Publié le 16 May 2014 - 14:42
LES BRÛLURES GRAVES A L’HÔPITAL PRINCIPAL DE DAKAR

Un taux de mortalité hospitalière de 33% entre 2009 et 2013

 

Les brûlures graves continuent de causer des morts au Sénégal. Avec une absence de politique préventive, de matériels et des ressources humaines peu qualifiées, le nombre de décès à l’hôpital principal est de 33% entre 2009 et 2019.
 
 
Définie comme une pathologie traumatique, la brûlure grave est mortelle. Sa prise en charge hospitalière adéquate est très problématique au Sénégal. Elle requiert un plateau technique très relevé et des soins médico-chirurgicaux spécifiques et onéreux. A l’hôpital Principal de Dakar, le taux de mortalité hospitalière entre 2009 et 2013 est à 33%.
 
La cause principale de la mortalité est la complication infectieuse et respiratoire. ''Avant 2009, on était à 42%. Aujourd'hui, on en est à 33%. On s'est rendu compte que le taux de mortalité hospitalière à l’hôpital Principal a considérablement baissé avec  la stratégie d'isolation et de systématisation de la prise en charge des brûlés'', a dit Docteur Mamadou Mansour Fall, anesthésiste réanimateur à l’hôpital Principal de Dakar, qui faisait hier une présentation sur ''la brûlure grave au Sénégal, état des lieux et perspectives''.
Si le nombre de décès hospitaliers a considérable baissé à Principal, en Afrique subsaharienne, il tourne au-delà de 45%.
 
Cette baisse de la mortalité hospitalière est due à la création d'une unité de traitement de brûlés au sein de la structure. '''On a su réfléchir sur une stratégie à mettre en place pour certes, ne pas prendre beaucoup de brûlés. Parce qu'on a diminué le nombre de places par deux en créant une salle de traitement des brûlés, en milieu de réanimation'', a-t-il expliqué. 
 
En 49 mois, il y a eu 1 485 admissions à l'unité de soins intensifs chirurgicaux
 
De 2009 à 2013, il y a eu 1 485 admissions à l'unité  de soins intensifs chirurgicaux de l’hôpital Principal, dont 113 brûlés à la salle de traitement de brûlés. Les malades ne sortent pratiquement plus chaque deux jours pour aller en pansement au bloc. Ce sont les médecins réanimateurs aidés des infirmiers qui s'occupent de la prise en charge des patients du point de vue de la réanimation, des soins locaux, des pansements, jusqu'au stade de l'acte chirurgical. ''Nous avons 95 récusés. C'est-à-dire des cas qui n'ont pas pu accéder aux soins à cause de la gravité des brûlures. Nos brûlés sont souvent aggravés par la dette en oxygène, le traumatisme, la douleur (…). Il y a eu 12 chocs hypovolemie, 5 détresses respiratoires et 17 insuffisances rénales'', a confié le réanimateur.
 
Selon Dr Mamadou Mansour Fall, les facteurs de risques sont causés par les conflits, le terrorisme, l'urbanisation, le feu de bois, le gaz butane, la pauvreté et la promiscuité avec les industries à risques. Nombreux sont les patients qui viennent de la sous-région (Mauritanie, Guinée Bissau, Mali et Guinée Conakry.
 
Insuffisance de plateaux techniques, de matériels et de ressources humaines qualifiées
 
Avant 2009, le nombre de décès élevé à Principal (42%) est causé par un manque de politique préventive et active, de matériels et de ressources humaines qualifiées, mais aussi d'unité de traitement des malades. ''L'offre est limitée en terme de place. On a deux lits seulement pour la réanimation. Au-delà des aspects préhospitaliers, elle est assujettie à des actes chirurgicaux. Et ces actes sont obligatoirement assortis des moyens pour la greffe cutanée'', a déploré Dr Mamadou Mansour Fall.
 
De l'avis de ce dernier, c'est un problème de plateau technique et de ressources humaines qui se pose et qu'il urge de résoudre. ''En ce qui concerne les ressources humaines, nous avons 4 chirurgiens traumatologues, trois anesthésistes-réanimateurs, 6 infirmiers d’état, 4 aides-soignants'', a dit l’anesthésiste-réanimateur.
Cependant, il a soutenu que les malades arrivent  très souvent d'une manière non conventionnelle, c'est-à-dire non médicalisés et la non-médicalisation d'un brûlé grave est synonyme d'aggravation avec des défaillances d'organes, ce qui rend beaucoup plus difficile leur tâche de réanimation.
 
''Très souvent, ils sont transportés dans des conditions qui ne sont pas idoines, donc non protégés de l'infection. Ils viennent avec des souffrances surajoutées qui ne seyent avec une médicalisation des secours. C'est vrai qu'il y a la prise en charge hospitalière, mais c'est la prise en charge préhospitalière qui fait beaucoup défaut dans ce pays'', a-t-il dénoncé.
 
Hormis l'absence de matériel, la prise en charge est vraiment onéreuse. ''On est à 60 000 francs de réanimation par jour, sans compter tous les actes pratiqués chez le malade et qui ne sont pas payés, ce qui est ridicule. Il faut varier avec ça. Sinon, ça ne sert à rien de rehausser le coût de prise en charge des brûlés sans leur offrir réellement les soins nécessaires. Pour cela, il faut faire un effort'', a conclu le docteur Mamadou Mansour Fall de l’hôpital principal.
 
 
L'absence d'un centre pour le traitement des brûlés décriée
 
Le professeur Bacary Diatta, médecin colonel chef du département urgence anesthésie réanimation de l’hôpital principal, soutient la nécessité de créer un centre pour le traitement des brûlés, mais aussi la formation des ressources humaines. ''La prise en charge des patients ne s'improvise pas.
 
Elle doit se faire dans un cadre bien précis, avec un protocole et un personnel bien spécialisé, avec des médecins ou infirmiers bien formés, des produits médicamenteux un peu particuliers et des techniques chirurgicales de recouvrement particulières'', soutient-il. C'est pourquoi, poursuit-il, ''il faut une formation interne des médecins mais aussi externe.
 
C'est-à-dire que les médecins peuvent subir une formation à l’extérieur au terme de laquelle un diplôme leur sera délivré ; ce qui fera d'eux des spécialistes en brûrologie au Sénégal. Deux hôpitaux prennent en chargent les brûlés (Le Dantec et Principal). Et ce ne sont pas des centres en tant que tels, ce sont des unités de traitement de brûlés. C'est-à-dire qu'on a isolé ces brûlés dans le centre service de réanimation'', a souligné Professeur Diatta.
 
De son côté, le Docteur Élisabeth Diouf de l’hôpital Aristide Le Dantec a souligné qu'il n'y a aucune amélioration en ce qui concerne la prise en charge des brûlés dans ladite structure. ''Les pansements se font en bloc opératoire à cause du manque de salle de pansement. Les complications infectieuses sont à 40%''.
 
 
VIVIANE  DIATTA

 

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