Publié le 13 Feb 2017 - 22:44

Lettre ouverte aux Présidents sénégalais et gambien

 

Objet : Un jour prochain, demain peut-être, une Sénégambie dotée d’une armée sénégambienne ?

Pourquoi ne pas commencer par le plus simple ?

Excellences, Messieurs les Présidents de la République,

Le jeune leader du Conseil de transition pour la Gambie, Monsieur Sidya Bayo, vous exhortait tout récemment à la création d’une « armée sénégambienne ». C’était au lendemain du départ en exil forcé du Président Yahya Jammeh.

Monsieur Sidya Bayo vous le demandait, alors, avec insistance, aux fins « de calmer les ardeurs du MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance) ». Et, dans la même veine, il insistait en ces termes : « Si on veut régler le conflit de la Casamance, il faut qu’on crée une armée sénégambienne ».

Il va sans dire que ce jeune leader politique se méprend et que son attitude d’après-victoire s’apparente davantage à la fierté retrouvée du paon qu’à celle jamais perdue du coq dans sa basse-cour.

Il suffit, pour s’en convaincre, malgré tout le respect que l’on doit à l’armée nationale du Sénégal, de se rappeler comment elle a porté secours au Président Bernardo Vieira dit Nino, lors de la dernière guerre civile en Guinée-Bissau, et comment elle en est repartie, à l’avantage du Général Ansoumana Mané et de son allié, le MFDC.

En fait, personne ne sortira vainqueur du conflit en Casamance. Le Président Macky Sall ne s’y trompe pas quand il en appelle à « la paix des braves, sans vainqueurs ni vaincus ».

Qu’à cela ne tienne, notre propos, ici, consiste à appréhender la situation de manière autrement plus positive, et notamment à apprécier l’appel de Monsieur Sidya Bayo comme une invitation au « rendez-vous du donner et du recevoir », où justement les Autorités gambiennes et sénégalaises seraient particulièrement attendues, pour traiter des questions cruciales de paix, de sécurité et de stabilité de leurs pays respectifs, au-delà des priorités de l’heure en termes de développement socioéconomique.

Sous ce rapport, donc, le caractère non-pertinent de l’existence de l’armée gambienne en tant que telle nous interpelle. C’est que son existence comme telle est vraiment non-pertinente. Et elle l’est, dans la mesure même où toute menace extérieure contre la Gambie, sauf à émaner du Sénégal pour le seul intérêt de celui-ci, constituerait avant tout, nécessairement, une menace contre le Sénégal.

Autrement dit, à peine de considérer son enclavement total au sein du Sénégal comme une menace en soi contre la Gambie, une armée gambienne devrait être, sinon un prolongement en terre gambienne de l’armée nationale du Sénégal, du moins un « corps armé intégré » des deux Etats.

Pour cela, convaincus que le jeune leader du Conseil de transition pour la Gambie verra aussi les choses sous cet angle, nous l’invitons fortement à œuvrer, sans délai, de concert avec le Président Adama Barrow et son Gouvernement, pour le maintien pérenne des forces armées du Sénégal en Gambie, au terme de la mission en cours de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans leur pays.

Naturellement, il ne s’agirait pas pour le Sénégal d’exiger de la Gambie qu’elle se soumette d’abord, pour qu’il la protège ensuite, mais plutôt de s’inscrire en l’occurrence dans une dynamique où les deux Nations prendraient l’engagement de se protéger mutuellement, dans le cadre d’un « traité de protectorat mutuel ».

Toutefois, en attendant l’élaboration d’un tel traité, sa ratification par les deux Etats puis son application effective, nous exhortons Monsieur Sidya Bayo et les Autorités gambiennes d’une part, et de l’autre les Autorités sénégalaises, dans le cadre de ce « rendez-vous du donner et du recevoir », à concevoir que les deux tronçons gambiens de la route nationale transgambienne, ainsi que le futur pont devant enjamber le fleuve Gambie à Farafegny, puissent être placés, sans délai, sous le « statut de la double territorialité ». En l’espèce, dorénavant, ils appartiendront en propre et à l’Etat gambien et à l’Etat sénégalais. De sorte que leur exploitation sera assurée conjointement et indistinctement par les deux Etats.

L’exploitation d’une ligne ferroviaire transgambienne devra obéir également à cette logique.

Cela est possible, si nous le voulons. Or, nous devons le vouloir, Excellences, Messieurs les Présidents de la République. Le futur pour nos deux Nations se joue d’ores-et-déjà ici. Ailleurs, pour un enjeu moindre, des pays seraient en état de guerre permanent.

Alors, nous vous en conjurons, Excellences, Messieurs les Présidents de la République, tâchez de ne pas passer à côté de l’histoire.

Respectueusement Vôtre.

Dakar, le 12 février 2017.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

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