Publié le 13 Jan 2020 - 17:13
LOI PORTANT SUR LA SECURITE INTERIEURE

L’Asutic craint une loi liberticide

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L’Association des utilisateurs des Tic (Asutic) veut contrecarrer le projet de loi portant sur la sécurité intérieure, ce afin de mieux contrôler Internet. Selon elle, cette décision prise par Macky Sall constitue de nouvelles menaces, une censure du discours politique et des mouvements sociaux contestataires.

 

L’annonce du président Macky Sall de faire adopter, par l’Assemblée nationale, un projet sur la sécurité intérieure, inquiète l’Association des utilisateurs des Tic (Asutic).  Lors de la rentrée solennelle des Cours et Tribunaux du 9 janvier 2020, le président du Sénégal a prononcé un discours sur le terrorisme, en pointant du doigt Internet : ‘’En matière de crime organisé comme le terrorisme, fait-il savoir, il n’est même plus nécessaire de se connaitre ou de se rencontrer physiquement pour préparer et exécuter un acte malveillant. Il nous faut donc prêter une attention particulière à la gouvernance d’Internet comme espace de propagande et de relais de financement.’’ 

Ainsi, Internet et ses espaces de discussion seraient les lieux de propagande terroriste, de recrutement, d’endoctrinement et de radicalisation des Sénégalais. Aussi, pour combattre ce phénomène, il soumettra prochainement à l’Assemblée nationale un projet de loi portant sur la sécurité intérieure.

Selon le président Macky Sall, il s’agira, avec ce projet de loi, ‘’de donner à l’autorité publique les moyens légaux de prendre des mesures adaptées et proportionnées, au regard des risques encourus et des circonstances contre des attentats terroristes ou menaces avérées d’actions terroristes, le recrutement de personnes en vue de participer à une entreprise terroriste, la provocation au terrorisme ou l’apologie d’actes terroristes par des écrits, des forums, des tribunes publiques ou privées, ou par tout autre moyen. Notamment par l’utilisation d’un réseau de communication bien connu des actions criminelles ressortissant au crime organisé transnational associé ou non à une entreprise terroriste’’.

Mais pour l’Asutic, les protections associées à nos droits et libertés reculent partout dans ce pays (dans la rue, dans la presse et de plus en plus sur Internet). C’est pourquoi elle appelle tous à se mobiliser pour tenir en échec un projet de loi sur la sécurité intérieure qui pourrait être liberticide. Elle demande, en outre, dans un communiqué parvenu hier à ‘’EnQuête’’, aux citoyens ainsi qu’aux défenseurs des droits humains de la vigilance. Ce, avant de rappeler au gouvernement que, dans un Etat de droit, la censure de masse ne doit pouvoir être prononcée que par un juge et non par la police. ‘’La lutte contre le terrorisme, dans un Etat démocratique, ne doit jamais être un prétexte pour censurer les oppositions politiques et les mouvements sociaux contestataires’’.

‘’Dispositions extrêmement dangereuses pour nos droits et libertés d’Internet’’

Selon les utilisateurs des Tic, il est fort probable que ce projet de loi sur la sécurité intérieure porte sur la prévention de la diffusion sur Internet de contenus qualifiés de terroristes. ‘’On nous parle de lutter contre la propagande terroriste, le mal étant Internet. Dès lors, il se pourrait que cette lutte repose sur des dispositifs légaux de censure d'Internet. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, instrumentalisant sa peur, un tel texte contiendrait certainement des dispositions extrêmement dangereuses pour nos droits et libertés d’Internet, en particulier la liberté d’expression en ligne, le droit d’accès à l’information, la liberté d’association et de réunion sur Internet’’, dénoncent-ils.

A leur avis, la définition du ‘’terrorisme’’ est tellement vague et lorsqu’elle existe, elle est volontairement large, qu’elle peut servir à justifier la censure de toute expression politique ou sociale violente. ‘’Donner à la police la prérogative de décider ce qu’est un contenu terroriste, en dessaisissant le juge, pourrait mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux. Face aux discours terroristes qui se propagent sur Internet et la perception de plus en plus négative des Sénégalais de l’espace public numérique, ceux qui prétendent nous gouverner tentent de légitimer l’adoption d’une stratégie légale de contrôle d’Internet’’, avertissent les utilisateurs des Tic.

Au regard de ce qui précède, souligne ladite association, la question légitime est de connaitre les motifs d’un tel projet de loi, quand on sait que le Sénégal dispose déjà d’un arsenal juridique anti-terroriste de prévention, depuis 2016, avec la loi n°2016-33 relative aux services de renseignement. Il y a aussi la loi n°2016-29 portant Code pénal révisé, la loi n°2016-30 portant Code de procédure pénale révisée. Ce dispositif légal antiterroriste, avec de puissants moyens d’investigation, donne la possibilité aux services spéciaux de renseignement, lorsqu’ils disposent d’indices de menaces terroristes, d’utiliser des procédés techniques intrusifs de surveillance et de localisation.

Pire encore, il n’y a aucun encadrement des mesures intrusives qu’ils peuvent prendre pour neutraliser une menace terroriste. Ainsi, ce dispositif légal anti-terroriste, promulgué depuis 2016, est un véritable danger pour les droits humains et libertés fondamentales des Sénégalais. Cependant, ce cadre légal a des limites pour lutter contre les contenus à caractère terroriste en ligne.

VIVIANE DIATTA

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