Publié le 6 Dec 2015 - 22:08
LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

Les ‘’Batikières’’, savonnières et teinturières de la Médina montrent l’exemple

 

Des femmes d’un âge avancé qui font des émules à la Medina pour leur dynamisme. Ce sont ces ‘’batikières’’ et savonnières réunies au sein de la coopérative des femmes de la Médina. Elles passent pour des ‘’analphabètes’’, mais elles servent des arguments techniques pour présenter leurs projets. Elles ont acquis du savoir-faire, grâce à une série de formations. Elles exhortent les jeunes et les femmes à bannir tout ce qui est contre-productif.

 

‘’On ne peut développer le pays sans une implication effective et soutenue des femmes. Je passais mes journées à palabrer, à l’image des femmes de mon quartier. On n’a pas eu la chance d’aller à l’école, mais ma vie a beaucoup changé depuis que j’ai adhéré à l’association des femmes de la Médina. La contribution des femmes est de taille pour mettre le pays sur une rampe de développement ; cette  prise de conscience nous a incité à retrousser les manches.’’ Mme Marie Loum, la savonnière qui tient ses propos, a obtenu le grade de chef de production à force de ténacité. La dame, veuve depuis 2004, tient sur ses 61 hivernages, mais elle n’en demeure pas moins un modèle de dynamisme et de courage. Et elle affirme : ‘’Tant que je vivrai, je travaillerai, c’est un sacerdoce pour moi.’’

Cette dame, comme d’autres, n’avait jamais pensé exercer une activité génératrice de revenus dans une structure bien organisée, ce, à cause de son faible niveau d’instruction. Aujourd’hui, elle ressent la joie de pratiquer un métier et de retrouver une certaine dignité. Son activité consiste à fabriquer, avec d’autres femmes, des savons naturels qu’elle commercialise sur un marché jusque-là assez restreint. Et elle ajoute : ‘’Jamais je ne pouvais me faire à l’idée que je serais capable de mener une telle activité. Je n’étais pas en mesure, il y a quelques années, de trouver des arguments valables pour communiquer avec l’extérieur. Aujourd’hui, je me réjouis de confectionner des savons naturels à base de produits bio et de représenter le Sénégal à des foires organisées dans la sous-région. Nous proposons des savons de meilleure qualité que ceux proposés par les savonneries industrielles. Nous faisons aussi des recherches pointues sur ce que font nos concurrents. Notre savon est plus économique, il s’acquiert à un prix abordable.’’

Une démarche qui a transformé sa vie et celle de sa famille, même si son fils aîné, un ingénieur dans les bâtiments, l’a toujours épaulée. Elle parle aujourd’hui d’innovation, de planification de projet et de capital, suite à des formations les familiarisant avec des méthodes de production des savons avec des ‘’design’’ assez originaux. Tout l’intérêt, dit-elle, de l’instruction ou de la formation. ‘’Nous exhortons toutes les femmes à apprendre, à cesser les parlottes et à se mettre à l’action. Le développement local passe par les femmes.’’

‘’Le travail anoblit l’humain’’

Une position partagée par sa collègue Mme Diarra Touré, qui a été encouragée dans ce créneau par son mari. ‘’C’est à 40 ans que j’ai décroché mon premier boulot. C’est à la suite de formations intensives que je suis devenue opérationnelle. Le travail anoblit l’humain et je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de sot métier, qu’on peut transcender l’analphabétisme et le chômage’’, confie cette dame, qui est parvenue à surmonter sa timidité, à travers ses activités professionnelles. Ces savonnières sont membres de l’Afeme. Elles font aussi partie des 200 femmes de la ville de Dakar qui ont bénéficié d’une formation visant à promouvoir l’entrepreneuriat féminin sur l’angle de l’économie sociale et solidaire. Un programme qui cadre avec les objectifs du millénaire pour le développement (Omd). Il était question, avec l’appui du réseau Siggil Jigéen, de contribuer à l’amélioration des produits de savonnerie et textile, pour plus de valeur ajoutée. Leur participation aux journées de plaidoyer pour l’entrepreneuriat féminin et l’autonomisation des femmes auprès des collectivités locales de Dakar et la Direction des organisations féminines et de l’entrepreneuriat féminin  a été un atout pour elles.

Elles ont pu bénéficier, dans le cadre de ce projet, d’un financement de la Mairie de Barcelone à hauteur de 18 millions, avec comme objectif majeur d’améliorer le tissu économique, les capacités productives et la diversification d’initiatives économiques durables des femmes de la ville de Dakar, mais elles souhaiteraient disposer d’un appui technique et financier du gouvernement sénégalais pour relever de nouveaux défis et de vendre leur produit au niveau national et international.

Si pour les savonnières, le défi à relever réside dans l’emballage, pour leurs collègues ‘’batikières’’ et teinturières traditionnelles, l’Etat doit songer à subventionner leurs activités pour donner un sens au concept d’autonomisation des femmes, levier sûr pour atteindre l’émergence. ‘’Les femmes constituent plus de la moitié de la population. Elles ont besoin d’être soutenues pour être de vraies actrices du développement. Nous ne voulons plus être des consommatrices passives. Le temps est à l’action. Grâce aux activités développées et aux différentes formations, nous ne nous lançons jamais dans une activité qui ne soit pas rentable, nous sommes en mesure de planifier nos projets et de réaliser une étude de marché.’’

‘’Il faudrait que les Sénégalais se fassent aussi à l’idée qu’il y a du travail dans ce pays’’

Pour la présidente de l’association des ‘’batikières’’ de la Médina, Mme Aminata Diagne, le renforcement des capacités des femmes est le meilleur raccourci pour atteindre l’émergence et conduire à des transformations sociales. ‘’Il faudrait que les Sénégalais se fassent aussi à l’idée qu’il y a du travail dans ce pays. Ils doivent accepter de développer leurs capacités pour contribuer à la création de richesses et d’opportunités. Qu’ils acceptent de s’instruire, de se former et de travailler. ‘’Penda Diop fait en effet partie des femmes qui se sont lancées dans des activités de teinturerie et de batik. Elle se réjouit d’avoir intégré cette association de femmes qui a impacté positivement sur sa vie. ‘’Nous créons des modèles batik. On apporte de la plus-value dans nos foyers. Durant les grandes fêtes religieuses, par exemple, on n’est plus tenue de renouveler notre garde-robe. On s’offre du neuf en retapant les vieux habits de la famille.’’

Ces femmes évoluant dans les filières savonnerie, textile et lingerie ont été équipées en balance précision, table de coupe, moule, estampeuse, placard de rangement, accessoires et autres matériels de service, mais leurs moyens restent très limités.

AIDA DIÈNE

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