Publié le 30 Sep 2016 - 21:39
LUTTE - MONTAGE DES GRANDES AFFICHES PAR LES PROMOTEURS DE SECONDE ZONE

L’envol de PAF et d’Assane Ndiaye

 

La montée en puissance de la nouvelle vague de promoteurs tels qu’Assane Ndiaye et Pape Abdou Fall dans l’organisation de grandes affiches de l’arène est un état de fait normal, à en croire des acteurs de la lutte sénégalaise. Décryptage.

 

Certaines grandes affiches de la lutte sont depuis quelque temps organisées par des promoteurs qui, jadis, étaient classés dans la deuxième catégorie des monteurs de combats. Gris Bordeaux - Modou Lô (2016) est passé entre les mains de Pape Abdou Fall de PAF Productions. Il a déjà noué Gouye Gui - Boy Niang 2 pour le 1er janvier 2017 et prévoit d’autres chocs de grande envergure. Assane Ndiaye de Baol Productions a, lui aussi suivi cette vague en montant son premier combat entre ténors de l’arène, notamment le choc royal Bombardier - Eumeu Sène, prévu pour la saison prochaine. Tout en préparant aussi d’autres alléchantes affiches. Car il estime qu’il ‘’a grandi’’.

 Ces 2 promoteurs étaient plus connus dans l’organisation des combats de lutteurs se trouvant dans l’antichambre des ténors ou espoirs de l’arène sénégalaise. Mais ils semblent avoir pris leur envol pour rejoindre le cercle fermé des grands promoteurs, à l’image de Gaston Mbengue, Alioune Petit Mbaye, Luc Nicolai, Aziz Ndiaye… qui, jadis, faisaient du montage des grandes affiches leur chasse gardée. Aujourd’hui, les cartes semblent être redistribuées dans ce domaine.

‘’Il n’y a pas de promoteurs de seconde zone. C’est la même licence de 500 000 francs CFA qui est vendue à tous. Les combats sont ficelés à partir d’un montage financier. Ils cherchent des partenaires et des sponsors pour les organiser’’, réagit le président des lutteurs en activité Khadim Gadiaga. Ce dernier estime  que ce nouvel état de fait est une ‘’très bonne chose’’ pour l’arène, car ça permet à ses pairs de ne pas chômer et ‘’félicite’’ d’ores et déjà les promoteurs Pape Abdou Fall et Assane Ndiaye pour s’être lancés sur cette voie.

Expérience et carnet d’adresses

Le second promoteur cité plus haut soutient que cela entre dans une logique de continuité de sa carrière. Car auparavant, il n’avait pas les moyens actuels qui lui auraient permis d’organiser une telle grande affiche. Cette année, sa structure a gagné la confiance de nouveaux partenaires qui ont conduit Modou Lô et Bombardier, deux ténors de l’arène, à signer pour le compte de Baol Productions.         

Abdoulaye Dembélé, journaliste au quotidien spécialisé en lutte, Sunu lamb, reconnaît que ces promoteurs de 2e division ‘’ont appris en expérience et ont enrichi leur carnet d’adresses pour en arriver là’’. D’ailleurs, quelqu’un comme ‘’Aziz Ndiaye qui a dominé l’arène ces 3 dernières années a lui aussi bourlingué. Il a commencé par les petits combats et a appris derrière Gaston Mbengue, Luc Nicolaï et autres’’, note-t-il. Avant d’ajouter que les promoteurs du genre d’Assane Ndiaye sont bien outillés pour se lancer dans le montage des combats chocs. ‘’Tout promoteur qui organise ces genres d’affiches, c’est parce qu’il a les annonceurs qu’il faut’’, analyse le journaliste.

‘’Les partenaires ont besoin de visibilité. Si les autres (promoteurs) ne sont plus dans les dispositions d’organiser de grandes affiches au moment où d’autres peuvent le faire, ils vont naturellement vers eux’’, reconnaît le journaliste sportif de la Sen Tv Malick Thiandoum. Pour lui, ‘’les grandes affiches sont très fortement médiatisées et constituent en conséquence une vitrine pour les annonceurs’’.

Descente aux enfers pour certains gros promoteurs ?

Cependant ces sponsors, et pas des moindres, se font désirer ces dernières années dans la lutte. Avec comme argument de leur retrait la violence qui mine l’arène sénégalaise.  Cet isolement a entraîné par ricochet le déclin de certains grands promoteurs dans l’organisation des combats chocs. Le promoteur Gaston Mbengue, qui se considère comme celui qui a amené la lutte sénégalaise où elle est aujourd’hui, estime qu’il n’a pas eu un retour financier positif. Car il a eu à prendre ‘’beaucoup de risques’’ dans le montage de ses combats. Ce qui a conduit présentement, selon lui, à ‘’la faillite’’ de sa structure Gaston Productions.

Quant à Luc Nicolai, ‘’il est dans les dispositions pour revenir et organiser des grands combats’’, n’eût été ses déboires judiciaires, témoigne Malick Thiandoum. Ce promoteur était cité dans une affaire de stupéfiant qui l’a mis en mal avec la justice sénégalaise. ‘’Tel que je le connais, il est un homme de défi et est prêt à investir de grosses sommes pour les grands lutteurs. Mais malheureusement, il y a un blocage systématique avec cette histoire de justice’’, estime cet observateur assidu de la lutte.

Aziz Ndiaye par contre, a décidé de changer de format dans l’organisation des grandes affiches. Parce qu’estimant n’avoir plus rien à prouver dans cet exercice, explique Abdoulaye Dembélé. Avec ‘’2 ou 3 combats événementiels par saison, en invitant des acteurs de la culture et du show biz’’,  le tour est joué pour lui.

Ce renouvellement dans l’organisation des grandes affiches n’exclut pas pour autant d’autres jeunes promoteurs du sérail, même si beaucoup d’entre eux soutiennent qu’ils ne sont pas encore prêts pour relever de tels défis. ‘’Si cela va dans l’intérêt de la lutte, il n’y a aucun inconvénient qu’un certain Moustapha Kandji, ou Fallou Ndiaye qui n’a que deux ans dans l’arène, n’atteignent le sommet pour organiser un combat de grande envergure’’, souligne le journaliste de Sunu lamb.

Le retrait des sociétés de téléphonie mobile

Quoi qu’on puisse dire, l’arène sénégalaise détient les ingrédients pour attirer les gros sponsors : le public, les médias, l’aspect culturel… Cependant, ‘’le problème fondamental de la lutte sénégalaise est le retrait malheureux des sociétés de téléphonie mobile’’, note Abdoulaye Dembélé. Ces bailleurs permettaient aux promoteurs d’avoir un budget beaucoup plus important pour monter les combats de ténors. Mais elles ont récemment déserté la lutte, sous prétexte que l’image véhiculée dans cette discipline par certains individus est négative. Et même les grandes affiches, qui génèrent de grosses publicités, n’ont pas réussi à les faire changer d’avis pour le moment.

Pour Malick Thiandoum, l’explication est juste que ces gros sponsors ‘’ont atteint leurs objectifs dans la lutte et il leur fallait changer de cible’’. La violence était ainsi un beau prétexte, mais elle n’est pas l’apanage de la lutte’’, soutient l’animateur d’émissions de lutte à Sen Tv. Toutefois, Thiandoum est confiant quant à leur retour. Car depuis l’année dernière, il note de bonnes ‘’prémices’’ dans l’arène qui est en train de se débarrasser de son insécurité. Les combats Lac de Guiers 2 - Yékini et Modou Lô - Gris Bordeaux ont enregistré de très grosses affluences et ont montré des signaux positifs, illustre-t-il. Ces paraboles parachèvent le nouvel ‘’envol’’ pris par la lutte sénégalaise, indique-t-il. Les grosses affiches, qui manquaient la saison dernière, à cause de la crise qui planait sur l’arène, sont devenues de vieux souvenirs maintenant. Car les ténors de la lutte, qui n’ont pas encore de combat, sont convoités actuellement par des promoteurs, parmi lesquels Pape Abdou Fall et Assane Ndiaye. Ces derniers ont carrément exprimé leur intérêt pour organiser de telles affiches.

Précarité de l’actuel modèle économique de l’arène

Gaston Mbengue se réserve de s’exprimer sur le sujet concernant le nouvel envol des promoteurs de seconde zone. Pour sa part, il ne se sent plus disposé à investir certaines sommes colossales pour les lutteurs. Cette situation a rendu ces derniers un peu plus réalistes. Les ténors surtout. Ils sont devenus plus souples sur certains cachets exigés aux promoteurs. ‘’Ils ont compris que l’actuel modèle économique de l’arène n’est pas trop viable’’, souligne Abdoulaye Dembélé de Sunu lamb. Ce qui a peut-être donné des ailes à Pape Abdou Fall et à Assane Ndiaye.

Dans le montage du combat Bombardier-Eumeu Sène, le patron de  Baol Production a récemment indiqué dans la presse qu’il n’était le ‘’prête-nom de personne’’. Cela veut dire que sa structure a trouvé ses propres astuces pour avoir ce qu’il faut à cette affiche. Par contre, le promoteur n’a pas voulu s’avancer sur le montant des cachets payés aux deux lutteurs quand EnQuête lui a posé la question. Certaines indiscrétions parlent, par contre, de 80 millions pour chaque athlète. ‘’Je ne suis pas encore sûr si c’est leur vrai cachet. Ça peut être moins que ça pour Eumeu Sène. Bombardier qui avait touché 100 millions contre Modou Lô pourrait accepter de lutter pour 80 millions. Je n’y crois pas trop, car il est le roi des arènes. Mais s’il a envie de lutter, car il a connu une saison blanche, il ne peut pas cracher sur une somme aussi colossale’’, analyse le journaliste du quotidien Sunu lamb.

OUMAR DEMBELE (STAGIAIRE)

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