Publié le 28 Apr 2018 - 03:17
LITIGES FONCIERS DANS LA REGION DE DAKAR

Le département de Rufisque comme épicentre

 

Seule localité de la région de Dakar à disposer de réserves foncières, le département de Rufisque accueille le trop-plein de la capitale. En même temps, il constitue le point de chute de populations venant de l’intérieur du pays. Une ruée à laquelle s’ajoute la volonté de l’Etat du Sénégal de réaliser de grandes infrastructures. Ce qui ne manque pas de créer une foule de litiges voire d’expropriations foncières, au grand dam des attributaires et propriétaires de la localité.

 

Les dégâts du pôle urbain de Diamniadio

Le pôle urbain de Diamniadio, qui s’étend sur une superficie de 1 644 hectares, est attendu pour remodeler le visage de la capitale sénégalaise. Mais, en attendant, il est le théâtre d’une multitude de litiges fonciers. Entre, les déguerpissements, les actions en justice et les menaces, les populations ne savent plus où donner de la tête. Cette superficie de terre devant accueillir la nouvelle ville était occupée, avant le projet, par des populations du département de Rufisque qui s’y adonnaient à l’agriculture et à l’élevage. Certaines zones étaient même habitées.

Aujourd’hui, des villages risquent de disparaître. C’est le cas de ceux de Déni Malick Guèye, Déni Demba Codou et Déni Youssou (situés dans la commune de Diamniadio) qui, au mois de janvier dernier, avaient tenu un grand rassemblement pour s’offusquer du grignotement de leurs villages par le pôle urbain. En plus de cet état de fait, ils ont souligné que leurs terres sont en train d’être affectées à des tiers, sans leur aval. Une réalité dont les prémices ont été annoncées en novembre dernier par les populations du village de Déni Malick Guèye qui protestaient, à l’époque, contre la perte de leurs parcelles et de leurs champs pour la construction d’un hôtel, alors que la superficie en question était initialement destinée à l’extension de leur village. « Ils ont détruit plus de 1 800 parcelles, y compris des chantiers, à côté de l’université du futur africain, sans sommation’’, dénonçait Médoune Diop, le président du conseil de quartier de Déni Malick Guèye.

Actuellement, pour les besoins du transfert du foirail de Dakar à Diamniadio, 4 900 parcelles situées à Sébi Gare, à proximité du pôle urbain, risquent d’être expropriées de leurs propriétaires.  Ces derniers, réunis en assemblée générale au début du mois de février, ont sonné l’alerte.  Mais le hic, font-ils savoir, est que l’administration ne connaît pas exactement le site identifié qui, selon eux, se situe dans la commune de Diamniadio. Malgré cela, la Dscos est sur le point de démolir les bâtiments qui y sont actuellement érigés et même habités. Une tentative délibérée d’expropriation, de l’avis des attributaires qui dénoncent le mutisme de la mairie de Sébikotane.

Non loin, 331 familles propriétaires de parcelles à Diamniadio extension A crient leur désarroi. Elles sont en contentieux avec un promoteur immobilier et risquent de perdre leurs terres qui s’étendent sur une superficie de 6 hectares. Depuis 2014, ces compatriotes attendent leurs autorisations de construire. Certains avaient même entamé des chantiers, mais, c’était sans compter avec la Dscos qui ne permet aucune construction sur le site.

Si ces propriétaires sont dans l’expectative, le promoteur Gana Dieng, lui, a saisi le médiateur de la République et le président de la République. Parce que les lotissements administratifs qu’il a réalisés à Khoumbé et Khoumbé Extension ont été rasés par le pôle urbain. Ceux-ci ont été réalisés depuis 2010 sur 46 hectares et attribués à 1 653 personnes. Et aujourd’hui, la délégation générale au pôle urbain lui propose un site qui ne semble pas l’arranger. 

A ce propos, le délégué général au pôle urbain de Diamniadio et du Lac rose a eu à faire des précisions sur les ouvrages en cours de la nouvelle cité. Seydou Sy Sall avait même entamé des tournées dans le département pour rencontrer les populations de différentes collectivités locales touchées par les pôles urbains de Diamniadio et du Lac rose. « Pour les propriétaires d’impenses, il est prévu de les associer à l’évaluation et faire de telle sorte qu’ils ne soient pas lésés », a-t-il promis. Avant de laisser entendre que « les impenses seront payées. Les propriétaires des impenses seront indemnisés. Les affectataires qui ont réalisé des constructions, des aménagements, des cultures, seront indemnisés ». 

Le port minéralier et la centrale à charbon de Bargny

A Bargny, c’est le paisible village de Minam, situé à l’Est de la commune, qui est menacé de disparition, pour les besoins de la construction de la centrale à charbon. La population ne cesse de multiplier les sorties contre la disparition programmée et imminente de leur lieu de vie. « Le village est pris en étau par la centrale à charbon et le port minéralier. Notre environnement est menacé et la centrale a fini de nous dépouiller de nos terres cultivables. Nos parcelles à usage d’habitation sont confisquées. Nos conditions de vie sont exacerbées par la déflation de nombreuses familles qui gagnaient leur vie dans la zone touristique. L’agression va jusqu’à nous priver de notre aire de débarquement sans aucune concertation ni proposition en contrepartie », dénonce le coordonnateur du collectif des habitants pour la sauvegarde de Minam, Bouna Bèye qui demande un site de recasement qui fasse au moins 1 400 parcelles, comme promis par les autorités, puisqu’une cohabitation avec la centrale est impossible.

Dans la même zone, la construction du port minéralier et vraquier de Sendou a occasionné des démolitions. A cela s’ajoute la disparition des petites exploitations familiales vastes de 600 hectares. Des champs de gombos où intervenaient des centaines de femmes de la zone et de Bargny.

Tivaouane Peulh, la zone rouge

Mais le pôle urbain de Diamniadio et Bargny n’est presque rien à côté de la commune de Tivaouane Peulh Niague, qui bat de très loin le record du plus grand nombre de litiges fonciers, et où les épisodes de démolition font légion. Dans cette partie du département de Rufisque, le contentieux le plus connu est celui qui oppose l’institut Al Mozdahir au collectif des attributaires et propriétaires de Tivaouane Peulh. Cette affaire, qui est toujours entre les mains de la justice, concerne une assiette foncière couverte par le titre foncier TF 6814/R. Selon les attributaires de parcelles, l’institut bénéficie d’un bail de 50 ans sorti entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012.  Ce litige foncier a conduit à la démolition des maisons de plus de 150 chefs de famille, en janvier 2012 à Tivaouane Peulh, dans la localité de Médina Darou Thioub.

 Même scénario pour les impactés du prolongement de la voie de contournement (Vdn). Des centaines de familles ont assisté, dans la période du 19 au 20 avril 2017, à la furie des bulldozers qui ont tout rasé sur leur passage. D’ailleurs, ce dimanche 22 avril 2018, ils ont, par le biais de leur collectif, marqué la première année de leur délogement par une grande marche, à travers les artères du village de Tivaouane Peulh, sous forte escorte de la gendarmerie. Armés de brassards rouges, ils ont, entre autres points, exigé l’indemnisation des victimes en respect des instructions données par le Premier ministre. A défaut de quoi, ils demandent leur relogement.

Même scénario pour les populations de Tivaouane Peulh dont les maisons ont été démolies, parce que situées sur l’emprise de la Vdn. Jusqu’à présent encore, ces derniers demandent leur recasement.

Si le pôle urbain de Diamniadio a causé des préjudices aux populations, celui du Lac rose ne dérogera pas à la règle. Des déplacements à grande échelle vont à coup sûr avoir lieu. Aujourd’hui, des balisages sont en train d’être effectués. Ce qui ne manque pas de créer une psychose chez les populations qui redoutent encore des démolitions.

Cohabitation difficile entre la Sococim et les populations de Rufisque-Bargny

La boulimie foncière de la Sococim-industries est souvent décriée par les populations de Rufisque et Bargny. « Sos Bargny » réclame toujours 241 hectares à la cimenterie dont les carrières grignotent de plus en plus des terres de Médinatoul Mounawara (un lotissement situé au Nord de Bargny). La zone en question était destinée aux victimes de l’avancée de la mer avec un nombre de 5 425 parcelles dont certaines ont été déjà construites.

Ce sont les mêmes motifs qui avaient poussé les autorités municipales de Rufisque Est et de la ville de Rufisque, en janvier dernier, à manifester contre le géant du ciment. Ces derniers qui ont notamment protesté contre la pollution, se sont offusqués de l’accaparement de 210 hectares de terres par la Sococim-industries. Jadis utilisés pour la culture de la jatropha, ces superficies sont toujours aux mains de la cimenterie. Ce qui n’est pas du goût de Rufisque Est et de la ville de Rufisque qui exigent la restitution de cette bande de terre pour donner une chance de disposer d’un toit à ceux qui n’en ont pas.

PAPE MOUSSA GUEYE

 
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