Publié le 29 Aug 2016 - 18:42
LIVRE SUR LE PROCES DE KARIM ET CIE

Mady Boiré anéantit la procédure

 

Docteur en Droit privé et Sciences criminelles, Me Mady Marie Boiré abîme toute la procédure qui a abouti à la condamnation de Karim Wade dans un livre.

 

Le titre est évocateur : ‘‘Le procès de K.Wade pour enrichissement illicite un naufrage judiciaire’’. Un ouvrage de 246 pages édité à compte d’auteur à l’actif du Professeur Mady Boiré. L’opus a le mérite d’être la première œuvre livresque sur le procès intenté contre le fils de l’ancien président de la République du Sénégal. L’auteur démontre dans un argumentaire juridique, par moments insaisissable au profane du Droit, que presque tous les actes et notions posés sont non conformes aux règles de droit.

Le flou sur l’incrimination d’enrichissement illicite constitue le gros de l'oeuvre.  ‘‘Sur le plan des grandes classifications du droit pénal, l’on peut s’interroger s’il s’agit d’une infraction de commission signifiant le fait de s’enrichir de façon considérable, ou s’il s’agit plutôt d’une infraction d’omission, c’est-à-dire de justifier de l’enrichissement. Elle est donc un ovni juridique non identifié dont l’attraction est nuisible, préjudiciable sur l’agent pénal poursuivi’’, analyse-t-il, réfutant même toute justification à partir de la Convention de Mérida.

L’enrichissement illicite prévu par l’article 163-bis de la loi n°81-53 du 10 juillet 1981 est même qualifié « d’infraction vampirique » par l’auteur. ‘‘L’une des interrogations suscitées par cette incrimination est qu’elle ne définit point ce que constitue un enrichissement illicite’’. A travers des comparaisons avec le droit positif français, et l’exemple du droit gabonais où cette notion est axée sur la prévention, Me Boiré en arrive à la conclusion que ‘‘l’incrimination d’enrichissement illicite n'a pas sa place dans le code pénal, car elle ne lui est d’aucun apport bénéfique aux regards des exigences du procès équitable.

Il s’agit d’une normativité dont la substantialité  est abyssale. Elle n’a que l’apparence d'une norme’’, défend-il. ‘‘L’absence de définition de l’enrichissement illicite permet de comprendre par ailleurs que cette incrimination est dite de renvoi aux incriminations de droit commun telles que les détournements de deniers publics, les prises illégales d’intérêt, la corruption, la concussion, le trafic d’influence, l’abus de biens sociaux, le favoritisme etc.’’

Renversement de la charge de la preuve

Le renversement de la charge de la preuve, l’une des grandes autres questions qui a émaillé cette procédure, est également passée au crible par le professeur. Pour lui, c’est ‘‘une pratique permettant au Parquet de combler une accusation lacunaire’’. Une comparaison avec le droit nigérien, où la Cour constitutionnelle, après saisine, a émis une déclaration de non-conformité, permet d’asseoir ses déclarations. ‘‘Nous soutenons et relevons l’existence d’une forte présomption  légale dérogeant au principe de la présomption d’innocence et consacrant de ce fait une présomption de culpabilité fondée sur la visibilité d’un patrimoine,  d’éléments d’indices mesurant un écart entre un  patrimoine, un train de vie d’une  part et les revenus de la personne mise en cause d’autre part,  sans point occulter  les responsabilités que cette personne a eu à assumer’’, défend-il.

Mais l’œuvre commence d’abord avec le chapitre sur l’interdiction de sortie du territoire infligée à Karim Wade, en février 2013. L’auteur met à mal l’attitude du procureur spécial public qui a fait fi de l’arrêt de la Cedeao. Des thèmes concernant la justiciabilité des agents concernés, l’arrêt de la Cour et le privilège de juridiction, le réquisitoire du procureur général etc., sont abordés dans un autre point intitulé ‘‘des conflits de compétence juridictionnelle’’,  qui clôt le livre.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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