Publié le 14 Oct 2014 - 12:07
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE LACHE WADE

Quand Macky Sall tourne casaque

 

Les propos du président de la République déclarant qu’il ne s’opposerait pas à une comparution de son successeur au cas où la justice en faisait la demande traduit une volte-face de sa part. Ce, après qu’il avait accordé une certaine immunité à son Me Wade.

 

‘’Si Wade devait être poursuivi (par la CREI), je ne m’y opposerai pas’’. Cette déclaration du président Macky Sall, dans les colonnes du magazine Jeune Afrique et dont la presse sénégalaise s’est largement fait l’écho, semble relancer le débat sur l’immunité de l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade. Alors que son fils Karim Wade est jugé dans le cadre de la traque des biens mal acquis, Me Wade pourrait bien être entendu - soit en tant que complice soit en tant que témoin - par les juges de ladite cour qui doivent ‘’apprécier de l’implication de tel ou tel’’, comme le précise, du reste, Macky Sall.

Une éventualité que Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole de l’ex-chef de l’Etat, analyse avec amertume. ‘’Pourquoi on le (Abdoulaye Wade) poursuivrait ? Pour avoir rendu au Sénégal sa dignité en renvoyant les bases militaires françaises ?  Pour avoir redonné confiance à l’Afrique et aux Africains ? Pour avoir construit un Sénégal de nos rêves avec des routes, des échangeurs… ?’’ se demande-t-il. «Si c’est cela un délit ou crime, nous serons prêts non seulement à aller devant la CREI, mais devant la Cour internationale de la Haye», promet le responsable libéral.

Et pourtant, cette position du président de la République tranche d’avec celle qu’il avait, il y a de cela deux ans. Invité alors par nos confrères de la chaîne «France 24» le 15 octobre 2012, Macky Sall déclarait : ‘’Notre intention n’est pas d’envisager une quelconque poursuite contre lui (Abdoulaye Wade) surtout qu’il bénéficie d’une immunité» en tant qu’ancien chef de l’Etat. En clair, il excluait toute poursuite contre son prédécesseur, pourtant cité à plusieurs reprises dans le dossier de Karim Wade comme étant le ‘’bon samaritain’’.

Qu’est-ce qui explique ce changement de discours du locataire du palais de la République ? Voudrait-il couper court au débat sur les retrouvailles de la famille libérale de plus en plus agité ? Une source très introduite dans le cercle du pouvoir semble détenir une pièce du puzzle. «Macky veut faire planer une épée de Damoclès sur la tête de Wade qui en sait beaucoup sur lui et son épouse. Pour l’instant, Wade se tait, mais le jour où il parlera, il fera très mal. Donc, en faisant une telle déclaration, Macky prend les devants.»

Les «retrouvailles libérales» en question

Ces accusations sont battues en brèches par Yaxam Mbaye, secrétaire d’Etat à la communication. «Le président de la République n’est pas un homme de menace ; il n’est pas un homme de manœuvres, et n’est pas quelqu’un qui fait planer une épée de Damoclès au dessus de la tête de ses supposés adversaires. En tant que président de la République, avec toutes les dispositions contenues dans la Constitution, il n’a pas besoin de faire la guerre à ses adversaires ou de brandir une épée de Damoclès à travers une interview», déclare-t-il.

D’ailleurs, Yaxam Mbaye refuse qu’on parle d’un changement de discours du président qui, selon lui,  est dans une «posture constante.»  «J’ignore ce qui explique ce changement de discours. Je ne peux pas parler de changement, car je ne me souviens pas des propos qu’il (Macky Sall) avait tenus précédemment», ajoute le secrétaire d’Etat à la Communication.

Mieux, affirme-t-il, Macky Sall «a toujours déclaré que sa préférence n’a jamais été pour une traque des présumés biens mal acquis. Il  a toujours voulu que les gens transigent.». Et dans tous les cas, «dans l’ambiance politique du moment où les observateurs parlent de retrouvailles (de la famille libérale), je ne pense pas que le président Macky Sall soit dans une posture hostile vis-à-vis du président Wade.»

Toutefois, notre source persiste qu’il y a bel et bien une volonté de musellement de l’ancien président de la République de la part de ‘’lobbies’’ tapis dans les allés du pouvoir et qui sont ‘’hostiles’’ à ces retrouvailles. Des lobbies qui, à l’en croire, pourraient être divisées en trois catégories : la première serait constituée par «Benno Bokk Yaakaar» ; la deuxième, par des très proches du chef de l’Etat ; et la troisième par la famille présidentielle elle-même qui peut avoir son mot à dire dans une telle situation. Cela fait que même si Macky Sall voulait de ces retrouvailles, il éprouverait bien des difficultés à les réaliser, ajoute-t-il.

Pour Serigne Mbacké Ndiaye le «débat de fond» est de savoir dans quel contexte et à quelle date l’interview du chef de l’Etat a été réalisée.  Fervent partisan de ces retrouvailles libérales, le porte-parole de Me Wade invite plutôt à décoder le message du président de la République. «A chaque fois qu’il (Macky) se prononce, c’est pour s’adresser à quelqu’un. A qui s’adresse-t-il cette fois-ci ? Je ne sais pas. C’est pourquoi il est important de connaitre la date (NDRL : Elle a été réalisée le 30 septembre 2014 à Dakar)’’, dit-il.

DAOUDA GBAYA

 
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