Publié le 5 Apr 2016 - 20:48

Macky crie encore victoire, mais…  

 

A la veille de la fête d’Indépendance, le président de la République a adressé un discours à la Nation, mais, en sous texte, le chef de la coalition politique a célébré son triomphe au lendemain du référendum du 20 mars.

 Du coup, la tension électorale qui a marqué le pays ces derniers jours a déteint sur le discours presidentiel.

Sa légitimité était engagée, et Macky Sall a voulu dissiper toute ombre sur sa victoire politique. “L’adoption de cette réforme historique marque une adhésion sans appel…’’ dit-il.

 Ce n’est pas un hasard si le Président reprend à son compte l’argument d’historicité et celui de l’adhésion populaire comme deux piliers massifs de son discours. Justement, ce sont sur deux points qui donnent à sa victoire un arrière-goût amer.  Comparé à l’ampleur des moyens débauchés, ce référendum est celui qui aura le moins d’impact sur le système institutionnel sénégalais. La plupart de ses détracteurs soutiennent que le niveau des réformes proposées ne méritait pas une consultation électorale à coup de milliards. La voix parlementaire aurait été mieux indiquée. Au rapport qualité/prix, le Sénégal est perdant sur la marchandise.

  Macky Sall jubile sur ‘’l’adhésion sans appel à sa réforme’’. Un léger recul du Chef de l’Etat lui aurait sans doute permis de s’arrêter sur le fort taux d’abstension et l’ampleur du “NON” qui constituent un sérieux bémol à sa vctoire. Avec environ 60% d’abstention et près de 40% d’électeurs ayant voté contre, Macky Sall “oublie’’, un peu vite, qu’il a proposé aux Sénégalais la Constitution la plus impopulaire de notre histoire politique.

Par la suite, comme un leitmotiv, le Président a martelé trois fois, en seulement trois paragraphes, “en disant Oui, le peuple souverain a décidé de…”

Visibliment, Macky Sall savoure cette légitimé populaire renouvelée, à mi-mandat, comme un indicateur de sa bonne cote politique, malgré l’insidieux travail de sape de ses opposants.

En chevalier du OUI, le président brandit cette imparable “souveraineté populaire”, comme un manteau de velours dont il se pare “pour consolider l’Etat de droit, approfondir les acquis démocratiques, moderniser notre système politique…”

“Le référendum est l’expression la plus achevée du libre choix des citoyens. C’est la parole du peuple faite loi”, évoque-t-il. Aucun obstacle ne se dresse désormais devant la souveraineté populaire, dont il est réinvesti.

Pourtant, maître du jeu, le Président compte impliquer les différents acteurs du système politique dans les réformes. “En concertation avec toutes les parties prenantes, le gouvernement prendra les dispositions nécessaires à la mise en œuvre diligente de la réforme’’, promet-il. Faut-il y voir une tentative de rattrapage? L’un des principaux reproches fait au texte de Macky Sall par la classe politique, c’est l’absence de concertation.

Mais l’opposition attend Macky Sall au tournant. Le climat politique est si vicié qu’il est quasi-impossible d’initier un dialogue politique saint…

En attendant que la poussière du référendum retombe, le chef de l’Etat va s’attaquer à d’autres réformes pour, dit-il, une “administration plus efficace dans ses résultats”. Déjà, en 2013, Aminata Touré alors Premier ministre insistait sur la nécessité d’injecter dans la fonction publique sénégalaise la culture de la gestion axée sur les résultats (Gar). Mais la volonté politique n’est pas allée plus loin que de l’audit physique et biométrique des agents de l’Etat.

En réalité, malgré le ton triomphant de son discours, Macky Sall n’est pas insensible à l’ampleur du suffrage négatif. 2019, c’est dans trois ans. Avec le référendum, le Président s’est fait une idée de la vague de mécontentement. Et pour lui, la réforme de l’administration publique est urgente. Car il n’a pas encore sur la table un bilan qui lui garantira une réelection d’office au premier tour.

Avec le Pudc (le Programme d’urgence de développement communautaire), confié au Pnud, organisme onusien, Macky Sall a démontré le peu de crédit qu’il place dans l’Administration sénégalaise. D’où l’urgence d’en faire une machine capable de générer des résultats électoralement probants… La conquête du people du “NON” passe donc par de profondes réformes.

Abdou Rahmane MBENGUE

 

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