Publié le 6 Nov 2018 - 16:18
LIMITES FORCES D’INTERPOSITION FACE AUX AVANCEES TERRORISTES

Les chefs d’Etat africains pour l’intervention

 

Macky Sall et ses pairs africains au sud du Sahara désirent une approche plus musclée des forces onusiennes ou, à défaut, le soutien aux initiatives de coalitions africaines. Le président sénégalais a formulé cette vision, soutenue par la ministre française des Armées, hier à l’ouverture du 5e forum Paix et sécurité de Dakar.

 

La question a été agitée, il y a deux ans, lors de la 3e édition de ce forum en décembre 2016. ‘‘Le sens classique de maintien de la paix est devenu inopérant’’, revendiquait alors le président Macky Sall. Hier, la problématique a surgi avec beaucoup plus de force, d’insistance et de détermination. L’option de l’interposition, au détriment de l’imposition des forces onusiennes, agace de plus en plus les leaders africains au point qu’ils en demandent la réforme.

 Le chef de l’Etat sénégalais s’est fait le porte-parole de cette doléance. ‘‘Malgré les efforts de l’Onu qu’il faut saluer,  avec la présence de Barkhane, on voit qu’il y a des problèmes d’articulation et d’efficience. Lorsque les troupes des Nations Unies sont dans les camps et attendent les ordres de New York pendant que les malfaiteurs gagnent du terrain, il faut revoir la procédure. C’est une question de bon sens. Il va falloir prendre en charge la question de l’imposition de la force, remettre en cause les missions des opérations de maintien de paix. L’objectif de ce forum, c’est aussi de lever les tabous’’, a lancé Macky Sall hier, à l’ouverture du 5e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité. Il s’est d’ailleurs montré plus incisif en faisant un petit bilan de l’interposition des forces onusiennes sur le continent. ‘‘Avec 10 mille casques bleus au Mali, il n’est pas normal que d’autres forces troublent ce pays. Ce n’est pas logique. Pareil en République démocratique du Congo ! Depuis 70 ans, l’Onu est au Congo. Il y a problème’’, a déploré Macky Sall.

Quand les opérations d’imposition de la paix sont menées par les Nations Unies, c’est en vertu du chapitre VII de la Charte de l’organisation que le Conseil de sécurité a mise sur pied. Une option dont elle se distance en raison des échecs qu’elle a essuyés suite à ses interventions en Somalie (Onusom I & II), en Yougoslavie (Forpronu) et au Rwanda (Minuar). Mais pour les pouvoirs fragilisés par les attaques terroristes, les coalitions multinationales, avec des opérations musclées, sont la panacée à cette retenue onusienne. Sur les 14 opérations de maintien de l’Onu, les sept ont cours sur le continent africain. Dans le sillage du chef de l’Etat sénégalais, l’ancien président burundais, Pierre Buyoya, a dénoncé cette incohérence de la communauté internationale qui consiste à donner plus d’importance au règlement de certains conflits qu’à d’autres et justifie la création de la force africaine G5 Sahel : ‘‘Barkhane et Minusma n’empêchent pas la détérioration de la situation au Nord-Mali. Alors, en février 2017, les 5 chefs d’Etat ont pris leurs responsabilités. L’Ua appuie cette force par une plaidoirie auprès de l’Onu. Cette force mérite d’être soutenue. Il faudrait une certaine cohérence dans le Ci. Il y a des coalitions pour l’Irak et la Syrie. Il faut donc aider ce G5 et ne peut la laisser confronter toute seule la menace’’, s’est-il plaint.

La France soutient cette réforme

Il y a deux ans, c’était Jean Yves le Drian, alors ministre français de la Défense qui défendait un interventionnisme plus marqué des forces onusiennes. Hier, c’était au tour de l’actuelle ministre des Armées, Françoise Parly, d’apporter le soutien de l’Hexagone aux pays africains exposés aux assauts terroristes. Il est clair que pour l’ancienne puissance étrangère coloniale, la démarche actuelle des opérations de paix ne peut plus perdurer. La France, engluée dans des opérations de maintien au Mali (Barkhane) et en Centrafrique (Sangaris) appelle de tous ses vœux un changement de paradigme. Mieux, l’Hexagone décide qu’elle va supporter les pays africains à porter un projet de réforme des opérations de maintien de paix de l’Onu. ‘‘La France soutiendra ces pays à pousser pour une résolution sur ce sujet avec force et détermination. Mais nous soutenons la grande réforme des préparations de maintien de la paix aux Nations Unies. Des actions plus en amont sur les foyers de crise avant qu’ils ne rongent les Etats, les populations et les espoirs. Seul un multilatéralisme fort permet une réponse durable et efficace aux crises. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire cavalier seul’’, a déclaré la ministre française des Armées. Françoise Parly a relevé le paradoxe entre les initiatives des Etats africains manquant de soutien international, alors que le soutien aux forces onusiennes est garanti par la communauté internationale.

 ‘‘La force conjointe du G5 Sahel est opérationnelle. Les forces multilatérales multiples luttent avec efficacité contre Boko Haram. Elles permettent plus d’audaces, de risques. Ces opérations ne bénéficient pas toujours d’un soutien à la hauteur de la coopération internationale. Quant aux opérations de l’Onu, elles ont le soutien de la communauté internationale, mais n’ont pas de mandat pour agir suffisamment fort. Ces deux modèles ne se complètent pas assez. La France en est consciente et soutiendra l’idée africaine d’un nouveau modèle d’opération africaine de paix’’, a-t-elle appuyé. La cheffe des armées françaises a défendu cette nouvelle instance créée par les présidents des cinq pays sahélo-sahariens les plus impactés par le terrorisme. ‘‘Nous ne pouvons pas être dans la demi-mesure, dans la lutte contre le terrorisme. L’idée est fausse que le G5 Sahel n’est pas opérationnel, car ne disposant pas de financements. Cette force dérange ceux contre lesquels elle est dirigée. La preuve est qu’elle a été attaquée à Sévaré’’, a défendu Françoise Parly, demandant plus de patience à l’image de l’Otan qui a mis beaucoup de temps avant de faire des opérations interarmées.

La réponse de l’Onu

Toutes revendications qui font que pour Bintou Keita, la représentante du secrétaire général de l’Onu, cette idée, bien que lente à se concrétiser, est à l’étude dans les cercles onusiens. Il est question de soutenir l’initiative du Conseil de sécurité de l’Union africaine pour les opérations d’imposition de la paix en ce qui concerne l’Ua. Ce soutien est effectif sous la forme de contributions obligatoires, mais le Conseil de sécurité est divisé sur la proposition du secrétaire général de l’Onu. ‘’Le plaidoyer continue et nous espérons qu’ils vont donner des résultats’’, a déclaré Mme Keita. Selon cette sous-secrétaire du département Afrique des Nations Unies, l’Onu s’est dotée de huit revues stratégiques des opérations de maintien de la paix que des gestionnaires évaluent pour rendre plus efficaces. Afin de mieux répondre aux nouvelles attentes. Les opérations de maintien de la paix subissent les conséquences diplomatiques de la décision américaine de réduire sa contribution financière. Mais Mme Keita assure qu’à New York, on a pourtant parfaitement compris que la configuration actuelle du terrorisme implique des approches nouvelles dans le fonctionnement de l’instance. Le schéma de force de maintien de la paix est de plus en plus challengé par une guerre asymétrique menée par un mouvement terroriste offensif.

Tulinabo Mushingi : ‘‘Les problèmes sont bien connus.’’

La politique onusienne de Donald Trump est accusée d’être à l’origine de ce dérèglement financier de l’Onu. Pour autant, les Usa ne cèdent pas un pouce de terrain à la guerre contre l’extrémisme violent et le terrorisme. Un centre de formation régional contre le terrorisme a récemment été ouvert au Sénégal. L’ambassadeur des Etats-Unis à Dakar, Tulinabo Mushingi, explique que l’implication américaine aux côtés de ses partenaires africains ne souffre d’aucun doute. ‘‘Les problèmes sont bien connus. On a analysé plusieurs fois plusieurs situations. Celle du Mali, on en parle depuis longtemps. Les écueils sont donc bien connus. Mais quelles sont les solutions appropriées ? Qui va faire quoi ? Nous continuons à supporter bilatéralement tous les pays représentés ici. Nous continuons de travailler avec les pays ouest-africains. Même le G5 Sahel, nous les soutenons de manière bilatérale, travaillant avec chacun de ces cinq pays’’, a soutenu le diplomate américain.

PDT MACKY SALL 

‘’Le monde cybernétique est devenu une menace’’

 Décidément, la législation, dans le circuit, concernant les télécommunications, est chère au président Macky Sall. A tel enseigne qu’il a remis ça sur le tapis, hier, en ouverture du forum concernant ‘‘la liberté sur Internet’’. ‘‘Aujourd’hui, force est de constater que le monde cybernétique est devenu une menace. Elle mérite d’être surveillée sans détour. La cybercriminalité est en passe de devenir une arme de destruction massive’’, a déclaré le chef de l’Etat Macky Sall.

Aussi, pour les ‘‘garde-fous qui s’imposent’’, l’Ecole régionale de cyber-sécurité de Dakar, annoncée l’an dernier par le chef de la diplomatie française Jean Yves le Drian, va être inaugurée aujourd’hui à l’Ena. ‘‘Il s’agit d’un projet innovant en vue de renforcer les capacités de nos partenaires africains, en réponse aux menaces de cybersécurité. Il s’agit d’une réponse contre les cyber-attaques, mais aussi une lutte contre la cybercriminalité et le terrorisme qui sont des menaces tout à fait réelles et qui ne sont pas limitées au monde européen ou au monde américain’’, avait-il déclaré hier en clôture de forum.

OUSMANE LAYE DIOP

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