Publié le 30 Jan 2018 - 23:47

Les avocats de l’Etat démontent les nullités soulevées par la défense

 

Suspendu depuis vendredi, le procès de Khalifa Sall a repris hier, avec la poursuite de la réplique des avocats de l’Etat, par rapport aux exceptions de nullité soulevées par la défense.

 

Le débat de forme se poursuit, dans le procès de Khalifa Sall. Hier, les avocats de l’Etat ont continué leurs répliques relatives aux irrégularités et autres exceptions de nullité soulevées par la défense la semaine dernière. Prenant la parole en premier, Me Baboucar Cissé n’y est pas allé par quatre chemins, pour marteler que ‘’les exceptions sont purement dilatoires, car elles ont été déjà soulevées au cours de l’instruction et devant différentes juridictions qui s’étaient toutes déclarées incompétentes’’. L’avocat a déclaré que ses confrères ont certes le droit de soulever des exceptions, mais pas de demander au tribunal de s’ériger en juridiction de quatrième degré.

Ces précisions faites, Me Cissé n’est revenu que sur deux griefs seulement. D’abord, sur la nullité du procès-verbal pour violation du règlement n°5 de l’Uemoa relatif à l’assistance de l’avocat et l’article 55 du Code de procédure pénale (Cpp), la robe noire argue que cette exception a fait l’objet d’un débat et a été évacuée. Donc, a-t-il poursuivi, ‘’on ne peut plus y revenir à nouveau, surtout qu’il y a eu pourvoi en cassation qui a prononcé la déchéance de Khalifa Sall pour absence de consignation’’. Il considère également que l’argument de la violation des droits de la défense ne peut pas prospérer, dans la mesure où le maire de Dakar et ses co-prévenus n’ont pas fait l’objet d’une mesure de garde à vue, mais ils ont été entendus et relâchés.

Par rapport à l’argument de l’immunité parlementaire, Me Cissé a fait savoir que la question est également déjà tranchée et toutes les décisions rendues sont en droite ligne avec la jurisprudence française dans un arrêt rendu le 26 juin 1986 par la Cour de cassation de Paris. ‘’Donc, elle doit être purement rejetée’’, conclut le conseil avant d’embrayer sur la nouvelle demande d’autorisation de consignation déposée le 24 janvier.

Me Cissé juge la requête ‘’irrecevable’’ au motif ‘’qu’elle n’est que la reprise de celle introduite devant le doyen des juges’’. Pis, selon l’argumentaire de ce conseil de l’Etat, dans la forme, la demande n’obéit pas aux articles 130 et 140 du Cpp. Car, dit-il, ‘’le cautionnement ne peut se faire qu’en espèces et non avec des immeubles’’. Il s’y ajoute, d’après lui, l’Etat du Sénégal n’a reçu aucune pièce prouvant que les immeubles appartiennent aux personnes concernées. La preuve, dénonce-t-il, il est même proposé un terrain sis à Sangalkam, alors que le site est un domaine de l’Etat. ‘’Rien ne nous dit que les biens ne sont grevés de charge, en sus, les rapports d’expertise produits par la défense ne sont pas contradictoires. Certainement, on tente de masquer quelque chose, car rien ne nous dit qu’ils reflètent la réalité et la valeur vénale des immeubles’’, fulmine l’avocat aux yeux de qui ‘’la demande de mise en liberté sous réverse de cautionnement est mal fondée’’.

Me Sow : ’’ C’est incohérent de soutenir que les fonds sont politiques et que la Cour des comptes est compétente’’

A sa suite, Me Pape Moussa Félix Sow, après un long développement sur les règles régissant la comptabilité publique concernant les collectivités locales, s’est attaqué à l’exception préjudicielle soulevée par la défense. ‘’Je suis très étonné par cette exception consistant à dire que seule la Cour des comptes est compétente pour trancher de ce litige. C’est incohérent de soutenir que les fonds sont politiques, donc ne relèvent d’aucune juridiction et dire que seule la Cour des comptes est compétente’’, a laissé entendre l’ex-bâtonnier. Il ajoute que si tant est qu’il y avait une poursuite devant la juridiction précitée, cela n’aurait aucune incidence sur l’action pénale qui doit se poursuivre.

Tout compte fait, Me Sow estime que l’argument de litispendance, qui suppose la saisie de deux juridictions de même degré, est irrecevable.

Tout comme Me Cissé, Me Sow soutient aussi que l’incompétence liée à l’immunité ne peut prospérer, dans la mesure où ‘’les poursuites ont été entamées avant que Khalifa Sall ne soit député’’. ‘’C’est le maire qui est poursuivi. En sus, les faits n’ont pas été commis à l’occasion de sa fonction de député et ne sont pas liés à sa fonction de parlementaire’’, martèle-t-il.

Dans la même lancée, il trouve qu’il n’y a pas de violation de l’immunité parlementaire, puisque qu’au moment de son arrestation, Khalifa Sall n’était pas député. Donc, souligne-t-il, ‘’on n’a pas besoin de l’autorisation de l’Assemblée’’ nationale. Quid de l’irrégularité supposée de la levée de l’immunité parlementaire du député-maire socialiste ? La robe noire a invoqué le principe de la séparation des pouvoirs, arguant que les juges civils ou administratifs sont incompétents pour juger de la régularité d’une décision des membres du parlement. Toujours dans ses répliques, le conseil juge curieux que ‘’l’exception sur la prescription ait été soulevée par la défense qui a reproché à l’Etat de ne pas poursuivre les autres maires, juste pour soustraire les prévenus des poursuites’’.

Aussi, a-t-il relevé qu’‘’aucune prescription ne peut être retenue car, en matière d’escroquerie, celle-ci commence par la dernière remise et, en l’espèce, la période concerne 2011-2015’’. Me Sow pense également qu’en évoquant la nullité du Pv sous le prétexte qu’il n’a pas été notifié à Khalifa Sall et à Mbaye Touré leur droit de se faire assister par un conseil, ses confrères de la défense veulent faire rétroagir la circulaire relative à l’application du règlement de l’Uemoa.   

FATOU SY

 

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