Publié le 23 Jul 2012 - 22:46
MÉCOMPTES SUR LE MARCHÉ FINANCIER

Pourquoi la crédibilité du Sénégal est en berne

 

L'échec essuyé par l'État du Sénégal dans la cession de bons du Trésor, entre le 4 et le 12 juillet dernier, est la résultante de plusieurs facteurs : impréparation, amateurisme et méfiance vis-à-vis des argentiers du pays.

 

Wade a beau avoir une grande responsabilité dans la morosité économique actuelle du Sénégal, les nouveaux tenants du pouvoir ne sont pas exempts de tout reproche. Le ministre de l'Économie et des Finances et son collègue du Budget ont à voir dans la méfiance des investisseurs vis-à-vis du pays. A preuve, l'échec de l'émission de bons du Trésor lancée le 4 juillet et adjugée le 12 du même mois, révélé par le journal Le Quotidien, jeudi dernier. S'attendant à décrocher les 25 milliards recherchés, le gouvernement sénégalais s'est retrouvé avec seulement un peu plus de 6 milliards F Cfa (plus exactement 6,252 milliards F Cfa).

 

Il ressort à la lecture du procès-verbal d'adjudication que le montant global des soumissions s'élève à 16,752 milliards, mais l'émetteur a dû rejeter 10,5 milliards ; sans doute parce les conditions posées par les investisseurs concernés n'agréent pas l'État du Sénégal. C'est là un camouflet pour les gestionnaires de l'économie sénégalaise, et ils ne devraient s'en prendre d'abord qu'à eux-mêmes, même s'il y a d'autres raisons, d'après des sources ayant une connaissance de la procédure en question.

 

Selon nos interlocuteurs, contrairement à ce qui se faisait, les Finances ont mis la charrue avant les bœufs en lançant l'offre avant d'avoir initié un tour de table en off avec les banques surtout de la place, pour s'assurer de leur participation effective et du niveau de leur engagement. Il s'y ajoute que le délai de paiement proposé (3 ans) a été jugé long par plusieurs investisseurs potentiels, alors que le régime précédent fixait généralement la barre à un ou 2 ans. ''Le rallongement de l'échéance de paiement, dans un contexte de déficit lourd (+ de 6% du PIB) et d'une dette de 700 milliards à payer, est un signe qui trahit un manque de solidité économique'', soulignent nos sources.

 

En somme, il y a eu une impréparation que le Sénégal a payée cash en récoltant petit. Et d'ailleurs, échaudés par cette mauvaise expérience, les argentiers ont changé les données dans la cession de bons du Trésor en cours depuis le 19 juillet et dont la date limite de dépôt des soumissions est fixée au 26 juillet. Alors que pour la précédente offre l'échéance de paiement est de 3 ans pour un taux d'intérêt plafonné à 6,25%, la procédure en cours indique un délai de règlement de 364 jours (un an donc) avec une offre de taux d'intérêt ''multiple''. L'État sera-t-il plus heureux ?

 

Le duo Amadou Kane - Abdoulaye Daouda Diallo en question

 

En tout cas, d'autres facteurs et non des moindres pourraient jouer en défaveur de la signature du Sénégal. Outre la dégradation de la note du pays en ''perspective négative'' à propos de la dette souveraine et du crédit financier décidé par l'agence de notation Standard & Poor, comme l'a révélé Le Quotidien ce week-end, la personnalité du duo qui tient les rênes de l'économie sénégalaise pèserait tout de même sur la balance.

 

Produit du milieu bancaire, dont il a été le dirigeant d'une grande banque, l'actuel ministre de l'Économie et des Finances, Amadou Kane inspirerait de la méfiance chez ses anciens concurrents ; ''ils n'excluent pas que M. Kane puisse transmettre des informations à sa banque d'origine'', souffle un de nos interlocuteurs. Cela remet sur la table les risques de conflits d'intérêts liés à certaines nominations dans le gouvernement et parmi les collaborateurs du président Macky Sall. Quant à son tandem du Budget, il s'est rendu coupable d'une telle imprudence en déclarant, au sortir du premier raout gouvernemental, que ''les caisses de l'État sont vides''.

 

Ce faisant, Abdoulaye Daouda Diallo a fait preuve d'un amateurisme élémentaire dans sa position et pour un officiel de son rang, car son propos n'a rien de rassurant pour des investisseurs soucieux avant tout de la sûreté du retour sur leurs  mises. Le duo doit très vite donner des gages de crédibilité pour ramener la confiance. Le résultat de la prochaine adjudication des bons du Trésor en donnera une mesure.

 

Bachir Fofana

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