Publié le 5 Dec 2013 - 15:32
LE DOSSIER TAHIBOU NDIAYE

Mensonge d’etat, forcing judiciaire et administratif.

 

Depuis quelques jours, le paysage politico judiciaire ne bruit que d’une affaire : celle dite Tahibou NDIAYE, ancien directeur du cadastre. Sous ses trois dimensions politique, judiciaire et administrative, elle peut être résumée comme, d’une part, un simple mensonge d’Etat à des fins de démagogie politicienne et, d’autre part, un double forcing judiciaire et administratif.

J’avais annoncé, lors d’un débat qui m’avait opposé à Moubarack LO au lendemain de l’avènement du régime de Macky sall, sur les ondes de la radio Sud FM, que cette histoire de traque des biens mal acquis relevait de la double  fumisterie politicienne et de la démagogie populiste. Et qu’en fin de compte, elle se résumerait à cibler trois ou quatre hauts fonctionnaires à jeter en pâture à l’opinion, avide, et à juste titre, de reddition de compte.

Dans ce premier volet, nous traiterons seulement de l’aspect judiciaire du dossier, et qu’on ne nous oppose surtout pas le secret de l’instruction, puisque la CREI a été la première à transmettre à la presse les détails de l’affaire, dans une honteuse tentative de manipulation de l’opinion publique, avec la publication du recensement exhaustif des biens supposés de Mr Tahibou NDIAYE et l’évaluation de leur valeur.

Nous souhaitons que cette série de contributions débouche, in fine, sur un débat national sur la gestion foncière (rappelons au passage que l’audit foncier tant agité au début du règne de monsieur Macky sall a été enterré depuis (???).

Examinons ici simplement les aspects techniques de l’affaire.

Il est reproché à monsieur Tahibou Ndiaye de détenir un patrimoine colossale de sept milliard sept cent quatre millions trois cent cinquante trois mille trois cent soixante onze mille francs (7.704.353.371) ; dont :

Patrimoine immobilier : 4.202.201.815

Parc automobile                :               89.500.000

Avoirs financiers                :      3.413.092.995

Ces montants ont été obtenus sur la base d’une évaluation fantaisiste et délibérément malhonnête.

1.            Evaluation du patrimoine immobilier :

Dans la forme : précisons d’abord que la volonté d’instruire ce dossier à charge a conduit le parquet à commettre un « expert », le sieur Yade, qui n’est même pas inscrit au tableau de l’ordre des experts immobiiers du Sénégal (n’en ayant probablement pas les références requises).

Ensuite, cet « expert » n’est jamais entré dans aucune des maisons « expertisées », se contentant de prendre des photos du dehors. Je vous laisse apprécier de la crédibilité du résultat.

Dans le fond : le recensement et l’évaluation ont porté :

-              non pas seulement sur les biens de Mr Tahibou Ndiaye, mais aussi sur ceux de son épouse et des enfants dont il a la charge ;

-              sur l’ensemble des biens fonciers et immobiliers de ces derniers

La méthode utilisée ici est non pas celle de l’évaluation mais celle de l’estimation, la première faisant appel à la notion de « valeur marchande » alors que la seconde requiert l’utilisation de données techniques.

Cela a abouti a gonflé la valeur du patrimoine pour en arriver au montant de 4.202.201.815.

La contre expertise qui a été faite, par des experts évaluateurs inscrits, sur demande de Mr NDIAYE, a abouti à une évaluation réaliste qui contredit fortement celle de la CREI.

A titre d’exemple :

- La maison objet du lot n°10 du TF 10644/NGA (cité des impôt), construite en 1988 après acquisition du terrain de la coopérative des impôts et sur prêt BHS, a été estimée à 119 000 000 par la CREI, la contre expertise, qui a consisté à déterminer la valeur à neuf de l’immeuble, a conclu à une valeur de 29 280 000.

- une villa à SOTRAC-Mermoz estimée par la CREI à 254 500 000 et qui, après expertise, est évaluée à 58 900 000.

Ces deux exemples illustrent parfaitement la légèreté avec laquelle le patrimoine de Tahibou NDIAYE a été quantifié. Et puisqu’il fallait impérativement charger le dossier, aucun compte n’a été tenu des observations techniques formulées dans le Mémoire de Mr NDIAYE.

2. plan financier :

Il a été demandé ici à Mr NDIAYE de justifier la somme de 3 413 092 995 francs composée, entre autres, de :

-              prêt conventionnel         :  3 000 000 000

-              comptes bancaires          :     413 000 000

 La aussi, la légèreté frise le ridicule.

Ainsi :

-              le prêt conventionnel concerne, comme la révélé l’état des droits réels dûment délivré par le conservateur, un report d’hypothèque consenti par la SICAP en garantie de prêts levés  auprès de la CBAO, BIS, BISIC et ECOBANK.

La grossièreté de l’intégration de ce montant dans les estimations de la CREI réside à la fois dans l’omission « volontaire » de l’origine du prêt que dans le fait de concevoir qu’on puisse lever, dans une banque, un prêt aussi important avec, comme garantie, un terrain de 500m2.

Et malgré la production des états des droits réels, malgré que le même report hypothécaire soit mentionné sur tous les états de droits réels de tous les propriétaires de la cité KEUR GORGUI, la CREI a maintenu ce montant dans ses « estimations ».

-              les mêmes omissions volontaires ont été reprises pour ce qui est des comptes bancaires. Aussi curieux que cela puisse paraître, la CREI ne semble pas pouvoir faire la différence entre un solde et un total crédit d’un compte bancaire.

La méthode qui a été utilisé consiste à prendre le cumul du crédit des comptes depuis leur ouverture jusqu’à ce jour (ce qui est d’ailleurs contraire au principe du « délit instantané » si cher à la CREI).

Ainsi, le compte BHS, qui ne recevait que les salaires de Mr NDIAYE (comme en atteste le listing produit par le ministère des finances) a été évalué à 57 653 392 alors qu’au moment de la réquisition, il affichait un solde de 1 446 999 ;

Le compte SGBS, qui ne recevait que les avantages trimestriels de Mr NDIAYE (communément appelés parts de chef), a été estimé à 101 141 606 frs CFA alors qu’au moment de la réquisition, il affichait un solde de 19 487 frs CFA….

3°) Parc automobile :

 Il a été retenu un parc automobile composé de quatre véhicules :

-              une Mercedes DK-6637-AA estimée à 21 500 000

-              une Mercedes DK-7008-AK estimée à 55 000 000

-              un Renault LAGUNA DK-0456-Z estimé à 8 000 000

-              un Peugeot 407 DK-2577-AC estimé à 10 000 000

       D’abord de tout ce parc, seule la Mercedes DK-7008-AK appartient à Mr NDIAYE, qui l’avait acquise auprès de la société EMG à 32 millions payés par l’échange d’un véhicule Toyota, la soulte étant acquittée suivant un échéancier arrêté d’accord partie.  Tous les autres véhicules ayant pu lui appartenir dans le passé, mais ont été cédé depuis longtemps.

      Ensuite, là aussi, la méthode d’évaluation n’a respectée aucune norme technique. En effet, comment imaginer qu’un un Renault LAGUNA, qui a été cédé d’ailleurs par Mr Ndiaye depuis 2007, puisse être évalué à 8 000 000.

En définitive, la conjonction de ces erreurs et omissions voulues et des contre expertises produites, ramène le PATRIMOINE de monsieur TAHIBOU NDIAYE DES 7.704.353.371  de la CREI à 528.140.800 frs CFA.

Or, l’ensemble des revenus de monsieur NDIAYE (fonds communs, salaires, loyers…), acquis en 36ans de carrière et attestés par des pièces justificatives, indépendamment des revenus de son épouse et de ses filles adoptives qui ont leurs activités, s’élèvent à 821 733 460.

IL N’YA PAS D’ENRICHISSEMENT ILLICITE MAIS PLUTOT ACHARNEMENT POLITICO JUDICIAIRE !

Nous reviendrons demain sur les autres aspects et les dessous cachés de cette affaire, notamment :

-              le caractère légal et licite de la constitution de certains aspects du patrimoine de Mr NDIAYE

-              la gestion foncière au Sénégal (mode, fonctionnement, principaux bénéficiaires…)

-              les chantiers oubliés de la traque

-              L’enrichissement des élites politiques, des hauts fonctionnaires (civiles et militaires, hauts magistrats…)

-              La question de la corruption et de la concussion…

Ousmane SONKO

Secrétaire Général Honoraire du

Syndicat Autonome des Agents

des Impôts et des Domaines (SAID)

 

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