Publié le 22 Jul 2018 - 03:32
LIBERATION IMMEDIATE DE KHALIFA SALL ET CIE

Les avocats de la défense ne cèdent pas d’un pouce

 

Au 6e jour du procès en appel de l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar, la défense a plaidé l’annulation du procès-verbal d’enquête préliminaire et du réquisitoire introductif du procureur de la République. Mieux, elle a demandé à la cour de considérer cette exception de nullité comme fondamentale.

 

Il est le doyen, mais il a été le premier à prendre la parole pour plaider la libération immédiate de Khalifa Sall et Cie. Face au président de la Cour d’appel de Dakar, Me Doudou Ndoye, constitué pour Fatou Traoré et l’édile de la capitale, a été concis et précis. Il a demandé à Demba Kandji de procéder à l’annulation du procès-verbal d’enquête préliminaire et ensuite, comme conséquence substantielle, de procéder à l’annulation du réquisitoire introductif du parquet. ‘’C’est la mise à terme de ce procès, vu que toute la procédure sera annulée’’, argue le conseil.

En fait, après l’exception sur l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal et de l’Agence judiciaire de l’Etat, la défense a introduit cette requête.

Ainsi, Me Doudou Ndoye a convoqué l’arrêt rendu par cette 2e chambre correctionnelle à propos de la décision de la Cour de justice de la Cedeao. Il a regretté le fait que le juge ait dit que cette cour communautaire n’a pas à concurrencer ‘’nos juridictions internationales’’. ‘’Si tel est le cas, comment une juridiction peut-elle apprécier les requêtes qui lui sont soumises ? La Cour de la Cedeao a interprété l’application qui a été faite au Sénégal sur l’article 5 du règlement 5 de l’Uemoa. De même, le Code de procédure pénale (Cpp) du Sénégal, en son article 5, contient une disposition de protection de toute personne interpellée’’, a-t-il notifié.

Selon lui, c’est à partir d’une fausse interprétation que la police judiciaire a violé les droits des personnes concernées. Alors que la note circulaire du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a été claire. Car, a-t-il retenu, le document a fait état que la personne interpellée doit être informée de son droit d’être assisté par un conseil. Et à chaque fois que ce texte est violé, ‘’la procédure est nulle’’. ‘’La Cour de la Cedeao n’a pas manqué de rappeler d’appliquer son arrêt, car elle a estimé que notre police a violé tous les droits de toutes ces personnes. Qu’on ne vienne pas nous dire que la date de la circulaire est postérieure’’, soutient-il.

Me Doudou Ndoye d’indiquer avoir écrit une lettre à la chambre d’accusation pour faire remarquer que le parquet n’a pas visé ces faits dans son réquisitoire et qu’il devait tout annuler. De plus, il a avancé que le Pv d’enquête préliminaire et le réquisitoire introductif ne permettaient pas au juge d’instruction de continuer son travail. Pour lui, la culpabilité de la police judiciaire et du parquet qui a envoyé des gens en prison est établie. ‘’C’est pour cela que je suis venu plaider, juger et condamner’’, a-t-il martelé. Toute en laissant entendre que ‘’la vraie justice est la forme du droit. C’est le fond qui est relatif. La procédure est le droit. C’est la protection absolue de tout le monde. Je ne pense pas qu’on sera dans le fond du dossier, parce qu’on sera mal à l’aise. Ce que je ne souhaite pas’’.

Toujours à l’endroit du juge, Me Doudou Ndoye a déclaré : ‘’Je vous demande de sauver l’avenir, de ne pas permettre à tous les policiers du Sénégal et de toute l’Afrique d’arrêter comme ils veulent les citoyens. Je demande de considérer cette exception de nullité comme fondée. Je n’ai pas le sentiment de défendre Khalifa Sall, mais plutôt nos enfants. Vos décisions serviront de modèle à toutes les juridictions’’.

Appuyant la plaidoirie du doyen, Me Aliou Cissé de signaler que si la cour ne donne pas un avis favorable à cette exception, le droit ne sera pas dit et ‘’nous irons dans le fond’’. ‘’Ce qui en résultera, prévient-il, ne sera pas très beau à regarder’’.

Me Bamba Cissé : ‘’Cette exception ne peut être surmontée’’

Très pointu dans ses arguments, Me Bamba Cissé a d’emblée affirmé que la vraie science juridique est la forme. ‘’Sinon, on ne se limitera qu’à la loi et cette nullité de l’article 5 du règlement 5 de l’Uemoa fait vraiment mal. Le parquet, pour essayer de contourner l’absence de mention sur le procès-verbal, dit que ces personnes étaient des témoins, qu’elles n’étaient pas encore des suspects’’, a-t-il lancé. D’après Me Cissé, ceci prouve qu’il a admis qu’il y a eu nullité. Il révèle que Me Ousmane Sèye, avec qui il a travaillé sur la réforme de l’article 155 du Cpp, a mené cette lutte pour l’application effective de l’article 5 de l’Uemoa.

‘’Le combat était celui de tout le barreau. Moi, je suis prêt à tout pour la défense de la robe noire. Du côté des avocats de l’Etat et l’agent judiciaire de l’Etat, ils ont argué qu’il n’y avait pas de griefs. Je les comprends et ils ont raison, car ils sont de l’autre camp. J’estime qu’en tout état de cause, je suis avocat avant d’être autre chose. Le règlement est une question de principe’’, relève Me Bamba Cissé qui renseigne que ce texte est entré en vigueur en novembre 2016 et c’est en février 2017 que ces personnes ont été convoquées. Donc, le parquet ne pouvait pas ignorer la loi, de même que les officiers de police judiciaire (Opj).

Il note qu’en omettant dans le Pv d’enquête le droit d’être assisté par un avocat au moment de l’enquête, la discussion ne peut plus aller loin. ‘’Aucune mention n’a été portée sur le Pv. Soit on fait de la science juridique, soit on n’en fait pas. Cette exception ne peut pas être surmontée. Khalifa Sall a dit qu’il a fait appel à son avocat, mais on le lui a refusé’’, a-t-il éclairé.

L’avocat d’ajouter : ‘’Avant d’être choqué, j’ai d’abord été étonné de la motivation du juge en première instance, puisque cette obligation résulte de la circulaire du ministre qui est surabondante, parce que c’est une note. Mieux, le juge d’instruction fait un contrôle sur pièce, raison pour laquelle on ne peut pas reprocher à Khalifa Sall la connaissance acquise.’’

Me Bamba Cissé a aussi souligné le cas de l’accusé Ibrahima Ndiaye qui a obtenu la libération d’office (avant-hier) dans l’affaire iman Ndao et Cie, inculpés d’actes de terrorisme. Ce, dans la mesure où il n’a pas été assisté par son conseil à l’enquête.

L’autre bizarrerie, dans le jugement qui a été rendu en première instance sur les nullités de la procédure est, selon lui, qu’on a violé tellement de règlements dans cette affaire. ‘’Cette motivation du juge correctionnel n’est pas bonne. Cependant, la main de Dieu s’est installée dans cette procédure. Avec l’article 5 de l’Uemoa et avec l’arrêt de la Cedeao, il y a les deux mains de Dieu’’, signale-t-il.

A son tour, Me Issa Diop s’est référé uniquement à l’arrêt de la Cedeao, arguant qu’un droit fondamental est un droit qui s’inscrit dans les droits internationaux. ‘’Tous les textes ont été violés. La cour est allée très loin dans son arrêt. Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit d’une décision interne (le jugement en première instance) et que nous n’avons pas besoin d’invoquer les juridictions internationales’’, a averti le conseil de la défense. Et de souligner que la cour devait aussi dire qu’elle n’était pas d’accord avec la décision de la chambre d’accusation. D’ailleurs, fait-il savoir, c’est ce qui a permis le rejet. ‘’L’ayant constaté, la cour dit que c’est l’Etat du Sénégal qui en est responsable, alors que ce dernier s’est déclaré non coupable en attribuant l’erreur aux Opj.  Mais il faut savoir que cette thèse est inacceptable. On ne peut pas nous dire que cette juridiction a statué sur les Droits de l’homme. Il y a eu confusion’’.

Me Padounou : ‘’On ne peut pas subordonner le sort de Khalifa Sall à celui de Yaya Bodian’’

Sur l’article 5 de l’Uemoa, déclare son confrère de la défense Me Mbaye Sène, la seule sanction, c’était l’annulation du procès-verbal d’enquête préliminaire ainsi que du réquisitoire introductif. ‘’Mais le premier juge n’a pas voulu aborder la question. Il a rajouté à la longue absence de preuves. Il y avait l’erreur manifeste qui a été commise devant la chambre d’accusation qui viole toutes les lois de façon inacceptable. On se demande si vraiment le parquet général est là pour le peuple sénégalais’’. Au juge Demba Kandji, il a dit : ‘’Voilà un cas où il doit faire un pourvoi. En première instance, nous avons plaidé la nullité de l’ordonnance de renvoi tirée de cet article. Cette disposition n’a pas été respectée par le juge d’instruction. Je vous demande d’être le juge de droit et de faire droit.’’ Non sans enseigner que le droit pénal repose sur une procédure.

Avocat de Yaya Bodian condamné, Me Emmanuel Padounou a tenu un discours rebelle. A l’en croire, ‘’on ne peut pas subordonner le sort de Khalifa Sall à celui de Yaya Bodian’’. ‘’Je me suis beaucoup intéressé à la posture de Yaya Bodian dans cette procédure. Mon client n’a aucune ambition politique. Il se retrouve dans une procédure avec des acteurs qui sont dans un mastodonte politique. Il lui a été refusé le droit de plaider une nullité devant le juge d’instruction, parce que tout simplement Khalifa Sall a été déchu de son droit de faire appel’’. Avant de poursuivre : ‘’Yaya Bodian n’est pas Khalifa Sall et ses droits ne sont pas assimilables à ceux du maire de Dakar. Il s’y ajoute que l’annulation de cette procédure est obligatoire, d’autant plus qu’il s’agit d’une violation d’un droit fondamental, d’un droit absolu. La Cour de justice de la Cedeao ne lui a donné aucun franc, donc, c’est un vice inacceptable. Il faut faire cesser le vice dont il souffre, depuis l’enquête préliminaire’’.

AWA FAYE

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