Publié le 1 Sep 2012 - 17:49
MACKY SALL / ABDOUL MBAYE

Le contrôle des audits, pomme de discorde entre le Président et son PM

Une guerre impitoyable a lieu au sommet de l’État. Enjeu : le contrôle de la conduite des audits. Et pour plusieurs raisons dont certaines inavouables, le Premier ministre ne veut point que le dossier lui échappe. D'où le blocage, nettement perceptible.

En tentant d'ouvrir un débat public à travers la fameuse question ''Où va Macky Sall ?'', EnQuête veut simplement être utile aux Sénégalais, aux institutions de la République et à la démocratie. Or, il se trouve des esprits malins, plutôt proches de la Primature, capables de se substituer nominalement à des journalistes pour venir décréter à longueur de colonnes une ambiance conspirationniste contre Abdoul Mbaye dans la presse sénégalaise. C'est des histoires à la petite semaine !

 

En réalité, et comme EnQuête l'envisageait très sérieusement dans l'article cité ci-dessus, il y a une divergence fondamentale qui, présentement et depuis plusieurs mois, oppose le Président de la République à son Premier ministre. L'enjeu de la bataille : le contrôle des audits.

 

Tout le monde dans ce pays a remarqué une chose : les audits, ça ne bouge pas ! On parle bien autant de ceux promis par Macky Sall, candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar, au cours de sa longue campagne électorale pour la présidentielle du 26 février 2012, que de ceux engagés sous l'ancien régime par l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) et l'Inspection générale d’État (IGE). En juillet dernier, le chef de l’État avait pourtant assuré que : ''Les audits vont démarrer puisque j'ai signé enfin le décret qui va organiser le cadre dans lequel ils se feront.'' Il avait précisé aussi, comme pour écarter toute velléité de chasse aux sorcières, qu'il s'agit d'''audits de gestion'' et non de ''régime''. Mais depuis, c'est le calme plat.

Pourquoi rien ne bouge ? Selon nos informations, le ''conflit de compétences'' entre les deux pôles de l’Exécutif tient au fait que Abdoul Mbaye veut avoir un droit de regard sur la conduite des audits en tant que chef du gouvernement. L'une des causes du ''rythme lent'' qui est reproché au Président de la République trouve en partie explication à ce niveau. La détermination du Premier ministre a été telle que Macky Sall s'est résolu à créer de toutes pièces, et en vitesse, une structure appelée ''Comité des audits'' dans le ''Secrétariat'' duquel siègent, outre M. Mbaye, des ''contrôleurs'' que sont l'IGE, la Cour des comptes, la Cellule nationale de traitement de l'information financière (Centif). Ce compromis présidentiel a fait suite à deux événements : le souhait, inabouti, de la Primature de commettre un cabinet d'experts pour mener lesdits audits, d'une part, et la disponibilité incontournable des organes de contrôle étatiques pour tout ce qui touche aux deniers publics, d'autre part.

Mais pourquoi cette bataille feutrée au plus haut sommet de l'État, à laquelle l'opinion n'est point convoquée ? En fait, croit savoir EnQuête, il s'agit d'une guerre impitoyable entre tribus rivaux arrimés à des réseaux affairistes incrustés dans le pouvoir. Le Premier ministre Abdoul Mbaye est un des acteurs principaux de cet affrontement parce qu'il polarise d'importants centres d'intérêts à la fois économiques, financiers et politiques. A son niveau, une double préoccupation : protection et positionnement. En même temps qu'il tente d'asseoir les bases d'une reconversion ''professionnelle'' dans la politique, il affirme une volonté de servir de soupape de sécurité à des pontes que tout audit transparent épinglera sans coup férir. D'où l'incompréhension légitime que l'on peut avoir face à un chef de gouvernement qui attache un si grand intérêt à l'orientation des audits, pierre angulaire des promesses de gouvernance vertueuse de Macky Sall, alors que les défis pressants de la prise en charge des priorités de la demande sociale des Sénégalais interpellent à chaque heure.

L'autre front de blocage des audits réside au cœur même de la présidence sénégalaise. On connaît les contraintes qui pèsent sur le chef de l’État sur ce dossier sensible, elles sont essentiellement politiques. En effet, Macky Sall a déjà dit assumer sa part de responsabilité de la gouvernance calamiteuse de Wade. Ça s'arrête là car la stature qui est la sienne depuis le 25 mars 2012 en fait un intouchable. C'est autour de lui que les velléités de mettre la main sur les audits, au propre comme au figuré, ne sont pas toujours en phase avec le discours officiel. Il existe effectivement un clan qui, comme celui du Premier ministre, empêche le travail de clarification et de sanction promis par le chef de l’État. EnQuête ne citera pas de nom (même s'il en a), mais des hommes d'affaires, des politiques, des avocats d'affaires, des ''experts anti-corruption'' (c'est un euphémisme !), s'attellent à rendre impossible la mise en œuvre de vrais audits. Or, ici réside toute la crédibilité de Macky Sall.

Face à des coteries qui n'ont de légitimité que celle déléguée par le vainqueur des suffrages populaires, le Président de la République, avec le courage qu'il a eu de mettre un terme au machin Sénat, a les moyens de mettre de l'ordre dans le grand désordre organisé qui, en haut lieu, tente de bloquer l'émergence d'une République transparente, irréprochable et vertueuse sur notre territoire national. S'il laisse faire, les grands vautours qui ont infiltré le cœur du pouvoir n'hésiteront point à l'ensevelir quand il le faudra...

 

 

MOMAR DIENG

 

 

 

 

 

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