Publié le 1 Aug 2017 - 17:39
LEADERS AYANT PERDUS LEURS FIEFS

Les désabusés !

 

Certains se croyaient promis à un destin présidentiel, d’autres étaient persuadés d’avoir signé un bail avec leur fief politique, pour ne pas dire le peuple. Mais à l’arrivé, le réveil a été brutal. Alors qu’Idrissa Seck, Malick Gakou et autres Baldé voient le Palais s’éloigner, certains comme Abdoul Mbaye devront repasser encore, le test de popularité étant non concluant.

 

Les illusions perdues ! Ce titre du roman de Balzac suffit à lui seul pour résumer la situation de bon nombre de leaders de l’opposition. Dans leurs différentes formations politiques, on les appelle Président. On avait même fini de leur attribuer un destin présidentiel. Mais les résultats des Législatives d’avant-hier ont montré  que nombreux parmi eux pourrait ne pas avoir le privilège de voir le complément du nom ‘’de la République’’, s’ajouter au vocable.  Idrissa Seck, Malick Gakou, Abdoulaye Baldé étaient parfois cités comme étant de probables futurs chefs de l’Etat. À côté d’eux, il y a  certains qui sont engagés dans une stratégie de conservation d’une base et d’autres dans une opération de conquête.

Mais puisque la nuit les chats sont gris, il fallait attendre le lendemain du scrutin pour y voir plus clair. Lors de la dernière présidentielle en 2012, le patron de Rewmi avait comme slogan Idy4président. Mais à la lecture des faits, l’ancien maire de Thiès n’a presque aucune chance d’être le 5 président du Sénégal, du moins pas dans l’immédiat. La défaite d’hier dans le département de Thiès réduit considérablement son aura. Certes, il reste le patron de la commune, mais pour remporter une élection présidentielle, il faut aller au-delà de la ville.

Il s’y ajoute que cette défaite n’est pas en soi une réelle surprise. Idrissa Seck était en perte de vitesse depuis quelques années. De scrutin en scrutin, son électorat se réduisait comme une peau de chagrin. Aujourd’hui plus que jamais il est menacé de tomber de son piédestal thiessois.  Le pouvoir s’est même payé le luxe de gagner, dans la commune, des centres qui lui était traditionnellement acquis. Ce qui était donc jadis une forteresse Orange semble de plus en plus prenable. La position d’Idy est déjà d’autant plus délicate que quels que soient les résultats à Dakar (tellement sérés qu’il y a eu polémiques), Khalifa Sall se positionne déjà comme un potentiel leader de l’opposition. Dans le scénario où l’opposition irait ensemble à une présidentielle, il est difficile d’envisager comment Idrissa Seck serait le candidat derrière qui se rangeraient les autres.

La situation est la même pour Malick Gakou. Depuis qu’il a quitté l’Alliance des forces du progrès (AFP) avec fracas, emportant avec lui une partie de la formation politique de Moustapha Niasse, son nom revenait en permanence parmi  les figures de proue de la classe politique. Il a même était désigné à un moment, coordonnateur de Mankoo Wattu Senegaal, cette coalition politique qui, avant les élections, regroupait l’essentiel des forces hostiles au régime de  Macky Sall. Le président du Grand Parti devait se lancer dans la reconquête de Guédiawaye. Après avoir laissé la voie libre à Aliou Sall en 2014, l’occasion lui était donnée, avec les Législatives d’avant-hier, de montrer que Guédiawaye est son bien qu’il avait confié au frère du Président Sall et qu’il pouvait le récupérer quand il veut. Mais il n’en est rien. En perdant son fief, il vient de montrer qu’on lui avait peut-être trop tôt trouvé une toge présidentielle.

Reprendre son fief d’abord

L’autre désillusion à eu lieu en Casamance. Pour avoir déraciné en 2009 le baobab Robert Sagna, maire de Ziguinchor pendant plus de 20 ans, Abdoulaye Baldé est apparu comme un mammouth de cette partie Sud du pays. Lors des Locales de 2014, il a bien résisté à l’ouragan du pouvoir. Mais il semble avoir délaissé le terrain par la suite au profit de ses adversaires. Aujourd’hui, avec cette défaite, son destin de présidentiable est mis en pointillé.

Un autre plus résistant que lui a été aussi déboulonné. Même si on ne le voyait pas forcément président de la République, le maire de Dagana a voulu être parmi ceux qui jouent les premiers rôles dans l’opposition. Il est d’ailleurs le coordonnateur national adjoint du PDS, derrière Abdoulaye Wade qui réside à l’extérieur depuis qu’il a perdu le pouvoir. Avant-hier, Oumar Sarr  a perdu le département de Dagana après 26 ans de règne. Ceux qui dans le PDS ne voulaient pas le voir devant vont certainement avoir de la graine à moudre.

Le ‘’primo-inscrit’’ recalé

En dehors de ces personnalités, il y a d’autres responsables au Gabarit politique moins important. Parmi eux, il y a l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. Ce ‘’primo-inscrit’’ passait son baptême de feu, l’occasion de savoir ce qu’il pèse en termes de popularité. Mais le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas encore dans le cœur des Sénégalais. Il faut dire que l’homme ne s’est pas réellement distingué des autres, ni dans sa prise de parole, ni dans son projet politique. À travers ses interventions publiques, ce qu’on note surtout, ce sont des critiques de l’action de l’Etat. Il donne l’impression d’avoir un goût d’inachevé après avoir quitté le pouvoir en 2013. Quoi qu’il en soit, il lui reste encore beaucoup de chemin à faire avant de franchir les grilles du palais, si tant est qu’il en aura encore l’envie, après cette grosse déception.

Mais Abdoul Mbaye n’était pas le seul outsider à croire à ses chances. L’ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio croyait lui aussi pouvoir s’en sortir. Il en est de même d’Aïda Mbodji qui s’est éloignée des rangs du PDS pour mener une carrière solo. À l’arrivée, ces leaders devront sans doute revoir leurs ambitions à la baisse. Que dire alors de Me El Hadji ? L’autoproclamé député du peuple se disait aimer par celui-ci. Rien qu’à se fier à ses dires, on le prendrait aisément pour le successeur de Moustapha Niasse à l’hémicycle. Pas sûr qu’il puisse compter cette année sur les plus forts restes. Aujourd’hui, c’est la déception pour ces candidats. Mais ce n’est pas pour autant que les portes du Palais soient fermées pour eux, car comme le disait l’écrivain italien Alessandro Baricco, ‘’le destin a coutume de donner d'étranges rendez-vous’’.   

BABACAR WILLANE

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