Publié le 30 Aug 2019 - 17:31
LIBERATION KHALIFA SALL

Les Khalifistes revigorés

 

Pour marquer les 900 jours d’emprisonnement de Khalifa Ababacar Sall, les Khalifistes ont réitéré leur engagement dans la lutte pour sa libération. De par ses écrits, l’ancien maire de Dakar a su les remobiliser.

 

Par le biais d’une lettre, l’ancien maire de Dakar s’est adressé à tous ceux et celles qui, de près ou de loin, le soutiennent, prient pour lui et œuvrent pour sa libération. C’est un homme reconnaissant, rassembleur qui, à travers ses écrits, a tenu à les rassurer de son état d’esprit, en les invitant à poser des actes de paix. « Il est illusoire de croire qu’on m’a privé de liberté pendant que des centaines de milliers voire des millions de Sénégalais, un pied devant l’autre, marchent pour moi. Il est illusoire de tenter de m’empêcher de m’exprimer, quand des milliers voire des millions de Sénégalais portent ma voix. Il est illusoire de tenter d’éteindre nos convictions, alors qu’elles sont partagées par des milliers voire des millions de Sénégalais dans les zones les plus reculées de notre pays et à l’étranger », a-t-il déclaré par la voix du juriste Gaëlle Mbaye fille de Pape Babacar Mbaye (nom de la permanence socialiste de Grand Yoff).

Pour Khalifa Sall, l’épreuve de la prison fait partie de son destin, de ce fait, il s’engage comme hier à la traverser dignement, avec courage et sans se résigner. Un choix qu’il recommande à quiconque plaide pour sa cause. « Mes chers amis, cette épreuve a renforcé le lien qui nous unit. Il s’est renforcé dans notre détermination à opposer le courage à la peur d’avoir à lutter. Nous n’avons pas choisi le chemin de la compromission, au contraire, nous sommes restés inébranlables et, face aux épreuves, nous avons renforcé notre résilience. Rien ne pourra nous arrêter, si ce n’est la volonté divine », poursuit-il.

Depuis la prison de Rebeuss, il apparait comme un homme politique fort de ses ambitions qui rassure et mobilise ses troupes. « Vous pouvez compter sur moi. Mon devoir, c’est de poursuivre le mouvement en marche, sur le socle des valeurs de la démocratie, de la liberté, de la solidarité, de la justice sociale et du progrès. Une ambition qui relève d’un enjeu politique, en vue de trouver des solutions durables aux difficultés que vivent les Sénégalais ». Khalifa estime que le Sénégal va au-delà des individualités. « Les destins individuels » ou encore « des vanités puériles ».

Selon lui, le pays doit se reconstruire, à travers des institutions garantes de l’Etat de droit et des droits des citoyens. Surtout, si l’on se souvient des sacrifices de nos aïeuls pour instaurer la démocratie. « Notre responsabilité est de préserver toujours ce merveilleux héritage et de transmettre à nos petits-enfants ce legs inestimable qu’est la paix. Nous ne devons pas vivre avec la haine au cœur, ni avec la rancœur dans les yeux. Nous ne devons pas vivre dans la discorde et la peur qui font que chacun voit l’autre comme un ennemi », ajoute-t-il.

De Kaolack, Tambacounda, Thiès, Tivaouane, Touba, Dagana, Louga, Diourbel… ils sont nombreux ces Sénégalais qui œuvrent pour la libération de celui qui, selon eux, n’est autre qu’un « otage politique ». Sans compter ceux de la diaspora (France, Italie, Espagne, USA, Maroc). A toutes ces personnes, Khalifa Sall exprime sa gratitude, tout en s’inclinant devant la mémoire des grands hommes Sénégalais disparus au cours de ces dernières semaines. « Mes pensées vont à chacune et à chacun d’entre vous. Je pense à ces dames qui ont fait des kilomètres pour me manifester leur soutien, je pense à ces jeunes qui ont fait la prison pour ma libération, je n’oublie pas ces femmes restées en garde à vue pendant des heures pour avoir exercé leur droit constitutionnel de manifester. Je pense à celles et ceux qui sont restés anonymes dans leurs prières et leur soutien. Je n’oublie pas non plus les personnalités politiques, religieuses, coutumières et la société civile qui me témoignent leur solidarité. A vous tous dont le soutien m’est si précieux, je voudrais vous adresser ma reconnaissance et mon affection ».

Les Khalifistes ne veulent pas d’une grâce présidentielle

Plusieurs personnalités politiques ont pris part à ce rendez-vous marquant les 900 jours d’emprisonnement de leur camarade. Ce sont entre autres, Barthélémy Diaz, Mactar Sourang (Front de résistance nationale), Mamadou Diop Decroix, le maire de Dakar Soham Wardini, le maire de la commune de Dalifort, celui de Grand-Yoff, l’adjoint au maire de la commune de Hann Bel Air, le leader des femmes khalifistes Aissatou Fall, et l’activiste Guy Marius Sagna. Ils dénoncent tous une justice partiale agissant selon la volonté du pouvoir exécutif.

Cependant, le grand absent de la rencontre se trouve être le Front citoyen pour la libération de Khalifa Sall. Même si ces membres ont, dès le début de leur initiative (mai 2019), fait savoir qu’ils ne sont ni Khalifistes ni de quelque bord politique, il semblerait que le nœud de la discorde soit en réalité cette fameuse grâce présidentielle. Récemment, le collectif, en son nom propre, a solennellement demandé au Président Macky Sall d’user de cette prérogative constitutionnelle pour libérer l’ex maire de Dakar. Un choix que réfutent les Khalifistes, depuis belle lurette.

« Khalifa Sall n’a envoyé personne et personne n’est mandaté dans ce pays pour demander une grâce au nom de Khalifa Sall », a tranché hier le maire de Mermoz Barthélémy Diaz qui prévoit une lutte jusqu’à l’atteinte des objectifs fixés. « Nous sommes engagés pour sa libération jusqu’à ce qu’elle soit effective. C’est un combat qui concerne tous les 15 millions de Sénégalais. Qu’ils se lèvent tous et sachent que c’est pour leur avenir, leur progéniture.

C’est inadmissible de voir que pour mille fois moins que ça, le peuple sénégalais s’est mobilisé contre l’ancien régime», affirme-t-il. Il soutient que Khalifa Sall n’est qu’un symbole représentant un combat plus vaste pour la sauvegarde des ressources naturelles du Sénégal, l’approfondissement de la démocratie, un combat pour des valeurs et des convictions. Car, selon lui, « ce pays est dirigé par des personnes incompétentes qui ne méritent pas la confiance des Sénégalais. Cela concerne aussi bien l’exécutif, le judiciaire que le législatif ». 

De son côté, l’opposant Mamadou Decroix se désole du niveau de régression du respect des droits des citoyens au Sénégal. « Ce n’est pas normal que ce genre de choses ne se voient qu’en Afrique. Raison pour laquelle, en tant qu’Africains, nous devons nous battre pour le respect des droits humains », défend-il.  Toutefois, il pense que cet emprisonnement ne fera que renforcer la légitimité politique du maire de Dakar et ses convictions. « Il faut que Khalifa retrouve ses droits, de même que Karim Wade », poursuit-il. 

EMMANUELLA MARAME FAYE  

 

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