Publié le 14 Mar 2016 - 22:51
LE PR SERIGNE DIOP RENVOIE ISMAÏLA MADIOR ET MOUNIROU SY A LEURS COPIES

‘’Mes anciens étudiants se sont trompés sur le Conseil constitutionnel’’

 

Invité de l’émission « Grand jury », hier, le professeur Serigne Diop a corrigé ses anciens étudiants que sont les professeurs Ismaïla Madior Fall et Mounirou Sy, en réitérant que le Conseil constitutionnel a bel et bien rendu un avis et non une décision. L’ancien Médiateur de la République a délivré un satisfecit aux 45 universitaires qui ont publié un manifeste sur la question. Avant de souligner que la question de la limitation du mandat n’est pas résolue.

 

‘’Je n’ai aucun problème avec la décision du Chef de l’Etat de suivre le Conseil constitutionnel, mais je crois que mes collègues Ismaïla Madior Fall et Mounirou Sy, qui ont été mes étudiants en première année dans le Droit de constitutionnel, se sont trompés sur cette question : avis ou décision ’’, a déclaré hier le professeur Serigne Diop sur la RFM. Selon lui, il n’y a pas de doute que le Conseil constitutionnel a rendu un avis et non une décision, comme les deux professeurs persistent à le dire. ‘’Un avis conforme ne se présume pas. Il doit être toujours précisé par le texte qui prévoit l’avis. Quand on ne précise rien, c’est un avis consultatif. Ça ne peut être qu’un avis, un avis…’’, a-t-il soutenu avec insistance. ‘’Notre maître en Droit dans ce pays, le Pr Seydou Madani Sy a souligné, dans une conférence : « il y en a qui disent : avis ou décision, cela n’a pas d’importance. Pour un juriste, c’est très important. Un avis, on en fait ce que l’on veut. Mais pour une décision, elle s’impose », a-t-il rappelé.

Aussi l’invité de ‘’Grand jury’’ a salué l’acte posé par les 45 professeurs d’université qui ont publié un manifeste dans lequel ils battent en brèche les arguments du ministre conseiller juridique du président de la République, Ismaïla Madior Fall et du directeur du BSDA. ‘’C’est la première fois que 45 enseignants corrigent un de leurs collègues. C’est quand même impressionnant, ce qu’ils ont fait. Je voudrais solennellement leur exprimer mon respect et ma considération. L’acte qu’ils ont posé est un acte historique, car, à l’Université, il n’y a d’autorité que les universitaires eux-mêmes’’. Ces précisions faites, le Pr Diop pense que ses anciens étudiants devraient rectifier leur copie, car leur erreur est lourde de conséquence pour les étudiants.

Selon ses explications, ‘il n’y a aucune relation possible en Droit, entre l’avis de l’article 51 qui concerne le référendum et l’article 92 qui évoque la compétence juridictionnelle du Conseil constitutionnel’’. Pour étayer ses propos, il a relevé que ce que le Chef de l’Etat a envoyé au Conseil n’était même pas encore un projet de loi, mais un avant-projet de loi. ‘’On peut même l’appeler un document de travail, parce que ce n’est pas un acte juridique. Donc, il ne peut pas faire partie du commerce juridique et c’est pourquoi on demande au Conseil un avis’’, a-t-il argumenté. On peut demander un avis sur un document de travail destiné à préparer un texte, mais on ne peut pas lui demander un jugement sur un texte qui ne fait pas partie du commerce juridique.

‘’La question de la limitation du mandat présidentiel n’est pas réglée’’

Contrairement à l’avis du Conseil constitutionnel, le Professeur Serigne Diop estime que la réduction du mandat en cours du président de la République est belle et bien possible. ‘’Quand on enseigne le droit constitutionnel et qu’on évoque l’Angleterre, on dit souvent que la loi peut tout faire, sauf transformer un homme en femme’’, a expliqué hier le constitutionnaliste. Se faisant plus clair, il a soutenu : ‘’c’est pour dire qu’un législateur est souverain, surtout lorsque c’est le constituant’’. Par conséquent, a argué le professeur de droit, ‘’l’essentiel, c’est que tout ce qu’il fait soit techniquement bien fait dans un texte. C’est tout’’. En d’autres termes, il souligne que la réduction en cours du mandat présidentiel est techniquement possible et rien ne l’interdit. Mais, a-t-il relevé, ‘’dans le cas d’espèce, le Conseil constitutionnel ne l’a pas conseillé et le Président a décidé de le suivre’’.

Il a également relevé que la question de la limitation du mandat présidentiel n’est pas résolue par le texte référendaire. ‘’Lors d’une table-ronde organisée le 3 mars par le Laboratoire d'études juridiques et politiques, la discussion a prouvé le contraire. Les débats ont été très importants’’, s’est-il limité à dire.

FATOU SY

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