Publié le 21 Jan 2019 - 20:28
LISTE DEFINITIVE DES CANDIDATS

Le Conseil confirme le 5 majeur

 

Le Conseil constitutionnel a arrêté, hier, la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019.

 

Aucune surprise. Le Conseil constitutionnel, comme on pouvait s’y attendre a envoyé balader tous les 12 requérants qui l’avaient saisi aux fins de revenir sur sa décision n°2/E/2019 du 13 janvier 2019. Ainsi, a-t-il été retenu dans la liste définitive les candidatures de Macky Sall, Madické Niang, Idrissa Seck, Ousmane Sonko et Issa Sall. Khalifa Sall, Karim Wade, Malick Gakou et consorts ne participeront pas au scrutin présidentiel du 24 février 2019.

Dans le souci d’une bonne administration de la Justice, toutes les requête ont été jointes, parce qu’ayant, selon le Conseil, le même objet. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le juge constitutionnel aurait même pu faire l’économie d’entrer dans certaines considérations, vu ‘’la méconnaissance manifeste’’ par certains requérants des textes relatifs à la loi électorale et au fonctionnement de la haute juridiction. En effet, selon certains spécialistes qui ont bien voulu analyser la décision du Conseil portant liste définitive des candidats à l’élection présidentielle, l’organe aurait bien pu se limiter aux articles 92 de la Constitution et L 122 du Code électoral pour écarter la plupart des requêtes. En effet, expliquent-ils, il résulte de la lecture combinée de ces deux articles, que les décisions de la haute juridiction ne sont susceptibles que d’une réclamation, non d’un recours. ‘’La réclamation, au sens de l’article L.122, ne peut avoir pour objet ou pour effet ni la réformation ou l’annulation de la décision fondée sur une prétendue erreur dans l’appréciation des circonstances de fait ou l’interprétation de la règle de droit, ni la rétractation de la décision fondée sur ce qu’une partie n’aurait pas été entendue ou appelée, la procédure devant le Conseil n’étant pas contradictoire ; que la requête doit donc être déclarée irrecevable lorsque les moyens sur lesquels elle est fondée ont pour objet de critiquer le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel ou la motivation de sa décision’’.

En outre, il résulte toujours de l’article L 122, que seul le candidat est habilité à déposer une réclamation auprès du Conseil constitutionnel. Visiblement, renseignent nos interlocuteurs, certains candidats ont méconnu ces règles. Ce qui rend leur requête irrecevable. Cependant, le Conseil, dans bien des cas, a fait abstraction de cette méconnaissance ou, tout le moins, est allé au-delà de ces vices qui, à eux seuls, auraient pu suffire pour écarter certains requérants.

L’article L 122 de Code électoral, l’arme fatale

El Hadji Malick Gakou se trouve dans ce lot. Dans sa requête, il demandait notamment une deuxième notification aux fins de remplacer les 756 parrainages dont le rejet, pour cause de ‘’doublons’’, l’a empêché d’obtenir le minimum requis. Tous les moyens étant bons, le candidat de la Grande coalition a aussi invoqué le fait que dans sa décision portant liste provisoire des candidats, le Conseil a invalidé la candidature de Malick Gakou et non d’El Hadj Malick Gakou. Dans sa décision, les sages ont considéré que la demande d’El Hadj Malick Gakou doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle tend à obtenir une réformation de la décision du Conseil constitutionnel.

Mais la haute juridiction, dans un souci pédagogique, est allé au-delà. D’après les sages, le droit de régulariser les parrainages invalidés, ouvert au candidat qui n’a pu obtenir le minimum requis d’électeurs inscrits au fichier général et/ou le minimum requis d’électeurs par région et dans au moins sept régions, ne peut se faire que dans les quarante-huit (48) heures. Ce délai, selon le Conseil, a comme point de départ la notification après la vérification de la liste de parrainage. La loi n’ayant prévu ni une seconde notification, ni la possibilité de régulariser au-delà du délai de 48 heures, il y a lieu de déclarer cette demande mal fondée.

Quant à l’argument, selon lequel, c’est Malick Gakou qui a été invalidé et non El Hadji Mailck Gakou, la haute juridiction estime qu’il n’est pas non plus fondé, car cette omission  dans le considérant n°33 de la décision précitée, est suppléée par la mention exacte de ce prénom dans les considérants précédents ; que du reste, le dispositif, qui est la partie décisoire de la décision, mentionne que c’est la candidature d’El Hadji Malick Gakou qui est déclarée irrecevable. En tout état de cause, le Conseil rappelle noir sur blanc, cette fois, qu’El Hadji Malick Gakou, ayant déposé 67 842 parrains au moment de la déclaration de candidature, a dépassé le maximum autorisé, soit 66 820 électeurs, et ne peut en aucun cas figurer sur la liste des candidats.

La bourde de l’année : Pape Diop demande la validation de la candidature de Mamadou Lamine Diallo

Le candidat Pape Diop n’est guère mieux loti. De lui est sans doute venue la plus grande bourde,  parmi les recours déposés auprès du Conseil constitutionnel. Au lieu de demander la recevabilité de sa candidature, ses conseils Ibrahima Diawara et Ibrahima Diaw ont fait preuve d’une grave légèreté, en demandant la recevabilité de la candidature de Mamadou Lamine Diallo. Heureusement pour le leader de Bokk Guiss Guiss, le Conseil n’en a pas tenu rigueur. Toutefois, l’organe juridictionnel a déclaré la requête irrecevable, puisque n’étant pas des réclamations au sens de l’article L 122 du Code électoral.

Dans son dossier, Papa Diop soutenait, entre autres, que les décisions individuelles du Président du Conseil en matière de parrainages violent les dispositions du Code électoral et de la loi organique sur le Conseil constitutionnel et doivent être annulées. Il soutenait également que du fait de dysfonctionnements, imputables à la Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF), 7 572 parrains, détenteurs de la carte d’électeurs, ont vu leurs parrainages invalidés sous la rubrique ‘’non-électeurs’’. Bien qu’ayant déclaré la requête irrecevable, le Conseil est revenu sur les moyens invoqués pour établir leur caractère infondé. Sur le premier moyen, estime le Conseil, ‘’le procès-verbal que le requérant qualifie de décision du Président du Conseil constitutionnel, n’est en réalité que le compte-rendu des opérations de vérification effectuées par le Conseil lui-même, signé par le Président du Conseil constitutionnel et le greffier et transmis à titre d’information aux candidats, le tout, conformément à la décision n°1/2018 du 23 novembre 2018 portant mise en place d’un dispositif de vérification des parrainages et  fixant les modalités de son fonctionnement’’.

S’agissant de l’invalidation des parrainages sous la rubrique ‘’non-électeurs’’, Papa Diop soutient sans l’établir, selon le Conseil, qu’elle résulte de non-inscriptions sur les listes électorales découlant des dysfonctionnements de la Direction de l’automatisation du fichier. Il en est de même pour Mamadou Lamine Diallo dont la requête ressemble à bien des égards à celle de Papa Diop.

Comme Malick Gakou qui a vu en l’omission de son titre d’El Hadji un alibi pour échapper à l’invalidation, Abdoul Mbaye, lui, n’a pas trouvé mieux que d’apporter sa propre lecture des dispositions de la loi électorale. Avec son mandataire, ils estiment que pour déterminer les doublons, ses parrains ne devaient être confrontés qu’avec ceux du premier déposant. C’est-à-dire Benno Bokk Yaakaar. D’autre part, le leader de ACT et son mandataire Assane Fall ont reproché au Conseil de ne s’être pas référer aux données physiques (support papier) pour corriger les erreurs matérielles de son dossier électronique. Là également, l’article L 122 a été déterminant. La requête, selon le Conseil, ne peut être considérée comme une réclamation contre la liste des candidats au sens de l’article L.122 du Code électoral.

En tout état de cause, les sages ont souligné que les moyens invoqués par Assane Fall sont inopérants. Pour le Conseil, ‘’chaque candidat ayant l’obligation d’inscrire toutes les mentions obligatoires sur le support électronique et de s’assurer de leur exactitude, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de corriger les erreurs ou de réparer les omissions en se référant au support papier’’. Le même motif a également été invoqué contre Thierno Alassane Sall dont la requête a également été déclarée irrecevable, au motif qu’elle est fondée sur des moyens qui ont pour objet de critiquer le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel ou la motivation de sa décision.

Hadjibou accuse l’informaticien du Conseil constitutionnel

Que dire maintenant des moyens invoqués par le candidat Hadjibou Soumaré. Lui n’a trouvé rien de mieux que de mouiller l’informaticien du Conseil constitutionnel, l’accusant presque d’avoir modifié le contenu de son dossier, au moment de le copier. Il a en outre invoqué une décision individuelle du Conseil en vue de demander la vérification à nouveau de la liste des parrainages. Les sages ont déclaré la requête irrecevable pour la bonne et simple raison qu’elle n’est pas une réclamation au sens de l’article L 122. Pour le reste, le Conseil considère que ce ne sont que des allégations sans aucune preuve.

El Hadji Mansor Sy et la loi sur le parrainage

La décision du Conseil portant liste définitive des candidats laisse par ailleurs entrevoir que certains candidats ont toujours du mal à digérer la loi sur le parrainage. C’est le cas d’El Hadji Mansor SY. Il a saisi le Conseil constitutionnel d’une requête tendant à faire ‘’constater l’inapplicabilité de la loi sur le parrainage’’ ; à ‘’annuler l’application du parrainage comme critère de recevabilité des candidatures à l’élection présidentielle’’ et à ‘’admettre la recevabilité et la validité des candidatures déposées sur le base du seul critère de dépôt de la caution’’. Le parrainage, selon lui, ne peut être un critère de recevabilité de la candidature à la présidence de la République, que le parrainage est applicable…

Pour les sages, El Hadji Mansor SY n’a pas qualité pour demander la recevabilité de toutes les candidatures, ses déclarations ne sont que de simples affirmations, elles ne sont étayées par aucun élément de preuve. Le Conseil considérant, au demeurant, que les moyens tendant à remettre en cause la loi électorale ou le raisonnement du juge constitutionnel ne sont pas des réclamations au sens de l’article L.122, déclare qu’il y a lieu de rejeter la requête.

Dans la même veine, Pierre Atépa Goudiaby, par le biais du mandataire de sa coalition, a, lui, saisi le Conseil constitutionnel d’une requête aux fins d’expertise du logiciel de contrôle utilisé pour la vérification des parrainages et d’être rétabli comme candidat sur la liste définitive des candidats. Le Conseil a tout bonnement déclaré la requête irrecevable toujours en invoquant l’article L.122, qui n’ouvre le droit à réclamation qu’aux seuls candidats. Mbaye Sylla Khouma, se présentant comme mandataire, n’a pas qualité pour saisir le Conseil constitutionnel’’.

Quant à Boubacar Camara, le mandataire de sa coalition Aly Gueye, il a, en sus de certains moyens susvisés, invoqué la jurisprudence même du Conseil pour alléguer de la validité de sa candidature. Pour lui, comme lors des législatives de 2017, quand le Conseil estimait que les électeurs qui n’ont pu disposer de leur carte d’électeur pouvaient voter avec d’autres documents. Car, disait le Conseil, le droit au vote est fondamental et la non disponibilité de leur carte ne leur est pas opposable. Le raisonnement ne manque certainement pas de pertinence. D’ailleurs, le Conseil ne l’a pas écarté, mais argue que les déclarations du mandataire Boubacar Camara, selon lesquelles, c’est à cause des dysfonctionnements imputables à la DAF que ses parrains ont été considérés comme ne figurant pas sur le fichier n’ont pas été prouvées.

MOR AMAR

 

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