Publié le 5 Dec 2018 - 05:39
LUTTE CONTRE VIH/SIDA

Le Sénégal démarre l’autotest salivaire

 

 Toute personne qui veut connaitre son statut  sérologique peut le faire à travers un autotest du Vih. Mais seul l’autotest salivaire est actuellement autorisé par l’Organisation mondiale de la santé pour mieux lutter contre cette pandémie au Sénégal, au Mali et en Côte d’Ivoire, avec un budget de 15 millions de dollars.

 

Il n’est plus nécessaire de se rendre dans une structure de santé ou un centre pour faire un dépistage du Vih/sida. Tout peut se faire sur place.  Chaque individu, au Sénégal, peut connaitre son statut, en faisant  l’autotest Vih.  Un autotest salivaire est autorisé maintenant au Sénégal. L’annonce a été faite, hier, lors du démarrage des 2es Journées scientifiques du sida au Sénégal par les autorités. 

Selon la responsable du projet  Atlas au Sénégal, Docteur Diallo Sanata, jusqu’ici, pour connaitre son statut dans la lutte contre le sida, on était obligé de passer par quelqu’un qui prélevait le sang et donnait le résultat. Avec l’autotest, a dit Dr Diallo, ils veulent apporter aux populations qui n’ont pas le courage de sortir pour se dépister, cet outil. ‘’C’est comme un test de grossesse ; la personne peut faire elle-même son test et lire, au bout de 20 minutes, le résultat. C’est une vraie innovation. La personne n’est  pas obligée de passer par quelqu’un d’autre pour se faire dépister’’, a expliqué le Dr Diallo.

A l’en croire, le projet est à la phase préliminaire. Ils sont en train de travailler sur l’environnement, sur les enregistrements pour pouvoir faire entrer le test dans le pays et sur toute la réflexion avec le pays sur comment ils vont  faire.  ‘’On commence à distribuer  réellement les autotests à partir de mars 2019. L’objectif est de distribuer pour le Sénégal environ 70 mille tests. Nous allons travailler avec Enda-Santé. Nous allons construire ces projets sur les leçons apprises, pour ne pas commettre des erreurs. Il y a les populations clés de première ligne et celles de deuxième ligne. La deuxième ligne, ce sont les personnes qui ne se reconnaissent pas comme populations clés. Donc, nous passons par celles qui se reconnaissent comme populations clés pour atteindre les autres qui sont cachées’’, a-t-elle soutenu.

Actuellement, ils ont commencé avec le test salivaire. Dans la procédure, a dit le docteur Sanata Diallo, la pratique est très simple : c’est avec une spatule qu’on fait tourner dans la bouche et après on l’introduit dans un liquide de réactifs. ‘’Il y aura des méthodes de communication pour expliquer quel que soit le niveau. Nous allons mettre l’accent sur tout ce qui est audio et vidéo pour montrer la démonstration. Il y a une vidéo qui est en train d’être traduite en wolof pour que les populations sénégalaises puissent s’approprier’’, a souligné le médecin. Les pairs éducateurs seront également formés pour pouvoir, dans le cadre de la supervision, faire le ‘’counciling’’.  Mais avant de pratiquer le test pour ceux qui ont peur, il y aura un counciling post-test. Maintenant, si le test est réactif, il faut aller dans un centre de santé pour faire la confirmation.  ‘’Le plus important est que les gens qui sont infectés le sachent. La matière qu’ils vont utiliser pour se prendre en charge, on ne la maitrise pas pour tout le monde. Le budget pour les trois pays y compris la recherche, c’est 15 millions de dollars’’.

‘’Avec ce test, on peut atteindre le premier 90’’

Ce test intervient dans un contexte où, au Sénégal, plus d’un quart de personnes vivant avec le Vih ignorent leur statut sérologique. C’est pourquoi, a dit le médecin, il est indispensable de diversifier l’offre de dépistage pour atteindre les 90-90-90 de l’Onusida (90 % des personnes séropositives connaissent leur statut, 90 % des personnes dépistées positives au Vih ont accès aux traitements, 90 % des personnes sous traitements ont une charge virale indétectable d’ici à 2020).   ‘’Avec ce test, on peut atteindre le premier 90. On a espoir, mais ce n’est pas une seule personne qui va y arriver. Il faut qu’ensemble on s’adapte aux réalités du pays. Il y a beaucoup d’obstacles à lever, la stigmatisation, la discrimination. Nous devons réfléchir sur comment y arriver, parce que c’est un facteur important. On commence par le test salivaire, parce qu’il est le seul recommandé par l’Oms aujourd’hui. Nous suivons les règles internationales de l’Oms’’.

Ce projet Atlas, a dit le docteur Sanata Diallo, va être intégré dans les systèmes de soins du pays. Il intervient dans trois pays : le Sénégal, le Mali et la Côte d’Ivoire. ‘’Au départ, pour le projet, on avait proposé une dizaine de pays. Mais c’est le bailleur de fonds avec un budget, ils ont restreint jusqu’à trois pays et le Sénégal a été choisi’’, a expliqué le Dr Diallo. Au Sénégal, les régions de Thiès, Dakar et Ziguinchor sont ciblées pour ce projet pour une durée de trois ans. Ces zones ont été choisies à cause de la forte concentration des populations clés.

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PROJET PILOTE

Dakar et Ziguinchor testées

Les régions de Dakar et Ziguinchor ont été choisies pour tester l’introduction et l’acceptabilité de l’autotest auprès des populations. Mais le principal défi, selon les acteurs de la lutte, réside dans le dépistage des mineurs.

VIVIANE DIATTA

Pour une meilleure mise en œuvre du projet Atlas, une phase pilote a été démarrée depuis un an dans les régions de Dakar et de Ziguinchor. Selon le directeur  exécutif d’Enda-Santé, Daouda  Diouf, c’est  un  projet  pilote   qui  test   l’introduction  et  l’acceptabilité   des  autotests  auprès  des  populations.

‘’Depuis que  nous  l’avons     commencé,  nous   avons  un   important   résultat  avec  un  taux  d’acceptabilité  de  93 %     et  plus  de  1 700 personnes  ont   été  dépistées ; 75 ont été positives et mises sous traitement,  et  89 %   parmi  elles  sont  favorables  à  ce  qu’on  distribue  le  test   à  leurs  partenaires. Ici,  nous  cherchons  à  résoudre  un  problème  que  nous  avons  dans  tous  les  pays  de  l’Afrique  de  l’Ouest,  le  Sénégal  y  compris,  qui  est  l’atteinte  du  premier 90’’, a expliqué M. Diouf. 

Pour le directeur exécutif d’Enda-Santé,  le  test  ne  doit  pas  être  isolé.  ‘’Beaucoup   pensent  que  parce  que  le  test  se  fait   par  la  personne  concernée  et  que  c’est  dans  la  bouche que  c’est  anodin.   Mais  cela  reste  toujours  un    test  de  dépistage  du  Vih. Seulement,  lorsque  les  personnes  sont  dépistées  et  que  c’est  positif, il  faut  que  cela  soit  confirmé  au  niveau  des  laboratoires’’, a-t-il précisé.

 En effet, une fois  que  la  confirmation  est  faite  et  que  la  personne  est  positive, il  faut  la  mettre   sous  traitement.  Mais cela  ne  suffit  pas,  a dit M. Diouf, il  faut  assurer  le  suivi  pour  une  prise   régulière  du  traitement  et   éliminer  la  charge  virale.   Ceci  va  réduire  la  chaine  de  transmission  et  permettre  à  la personne  de  vivre  comme  une  personne  non-infectée. Par rapport   à  la  prise  en  charge, les  traitements  sont  disponibles  au  Sénégal  et  sont  gratuits.  ‘’Ce  qu’il  y  a,    c’est   que    s’il  y  a des  personnes  qui  sont  dépistées  positives  et  ne  reviennent  pas   pour  le  traitement,  cela  pose  problème. A  ce  niveau, les  prises  en  charge communautaires  sont  importantes  pour  persuader  de faire  le suivi’’. Selon lui,  la  recherche  des  perdus  de  vue  est  l’affaire  des  Ong  et  des  agents  communautaires. Le  système  de  santé  ne  peut  pas  le  faire. Dans  le  cadre  de  cette  recherche, dit-il,  les  structures  sont  souvent  confrontées  à  des  problèmes  d’ordre  économique et   de  la  stigmatisation. ‘’Tous  ces  obstacles  sont  à  résoudre   pour  permettre  aux   populations de  se  déplacer  régulièrement’’.   

‘’Les barrières judiciaires ne permettent pas de dépister les mineurs’’   

 De l’avis de M. Diouf,  il   y  a de  nouveaux défis   à  relever.   Il s’agit des jeunes. Depuis  un  certain  temps, souligne-t-il,  ils ont  un  peu  ralenti  la communication et  il  faudra  recommencer  pour  atteindre    beaucoup  plus  de  jeunes. ‘’Il  y  a  une  catégorie  de   la  population   que sont les  adolescents  jeunes  qu’il  faut   atteindre, d’autant  qu’il  y  a  les  nouveaux  canaux  de  communication  comme  les  réseaux  sociaux. Etre   mineur   n’exempte  pas   du  Vih/sida   et  nous  avons  des  barrières   juridiques  qui  ne  permettent  pas   de  dépister  les  mineurs.  Il   faut   qu’on  réfléchisse  au  Sénégal.  En  Côte d’Ivoire,  ils  ont  baissé  l’âge  même  de  l’autotest  à  16  ans’’, a-t-il plaidé. Toutefois, il a soutenu que cela  doit  être  encadré.   Car, pour lui, toucher  les  jeunes, c’est  les  préserver.  ‘’Il  faut  qu’on   s’entende,  parce  qu’on a  une fenêtre   pour  éradiquer  le  sida,  si  on  touche  la  cible  jeune’’.

A en croire Daouda Diouf, l’autotest du Vih permet à chacun de connaitre son statut discrètement quand on le décide.  Il offre la possibilité, s’il est négatif, d’accéder à la prévention et s’il est positif, d’accéder à un traitement précoce garant du meilleur pronostic vital. ‘’Il permet de démédicaliser le dépistage et donc d’accéder à un plus grand nombre de personnes’’.           

VIVIANE DIATTA

                                                      

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