Publié le 3 Aug 2015 - 20:40
LES MILITAIRES RETRAITES SOMMES DE PARTIR

La vente du camp Leclerc en marche

 

La famille Bourhane qu’on croyait partie est de retour au camp Leclerc. Conséquence : la vente du camp militaire est plus que jamais d’actualité. Les retraités et autres veuves ont reçu samedi dernier une note leur demandant de quitter les lieux, au plus tard le 3 août (aujourd’hui). La raison officielle de leur délogement est la réaffectation des habitations à des militaires en service. Mais les concernés y voient d’autres motifs non avoués.

 

Le dossier de la vente des terres du camp Leclerc à la famille saoudienne Bourhane refait surface. Cette affaire, qui a été révélée en 2012, connaît un nouveau rebondissement depuis quelque temps. Et les choses s’accélèrent. Car les retraités et veuves qui vivent dans le camp ont reçu une note de service leur demandant de déguerpir de ces logements militaires, avant le 3 août, c’est-à-dire aujourd’hui. ‘’Le déguerpissement des logements militaires encore occupés par des non-ayants droit prendra effet pour compter du lundi 3 juillet 2015 (sic), sous la diligence de l’adjudant-chef, commandant de la brigade prévôtale. Une section de la compagnie de protection et d’honneurs (Cph) lui sera donnée en renfort.’’

A noter au passage que le mot diligence prend tout son sens ici, au point de laisser passer des erreurs évitables. Car à la place du 3 août comme date limite pour quitter les lieux, le document cosigné par le colonel Cheikh Omar Tamba commandant de la zone militaire n°1 (sur le document, il est écrit Chargé de l’expédition des affaires courantes (Ceac) parce que le décret de sa nomination n’est pas encore sorti), mentionne ‘’lundi 3 juillet 2015’’. Si les occupants ont reçu déjà deux autres avis pour quitter, ce dernier document reçu samedi dernier, 1er août, montre toute la détermination de la hiérarchie militaire à faire quitter leurs collègues à la retraite, y compris en recourant à la force, si besoin se fait sentir.

Voici le quatrième paragraphe de la note : «Compte tenu de la particularité que revêt cette activité qui doit être conduite avec fermeté, il est demandé aux corps mentionnés en annexe ci-jointe (bataillon du train, bataillon du matériel, groupement de soutien et d’appui de l’armée (Gsaa), Gsm…)  de mettre en alerte sur place une section renforcée prête à intervenir, sur ordre». Le message est donc sans ambigüité. Non seulement l’adjudant-chef vient avec une section de 21 hommes, mais aussi dans les camps, une autre section sera en position d’intervention en cas de nécessité. Ceci sans compter la section de 21 autres personnes en tenue de sports dénommées hommes de corvée.

Sur la raison d’une telle intervention, les autorités militaires disent, par le biais du document envoyé aux personnes ciblées, que ‘’l’opération vise un retour à l’orthodoxie dans l’affection des logements qui, au-delà de la transparence, doit privilégier les ayants-droit et permettre ainsi au commandement de répondre positivement à la forte demande des personnels en situation régulière’’. Mais les militaires à la retraite sont convaincus que les motivations ne sont pas dévoilées. Le fond du problème, à leurs yeux, c’est le retour du projet ‘’New Dakar city center vision 2013-2023’’ de la famille Bourhane.

‘’New Dakar city center vision 2013-2023’’

Précisons d’abord que c’est l’ancien régime qui avait voulu vendre les terres du camp Leclerc aux hommes d’affaires saoudiens pour un projet de construction de logements. Il était question que tous les militaires, retraités comme ceux en activité, quittent les lieux dans un premier temps, au plus tard le 15 août 2012 ; et dans un deuxième temps, le 31 du même mois. Les notes de service informant les concernés ont été signés, en début d’année 2012 (entre janvier et février). Mais avant que tout ne soit exécuté, une nouvelle alternance est survenue. Le nouveau président de la République Macky Sall avait alors, si l’on en croit nos interlocuteurs, demandé à ce que tout un chacun reste sur place, en attendant. Dès lors, le dossier est resté en veilleuse, pendant trois ans. Et durant toute cette période, les retraités n’ont jamais été inquiétés.

Cependant, en mai 2014, le chef de l’Etat s’est rendu en Arabie Saoudite. Au cours de ce voyage, il s’est entretenu avec la famille Bourhane. L’attaché militaire à Riyad a fait un compte-rendu daté du 25 mai 2014 à l’intention des autorités militaires sur les conclusions de la rencontre. «Cette audience qui a eu lieu le samedi 17 mai 2014 au palais des hôtes à La Mecque, entre les prières de crépuscule (Maghrib) et de la nuit (Icha’a), avait pour sujet la présentation du projet immobilier dénommé ‘’New Dakar city center vision 2013-2023’’ conçu par la famille suscitée’’, lit-on dans un document adressé au ministre des Forces Armées. Dans le même document, le président Macky Sall a invité la famille Bourhane à se rendre à Dakar pour finaliser l’affaire et surtout lever les écueils. Le président a même promis, lors de la rencontre, de faire le nécessaire pour que des services qui relèvent de la Sonatel, la Sde ou la Senelec soient évacués en 48 heures.

Peur d’être humiliées

Nos interlocuteurs affirment que depuis que la hiérarchie militaire a eu vent de cette information, un lobby s’est constitué. L’objectif réel de leur déguerpissement, d’après eux, est que la famille Bourhane a promis que ce sont les délogés au profit du projet qui seront les premiers bénéficiaires des logements. La diligence sur cette affaire est donc motivée par la volonté de déloger les retraités et veuves et de prendre la place pour être les bénéficiaires de logement au bout de quelques mois. Certes, cette mesure de déguerpissement concerne d’autres sites comme Villa Rose, Claudel 1 et 2 ainsi que les Mamelles et Bel Air, mais les retraités et veuves du camp Leclerc estiment que les autres sites, c’est juste pour moduler, la vraie cible étant Leclerc, en raison du projet.

Toutefois, ils se disent conscients qu’ils n’ont aucun droit à revendiquer, mais ils n’approuvent pas tout de même les raisons sous-jacentes de leur déguerpissement manu militari. Ils sollicitent ainsi l’intervention du chef de l’Etat. Ils veulent par ailleurs bénéficier de logements sociaux, avec l’appui et le soutien de l’Etat. Et en attendant, ils demandent un délai conséquent pour sortir, parce que n’ayant nulle part où aller. De ce fait, compte tenu du langage musclé de la note reçue, ils ont surtout peur que des familles, particulièrement les veuves qui n’ont pas encore reçu leur pension, soient humiliées lors des déguerpissements. 

Mame Talla Diaw

 

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