Publié le 12 Dec 2019 - 02:02
LOGEMENTS SOCIAUX, LOYER, HYGIENE PUBLIQUE…

Les députés sur les nerfs

 

Du ‘’fast-track’’ et de la transparence dans le programme 100 000 logements sociaux et l’application de sanctions face à l’indiscipline des Sénégalais et l’occupation anarchique de l’espace public. C’est ce que demandent les députés au ministre de l’Urbanisme et de l’Hygiène publique.

 

L’octroi de logements sociaux prévus par le gouvernement. Un vaste et ambitieux programme de 100 000 logements, d’ici cinq ans. Au sein de l’Hémicycle, les députés attendent de voir. Lors du vote du budget du ministère de l’Urbanisme et de l’Hygiène publique, il a beaucoup été question de sa faisabilité, d’autant plus que les plans du type (Jaxaay, Sicap Sa, Scat Urbam) n’ont pas dépassé la barre des 4 000 habitations par an. Encore une fois, le choix de Diamniadio au détriment des villes telles que Thiès, Mbour, Tivaouane, Kaolack et Kébémer a créé la polémique. En outre, l’accessibilité de ces logements a également fait l’objet de commentaires.

‘’C’est bien beau de vouloir construire des logements sociaux, mais le paradoxe c’est que la cible ne pourra même pas acheter ces maisons. Elles coûtent entre 10 et 30 millions, ce qui n’est plus, à mon avis, du social. La banque demande des garanties pour ceux-là qui travaillent et ont un bulletin de salaire. Qu’en sera-t-il de ceux du secteur informel ? A mon avis, la question est : comment faire pour que le maçon ou le mécanicien ait sa propre maison ?’’, a lancé le député Malick Guèye.

Ce dernier estime, comme plusieurs de ses collègues, que le Sénégalais n’a pas la culture de l’appartement, mais qu’il préfère plutôt disposer d’un terrain et y construire avec son propre plan. D’où le plaidoyer pour l’octroi de terrains, en lieu et place d’habitations toutes faites.

Selon le ministre de l’Urbanisme et de l’Hygiène publique, 60 % de ces logements seront dispatchés entre Dakar, Thiès et Mbour. ‘’Le Fonds de l’habitat social, à hauteur de 15 milliards de F Cfa, prend en compte ceux qui veulent acheter des maisons, mais qui n’ont pas de salaire. Il sert également à réduire les taux de remboursement envers les banques, tant pour les promoteurs que pour le Sénégalais qui achète la maison. Nous avons déjà négocié avec les banques pour un décaissement de 200 milliards par an, pour la construction de 20 000 logements. Le programme des 100 000 logements délègue au promoteur la construction de ces habitations sur des terrains déjà identifiés et l’Etat lui garantit la fourniture d’eau et de courant. Ce fonds devrait prendre en charge 10 000 Sénégalais en 2020’’.

A l’en croire, la loi d’orientation sur le logement social encadre ce projet qui va concerner les ménages n’ayant pas plus de 450 000 F Cfa comme revenu mensuel. Que ce soit dans le secteur formel ou informel.

Il annonce l’ouverture d’une plateforme d’inscription, dès le 19 décembre prochain, pour les familles intéressées. En outre, conformément à la politique de transformation sociale (2019-2024), 20 % de ces habitations reviendront à la diaspora, en plus d’un périmètre de 65 ha pour les Sénégalais de l’extérieur ayant été victimes d’arnaques de la part des promoteurs immobiliers. 

‘’Ils vont se partager ces maisons entre eux et le citoyen lambda n’y verra que du feu’’

Si le plus jeune ministre du gouvernement sénégalais et son équipe pensent bien faire, il se trouve qu’au sein de l’Hémicycle, on pense tout autre, au travers d’une vision philosophique des choses. Et le parlementaire Chérif Théodore Monteil s’est chargé de dire ce que certains pensaient tout bas. ‘’J’ai l’impression qu’on veut confiner la misère du Sénégal en un endroit, là-bas, loin à Diamniadio. Au contraire, je pense que toutes les couches sociales gagneraient à vivre ensemble. Que l’enfant du paysan côtoie celui du ministre, cela relève d’un partage d’expériences. Ce dernier lui fera croire en son rêve et en son ambition, et son voisin peut en tirer une leçon d’humilité. Cette cohabitation ne peut qu’être bénéfique des deux côtés’’.

Toutefois, dans une position plus tranchée, le président de la commission, Mamadou Lamine Diallo, martèle : ‘’Je vais vous dire une chose : cette histoire de logements sociaux, c’est juste du leurre. Ils vont se partager ces maisons entre eux et le citoyen lambda n’y verra que du feu.’’

Sur les 57 intervenants, presque tous ont demandé un allègement du coût, pour permettre aux jeunes mariés ou non d’avoir un logement. Une discrimination positive en faveur des femmes bien souvent à la rue, en cas de divorce, est également souhaitée. La diaspora sénégalaise, quant à elle, demande un quota conséquent dans l’octroi de ces habitations.

Par ailleurs, plusieurs représentants tels que Cheikh Tidiane Gadio ont demandé la réhabilitation du patrimoine historique du Sénégal niché à Gorée, à Saint-Louis et à Rufisque.

Les représentants du peuple s’accordent sur le fait que l’urbanisation chaotique dans la région de Dakar et ailleurs au Sénégal est le résultat d’une absence de sanctions. Des mesures, selon eux, s’imposent, face à ces Sénégalais qui transgressent les règles en matière de construction. Ils ont, en outre, exigé un contrôle d’hygiène.

La cherté du loyer toujours d’actualité

Une autre question emporte l’assentiment de tout le monde : c’est la cherté grandissante du loyer dans la capitale, en dépit de la loi de 2014 qui était censée régler le problème. Pour freiner les appétits aiguisés de certains maires et promoteurs immobiliers véreux, le ministre Abdou Karim Fofana promet une restructuration imminente du foncier. ‘’Nous voulons restructurer le secteur de l’immobilier. Qui peut être promoteur immobilier ? Ils ont eux-mêmes proposé une carte du promoteur. On doit pouvoir savoir qui est agent immobilier et qui ne l’est pas. Le projet de loi de 2014 renfermait des zones d’ombre sur la surface corrigée, chose qui est en train d’être revue dans la nouvelle loi en cours d’élaboration. Il s’agira aussi de réduire la durée de vie d’un bâtiment à 10 ans. Mais l’ambition est de permettre à chaque Sénégalais d’avoir sa propre maison’’, explique le ministre qui ajoute que la réforme du permis de construire devrait bientôt voir le jour.

En ce qui concerne l’amélioration du cadre de vie, l’élu Alioune Souaré pense que ‘’la gestion des déchets est un problème structurel qui nécessite une étude en profondeur. Il ne sert à rien de nettoyer pour revenir quelque temps après trouver des ordures. Je vous exhorte à ne pas vous arrêter au concept’’.

Pessimiste quant à lui, le député Mamadou Diop Decroix déclare : ‘’Je vous suis à la télévision. Vous êtes un homme de terrain et vous avez cette fougue de jeunesse, certes, mais vous n’arriverez à rien. Tout simplement, parce que c’est la mentalité du Sénégalais qui est malade. Tant que chaque Sénégalais ne se sent pas concerné par ce combat contre les déchets, rien ne changera. Il faut que chaque citoyen soit impliqué dans votre démarche et cela passe par un travail de changement de comportement.’’

Jean-Baptiste Diouf : ‘’Nous nous plaisons dans la saleté’’

‘’Excusez-moi, mais la vérité, c’est que nous Sénégalais sommes sales. Nous nous plaisons dans la saleté’’, enfonce le député-maire de Grand Dakar Jean-Baptiste Diouf. De son côté, l’honorable Mamadou Lamine Diallo fulmine : ‘’Cette gestion du cadre de vie demande un esprit patriotique. Or, les Sénégalais ne l’ont plus, vu les agissements de ce gouvernement bien loin de la notion de patriotisme. Ces mêmes Sénégalais sont pourtant disciplinés, lorsqu’ils sont à l’extérieur. Pourquoi, selon vous ?’’.

Pour la réussite du programme ‘’Zéro déchet’’, les parlementaires ont insisté sur le suivi après déguerpissement et l’aménagement d’espaces verts sur ces sites. En plus d’un plan d’organisation du secteur informel qui passe d’abord par l’aménagement d’un site de recasement.

‘’Il faut que les maires s’adonnent à leur tâche en matière de désencombrement et de nettoyage, avant de solliciter l’Administration centrale. Il faut que chacun assure sa tâche et ce serait encourageant d’accompagner les mairies qui travaillent’’, soutient le président de la Commission des finances Seydou Diouf.

Déroulant les priorités de son ministère, Abdou Karim Fofana renseigne que l’Etat prévoit la transformation de la décharge de Mbeubeuss en un centre intégré de valorisation des déchets, ainsi que la mise en place d’une brigade dédiée à la surveillance des endroits nettoyés et aménagés.

Le ministère de l’Urbanisme et de l’Hygiène publique va empocher plus de 75 milliards de francs Cfa pour l’exécution de ses différents programmes, durant l’année 2020.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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