Publié le 24 Apr 2018 - 15:46
LES REGRETS DE LAMINE COULIBALY, JUGE POUR ACTE DE TERRORISME

‘’On m’aurait remis tout l’argent du monde, je ne retournerais pas à Boko Haram’’

 

Lamine Coulibaly, alias ‘’Abu Jaffa’’, a séjourné dans le fief de Boko Haram. Hier, à la barre de la Chambre criminelle spéciale, il a déclaré qu’il ne retournerait pas chez les djihadistes, même si on lui remettait tout l’argent du monde. L’enquête a révélé qu’il comptait ensuite se rendre également en Libye.

 

‘’On m’aurait donné tout l’argent du monde, je ne retournerais pas au Nigeria’’. Ce sont les derniers propos tenus, hier, par Lamine Coulibaly alias ‘’Abu Jaffa’’, à la barre de la Chambre criminelle spéciale du tribunal de grande instance de Dakar. Né en 1993 à Boki Diawé, l’accusé semble regretter son séjour parmi les djihadistes de Boko Haram. Il y a passé 3 mois et demi, et c’est à son retour qu’il a été arrêté en Mauritanie, le même jour que son co-accusé Mouhamed Ndiaye. Lui et ses compagnons d’infortune avaient été interpellés au Nigeria, avant d’être libérés trois mois après. Arrivé au Sénégal, il y a passé six jours, avant de se rendre en Mauritanie.

Attrait pour acte de terrorisme par association de malfaiteurs, apologie et financement du terrorisme en bande organisée, l’étudiant en arabe a allégué qu’il ne s’est pas rendu dans ce pays de son propre gré. Le nommé Ibrahima Ba, qu’il a connu dans une mosquée à Yoff, par l’intermédiaire de Moustapha Faye, lui aurait fait miroiter un voyage d’études au Niger. ‘’Trois de mes condisciples, qui étaient partis étudier au Soudan, étaient devenus des soutiens de famille, alors que je continuais à être pris en charge par mes parents. Ainsi, j’ai voulu renverser la tendance, en acceptant la proposition d’Ibrahima Ba. Car je voulais poursuivre mes études et obtenir une bourse’’, s’est-il justifié.

Pour les modalités du voyage, lui aussi a reçu 150 000 F Cfa, à l’image de ses autres co-accusés ayant séjourné au Nigeria et qui ont déjà comparu depuis l’ouverture du procès. ‘’Dans le bus, j’y ai retrouvé Mody Tall, Abou Diallo et Maïmouna Ly. Ibrahima Ba m’avait fait croire que ces derniers allaient, eux aussi, approfondir leurs connaissances. Ils ont également reçu 150 000 F Cfa chacun’’, a renseigné le titulaire du Brevet arabe.

Cependant, alors qu’il croyait se rendre au Niger, il s’est retrouvé au Nigeria. Et Arrivé à Abadam où il a fait cinq jours, il s’est renseigné sur les conditions d’apprentissage. On lui avait dit qu’il allait étudier dans une autre ville, notamment à Fathul Moubine.

 Si, à la barre, il a soutenu qu’il passait son temps à réviser, à l’enquête, il aurait déclaré avoir suivi une formation au maniement des armes, notamment la roquette, le fusil de type Bdk et la kalachnikov. ‘’Je ne l’ai pas dit, car, à trois reprises, j’ai demandé la lecture du Pv, mais les policiers ont refusé. Je n’ai ni assisté ni participé aux combats contre l’armée nigériane. Nous vivions avec la population locale et nous avions uniquement le droit d’aller prier à la mosquée’’, s’est défendu l’accusé.

Durant son contre-interrogatoire, le substitut Aly Ciré Ndiaye lui a rappelé qu’il avait dit au magistrat instructeur qu’il était désappointé, car à la place des études, ils ont été soumis aux maniements des armes et aux entrainements militaires pour les préparer à la guerre.

Un aveu qu’il a encore démenti. Ainsi, à Sambissa, localité où ils ont été ensuite, ‘’il n’y avait pas de guerre’’ et il n’a pas vu le chef de Boko Haram, mais les policiers mauritaniens l’ont contraint à l’avouer sous la torture.

Après Boko Haram, il s’apprêterait à rejoindre Daesh

Lorsque le président Samba Kane lui a demandé comment ils ont fait pour rentrer au Sénégal, il a répondu que le retour était difficile. ‘’Comment ?  Alors que vous étiez logés et bien nourris’’. Sur cette relance du juge, il a rétorqué que, bien qu’ils fussent bien traités, ils sont rentrés clandestinement avec l’aide de Makhtar Diokhané. Ce dernier logeait certains membres du contingent sénégalais, chez lui à Handak. ‘’Mais aviez-vous dit à Shekau que vous restez dans le mouvement, mais que vous rentrez pour implanter vos idéaux au Sénégal ?’’, lui a fait remarquer le juge. Abu Jafar a nié avoir tenu de tels propos, tout comme il a contesté son intention d’aller combattre aux côtés de Daesh, en Libye.

En fait, il résulte de la procédure qu’après son retour du Nigeria, Mouhamed Ndiaye tentait de le convaincre de se rendre en Libye et lui avait même remis un téléphone portable et la somme de 6 000 ougyas. D’ailleurs, c’est lorsqu’il était parti récupérer ledit téléphone qu’il a été appréhendé. ‘’J’ai décliné, compte tenu de ce que j’ai vécu au Nigeria’’, aurait-il dit durant l’instruction. Mais, hier, il a déclaré  que tel n’est pas le cas et que son co-accusé lui avait confié qu’il craignait d’être arrêté. En revanche, un certain Mama Ba l’avait informé de ce que des individus lui suggéraient un voyage en Libye. ‘’Je lui ai conseillé fortement de décliner, car c’est avec les mêmes arguments qu’on m’a convaincu pour me rendre au Nigeria’’, s’est défendu Abu Jaffa. Ce dernier prétend avoir d’autres surnoms comme ‘’Zul Yadayni’’. Par conséquent, celui d’Abu Jaffa n’est pas un nom de guerre, mais qu’il le porte depuis très longtemps, quand il était encore à Boki Diawé. Sauf qu’il a été pris à son propre piège, en reconnaissant que ses parents de Yoff ne lui connaissent pas par ce surnom qu’il s’est affublé en référence à un compagnon du Prophète très pieux. 

FATOU SY

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