Publié le 27 Nov 2019 - 03:26
LOI SUR LE CONTENU LOCAL

Un ‘’ndeup’’ pour exorciser les démons

 

Etat, travailleurs des hydrocarbures et société civile étaient en conclave, hier, pour échanger autour de la loi sur le contenu local.

 

La loi sur le contenu local continue de cristalliser les énergies. Hier, les travailleurs du secteur des hydrocarbures ont répondu à l’appel du Forum civil et d’Oxfam pour mieux s’imprégner des enjeux de la loi sur le contenu local. Le ministre de l’Energie, Mouhamadou Makhtar Cissé, présidant la cérémonie, a réaffirmé la volonté du gouvernement de mener une gestion inclusive et transparente des ressources en hydrocarbure. ‘’Vous savez, signale-t-il, nous sommes dans une même barque. Si elle tangue, nous tanguons. Si elle coule, nous coulons tous. Notre objectif est, qu’avant l’effectivité de l’exploitation du pétrole et du gaz, nous puissions avoir un gage de partenariat mutuellement bénéfique aux différents acteurs et parties prenantes du secteur, et dans l’intérêt du peuple sénégalais. Cette approche nous permettra de renforcer la stabilité sociale, la stabilité et la durabilité des indicateurs économiques, le renforcement de la confiance des populations et des investisseurs, la protection de l’environnement et des activités économiques côtières’’.

D’après le ministre, c’est dans ce sens que s’inscrit la politique de l’Etat, depuis les concertations sur la gestion des ressources pétrolières et gazières. Le président de la République, selon lui, a instruit le gouvernement d’associer toutes les forces vives de la nation, notamment la société civile et l’opposition, en vue d’une gestion inclusive et transparente desdites ressources. ‘’Nous souhaitons qu’ensemble, nous nous engagerons à rendre, avec les mêmes valeurs, les mêmes ambitions, les mêmes objectifs, le système de gouvernance de nos ressources encore plus performant’’, déclare le ministre qui rassure les Sénégalais qui vivent de la mer. ‘’Ce n’est pas, dit-il, parce que nous allons exploiter le pétrole que nous allons oublier d’autres activités comme la pêche’’.

Pour sa part, le président du Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz, par ailleurs Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Force du changement (Cnts/Fc) a accentué son propos sur la nécessité de la formation. Il déclare : ‘’Nous avons besoin d’une bonne maitrise des enjeux qui s’attachent à cette problématique du contenu local. Nous allons donc voir comment faire pour tirer pleinement profit de l’exploitation de ces ressources naturelles. Ce qui nous intéresse, c’est surtout que des emplois soient créés et que les conditions de travail des travailleurs soient améliorées.’’ Pour ce faire, estime Cheikh Diop, la formation est fondamentale.

Raison pour laquelle le syndicat qu’il dirige propose l’érection d’un centre des petits métiers des activités pétrolières et gazières. Il en appelle à l’implication des employeurs, des partenaires de la société civile et à l’accompagnement de l’Etat.

Quant au coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, il a surtout rappelé la nécessité de discuter, aussi bien de l’amont que de l’aval du secteur des hydrocarbures. L’objectif étant, pour lui, d’analyser les opportunités économiques offertes par la loi sur le contenu local pour le secteur privé national et les populations. ‘’Le Cospetrogaz, souligne-t-il, est surtout un organe stratégique qui conseille le chef de l’Etat. Le plus important, c’est le Comité national de suivi du contenu local qui doit veiller à ce que les retombées profitent aux Sénégalais. C’est à ce niveau où tout se décide. Il faudra donc œuvrer pour que les travailleurs et les représentants de la société civile y soient représentés’’.

Décembre, mois décisif

Adoptée au début d’année par l’Assemblée nationale, l’application de la loi sur le contenu local n’est toujours pas effective, faute de décrets d’application. Mais si l’on en croit le ministre en charge de l’Energie, tout devrait s’accélérer dès le début du mois de décembre. Du 2 au 6 décembre, renseigne le conseiller technique du ministre Manar Sall, de larges concertations seront organisées par le département, dans le cadre de l’élaboration des décrets d’application. Il s’agira notamment du décret sur le Conseil national de suivi du contenu local (Cnscl), sur la plateforme électronique, les modalités de participation des investisseurs sénégalais au capital des entreprises, du classement des activités ainsi que du décret portant organisation, fonctionnement et modalités d’alimentation du Fonds d’appui au développement du contenu local.

Selon le conseiller technique de Mouhamadou Makhtar Cissé, l’Etat espère finaliser l’adoption de ces décrets au plus tard au courant du trimestre de l’année prochaine. A en croire les spécialistes, le Sénégal a fait du benchmarking pour apprécier les meilleures pratiques dans le monde. D’ores et déjà, les acteurs, eux, se positionnent pour réclamer leur cooptation dans ledit comité. En ce qui les concerne, les services de Makhtar Cissé promettent que le gouvernement va écouter attentivement toutes les propositions et s’engage à faire siennes les plus pertinentes, dans l’intérêt exclusif du peuple sénégalais.

Quand la préférence nationale inquiète les décideurs

Ceux qui pensent que la société de nationalité sénégalaise devrait nécessairement renvoyer aux entreprises dans lesquelles les nationaux détiennent la majorité du capital social, n’ont qu’à déchanter. Même s’il n’a pas un point de vue arrêté sur la définition de la nationalité sénégalaise des entreprises, Manar Sall prévient contre les positions extrêmes, basées sur l’origine de l’actionnariat. ‘’D’une part, les autres pays vont en faire de même et cela va nuire à nos compatriotes qui se trouvent dans ces pays. D’autre part, cela peut être inefficace, dans la mesure où l’on a aussi besoin des gens qui viennent d’ailleurs pour développer l’industrie des hydrocarbures’’, affirme le spécialiste.

Pourtant, aux concertations nationales présidées par le chef de l’Etat, le président du Conseil national du patronat, Baïdy Agne, demandait déjà une définition claire de la notion d’entreprise sénégalaise. Il disait : ‘’Je le dis humblement, c’est pour qu’on puisse tirer le plus de valeur ajoutée au bénéfice des Sénégalais. Je comprends la difficulté de la chose, à cause notamment des normes communautaires... Je ne sais pas si mon ami Gérard Senac (patron d’Eiffage) est là. Mais quand on voit l’exposé de Bp, on ne voit que lui. Nous aurions souhaité qu’il y ait également des Sénégalais. Nous espérons que les décrets vont préciser que, par entreprise sénégalaise, il ne faudrait pas seulement entendre une entreprise de droit sénégalais.’’

Mais, selon toute vraisemblance, l’Etat est loin de cette posture du secteur privé sénégalais. A l’époque, comme hier, ses représentants ont émis des réserves.

L’enjeu, ici, est de savoir si le contenu local va profiter uniquement aux champions nationaux ou bien simplement aux entreprises de droit sénégalais. C’est-à-dire toutes les entreprises, sans distinction de l’origine des capitaux, inscrites au registre du commerce et du crédit mobilier sénégalais. Il faut rappeler que, malgré la frilosité des pouvoirs publics, le législateur sénégalais a souvent considéré que l’entreprise de nationalité sénégalaise est celle détenue à plus de 50 % par des nationaux. Il en était ainsi de la loi 85-40 du 29 juillet 1985 consacrée à la quatrième partie du Cocc et relative aux sociétés commerciales, abrogée depuis l’entrée en vigueur de l’acte uniforme Ohada. La même logique a été adoptée par le Code de la marine marchande et celui de l’aviation civile encore en vigueur. ‘’La nouveauté, avec le Code de la marine marchande, expliquait à ‘’EnQuête’’ Maitre Bassirou Baldé, c’est que les 51 % peuvent être détenus par des nationaux ou des ressortissants de l’Uemoa. Il en est de même avec le Code de l’aviation civile, pour ce qui concerne les aéronefs. A mon avis, ces dispositions doivent pouvoir s’appliquer en l’espèce.’’

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HAUSSE DES PRIX DE L’ELECTRICITE

Enfin, des syndicalistes sortent de leur torpeur

Malgré leurs réactions timides, des syndicalistes joints par ‘’EnQuête’’, trouvent la hausse de 10 % du prix de l’électricité au Sénégal inacceptable.

La hausse des prix de l’électricité est restée en travers de la gorge des syndicalistes. En marge de l’atelier sur le contenu local, hier, le Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Forces du changement (Cnts/Fc) s’est prononcé sur cette question qui chagrine les ménages.

Pour Cheikh Diop, ce qui fait le plus mal, c’est la manière et le contexte dans lequel elle est intervenue. ‘’Il est difficile, dans un contexte marqué par le blocage des négociations sur l’augmentation généralisée des salaires dans le secteur privé, ainsi que la Convention collective nationale interprofessionnelle, de constater que l’Etat procède à des augmentations. Cela va de soi que nous n’allons pas l’accepter, car une hausse doit être accompagnée par l’amélioration du pouvoir d’achat des populations’’, souligne M. Diop, selon qui cette hausse va alourdir le pouvoir d’achat des travailleurs.

Pour Cheikh Diop, l’une des conditions avant toute augmentation des prix, c’est l’amélioration du pouvoir d’achat des Sénégalais.

Pour sa part, le président du Bureau exécutif de la Fédération sénégalaise des associations de consommateurs, Imam Youssoupha Sarr, estime que cette mesure les a pris de court en tant que défenseur des consommateurs. Il dit : ‘’On ne s’y attendait pas. Quand nous avons appelé le directeur, il nous a parlé des investissements très lourds ainsi que le prix du baril. Mais pour nous, ce qui importe, c’est que le coût de l’énergie ne doit en aucun cas augmenter.’’ Rappelant que le prix du baril du pétrole a eu à atteindre la barre des 140 dollars, mais l’Etat a toujours été là pour soulager les populations. L’Etat a, selon lui, d’autres possibilités, pour faire face à la conjoncture.

Nos interlocuteurs sont également revenus sur la passivité du mouvement syndical depuis quelques années. Le Sg de la Cnts/Fc rétorque : ‘’Notre principale préoccupation reste les intérêts des populations et des travailleurs. Les négociations se poursuivent toujours. C’est pourquoi nous ne pouvons cautionner certaines choses. Toutefois, il faut reconnaitre que les hausses vont avec la marche du monde. C’est la manière dont elles interviennent qui pose le plus problème.’’

Imam Sarr, lui, se défend en ces termes : ‘’Il faut reconnaitre que le cadre n’est plus le même. Le contexte non plus. Il y avait, à l’époque (2008) une crise énergétique grave. D’abord, il y avait une hausse de 17 % et on n’avait même pas l’électricité. Aussi, les gouvernants qui étaient là ne nous écoutaient même pas. Maintenant, les gouvernants nous écoutent et nous préférons le dialogue à la confrontation.’’

Dans tous les cas, semble prévenir Cheikh Diop, il faudra faire quelque chose pour soulager les travailleurs éprouvés. Dernièrement, signale-t-il, le patronat a posé des jalons importants qui restent toutefois à être matérialisés. ‘’Nous espérons que nous n’en arriverons pas à des empoignades. Il y a des choses que nous n’accepterons plus. Depuis 2009, il n’y a pas d’augmentation de salaires. Il faudra discuter sur les modalités d’augmenter les salaires de façon régulière, pour faire face à la dégradation du pouvoir d’achat’’.

MOR AMAR

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