forte mobilisation

Pendant ce temps, les militants, non plus, ne se plaignent pas, malgré la fatigue et la forte canicule. Khadim et Modou Ndiaye ont avalé des dizaines et des dizaines de kilomètres entre Touba et Dakar. Ayant quitté la ville sainte à 00 h, ils sont arrivés à Diamniadio vers 5 h. Avec leurs pantalons bouffants multicolores. Ils témoignent : ‘’On n’a ni mangé ni dormi, mais comme nous sommes des ‘baye fall’, ce n’est pas grave. ‘Dagnouy dound dound baye fall reck’ (On vit une vie de ‘baye fall’)’’. Pourquoi ce déplacement de Touba à Dakar ? Khadim explique : ‘’C’est une responsable qui nous a contactés. Elle nous a convaincus de venir avec elle, moyennant 3 000 F. Mais, pour le moment, ce sont juste des promesses. Nous n’avons encore rien perçu.’’

Tout le contraire de Marième Sall alias ‘’Première Dame’’ et Adja Maïmouna, toutes deux venues de Diamaguene. ‘’Nous sommes là pour accompagner notre président de la République, parce que nous sommes convaincues de son bilan plus qu’élogieux. Seuls les aveugles ne peuvent le voir. Depuis qu’il est là, aucun prix n’a été augmenté. J’ai toujours accompagné des hommes politiques, mais jamais je n’ai eu un retour sur investissement. Avec l’actuel régime, on s’y retrouve et c’est pourquoi on est avec lui ‘’ba guedj gui feer’’ (littéralement, jusqu’au tarissement de la mer’’).

Ainsi, au congrès, à chacun ses raisons. Outre les chauffeurs, les militants engagés et les chasseurs de primes, il y a aussi ceux et celles qui ont fait le déplacement pour faire du business. Ndèye Maï en fait partie. Venue des zones environnantes, elle essaie d’écouler de la ‘’crème glace’’ et des sachets de ‘’thiakry’’. Sa marchandise à la main, elle se réjouit : ‘’Cela marche bien, Alhamdoulilah.’’ A quelques mètres, Ndèye Ba, tee-shirt Apr assorti d’un jean noir délavé, a un double objectif. Venue de Campement Ngékhokh, la ‘’militante convaincue’’ veut non seulement supporter son leader, mais aussi faire son commerce. ‘’C’est le président qui l’a dit. C’est notre manière de contribuer à l’émergence’’, confie-t-elle le sourire en coin. La jeune dame a pu évacuer en un laps de temps les 4 paquets de sachets d’eau qu’elle avait apportés au prix fort. ‘’Puisque la demande était forte, j’ai vendu les sachets de 25 F à 50 F. Il ne me reste plus que quelques beignets. Si ça ne dépendait que de moi, il y en aurait encore’’.

‘’Nous avons déjà gagné’’

Quelques instants plus tard, l’arrivée du président est annoncée par la parade des motards et des gros bolides de la présidence. C’est la confusion totale. Sur place, il y en a plus que pour Macky Sall. On chante, on danse, on siffle. Debout sur son véhicule, le candidat de Benno Bokk Yaakaar, ‘’ému’’, distribue sourires et salutations. C’est l’apothéose. ‘’Nous avons déjà gagné’’, chante un inconditionnel très euphorique.

 

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