Publié le 10 Oct 2019 - 04:21
LIVRE ONG 3D SUR LES FINANCES PUBLIQUES

La bamboula au sommet de l’Etat

 

Entre 2012 et 2018, l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnemental, le Haut conseil des collectivités territoriales et l’Ofnac ont coûté aux contribuables sénégalais près de 180 milliards de francs Cfa. Pis : la plupart de ces institutions échappent totalement à toute vérification des corps de contrôle.

 

L’Ong 3D a procédé, hier, à la présentation de son ouvrage consacré à la recherche prospective sur le financement interne du développement. Il ressort des enquêtes menées par l’organisation, qu’il faudrait repenser profondément la dépense publique ainsi que les mécanismes de mobilisation des ressources publiques. Selon le directeur exécutif de l’Ong 3D, Moundiaye Cissé, les crédits alloués à certaines institutions publiques méritent une attention particulière.

S’appuyant sur le rapport, il indique que sur la période 2012-2018, le pouvoir Législatif a coûté au contribuable 113,43 milliards de francs Cfa, le Conseil économique social et environnemental 46,52 milliards, le Haut conseil des collectivités territoriales 14,80 milliards de francs, la Commission électorale nationale autonome 16,85 milliards, l’Ofnac 4,69 milliards de francs Cfa.

Toujours en se fondant sur les conclusions des experts, il souligne que pour ce qui est de l’exercice budgétaire en cours (2019), un budget de 18 558 057 759 F Cfa est prévu pour l’Assemblée nationale dont 14 927 506 000 F Cfa au titre du fonctionnement et 3 630 551 759 F Cfa seulement pour l’investissement. Pendant ce temps, le Conseil économique, social et environnemental pèse 6 227 590 000 F Cfa, le Hcct 9 090 000 000 F Cfa dont 2 790 000 000  seulement d’investissement.

De l’avis de Moundiaye Cissé, il faut que la société civile prenne des positions objectives et scientifiques sur la question des politiques publiques. ‘’La démarche qui a été retenue, dans le cadre de cette étude, est constructive. Elle vise davantage à alerter l’Etat du Sénégal sur les fuites de recettes qui limitent le financement des projets de développement par les ressources endogènes. Cette problématique est au cœur de l’aphorisme ‘Sunu budget’ qui appuie les populations afin qu’elles s’approprient le budget dans ses volets classiques : ressources et charges’’, fait savoir le directeur exécutif.

A l’en croire, l’Etat doit surtout miser sur les ressources internes pour le financement des politiques publiques qui structurent le Plan Sénégal émergent (Pse). Par ailleurs, l’étude, fait-il savoir, montre notamment que ‘’l’Etat du Sénégal doit aller dans le sens d’une rationalisation des dépenses publiques. Limiter la dépense publique, c’est une façon de mobiliser les ressources publiques. Les dépenses de fonctionnement sont élevées par rapport à l’investissement et par rapport aux dépenses sociales’’.

Il ressort des différentes communications, à l’occasion de cette cérémonie de présentation du livre, que l’Etat laisse filer beaucoup de recettes. Si ce n’est l’insuffisance et le problème d’organisation des régies financières qui sont épinglés, c’est l’incivisme fiscal et le laxisme de certaines autorités.

Pour ce qui est des institutions budgétivores, il a surtout été regretté leur soustraction à toute forme de contrôle. En guise d’exemple, le professeur Abdoul Aziz Kébé donne les fonds spéciaux du président qui, entre 2012 et 2018, tournent autour de 100 milliards. ‘’Et il n’y a aucune forme de contrôle. Ceci est aussi vrai pour beaucoup d’institutions’’, signale l’expert.

Relativement aux tensions budgétaires périodiquement évoquées, l’inspecteur du trésor Ibrahima Touré explique : ‘’Lorsqu’on annonce 60 milliards alors qu’on sait que nous ne pouvons pas avoir 30 milliards, cela pose un problème de sincérité. Il faut que nous ayons un budget sincère. La sincérité est maintenant érigée en principe. Si on n’a pas un budget sincère, nous allons continuer de parler de budget de 4 000 milliards alors que nous ne pouvons pas avoir 3 000 milliards’’.

Selon lui, ce sont là les germes des tensions budgétaires. ‘’Il y a un décalage entre ce que vous recouvrez et ce que vous payez. Il faut des efforts pour plus de sincérité’’, affirme-t-il.

A propos des exonérations fiscales, il relativise et invite les uns et les autres à la prudence. En fait, selon lui, une bonne partie des exonérations relève d’erreurs initiales de l’Administration des impôts et domaines. ‘’J’ai vu des cas, dit-il, où on demande des sommes importantes sur la base d’une erreur de l’administration. Et quand on corrige, ça entre dans le cadre des exonérations. Il est arrivé qu’on mette pour une boutique ici à Sandaga 1 milliard de francs Cfa. Or, en réalité, cette boutique ne pouvait même pas payer 20 millions’’.

MOR AMAR

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