Publié le 29 Jun 2018 - 01:49
MADIAKHATE NIANG (SG SYNDICAT DES TRAVAILLEURS DU TRESOR)

‘’Tous les dossiers de paiement qui arrivent au Trésor sont diligentés et payés’’ 

 

Malgré eux, ils sont sous les feux des projecteurs depuis quelque temps avec le débat autour de la situation économique nationale. Eux, ce sont les agents du Trésor. Secrétaire général du syndicat unique des travailleurs du Trésor, Madiakhaté Niang sort de son mutisme pour parler des lenteurs dénoncées par les usagers, de la responsabilité des comptables publics, de la politisation de certains fonctionnaires... Il n’a pas non plus oublié la question de la dette et la certification Iso 9001 décernée à la structure.

 

Malgré la certification ISO 9001 que vous avez obtenue, des usagers du Trésor continuent de se plaindre des lenteurs dans le traitement de leurs dossiers. Qu’est-ce qui l’explique ?

Je pense que les lenteurs sont maintenant derrière nous. Ces dernières années, nous avons fait des efforts énormes pour améliorer les procédures. Ce qui nous a d’ailleurs valu cette certification ISO 9001 version 2015. Nous avons revu le mode de fonctionnement du service et maintenant, les dossiers sont traités dans des délais relativement raisonnables, à la grande satisfaction des clients. Cette certification que nous avons obtenue le prouve amplement. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut inscrire la récente visite du ministre de l’Economie et des Finances. Une visite d’une très grande importance. Le ministre en a aussi profité pour faire la situation de la trésorerie et apprécier de visu le travail colossal qu’abattent les agents que nous sommes. Certes, il peut y avoir des critiques de temps à autre, mais nous sommes dans une dynamique d’amélioration permanente du service, conformément au contrat de performance que la Direction générale de la comptabilité publique a signé avec le ministère et aux directives de l’UEMOA. Dans ce contrat de performance, nous avons pris l’engagement de respecter impérativement les délais de traitement des dossiers. Quand vous prenez par exemple un dossier de dépense, il ne fait pas 90 jours au Trésor.

Outre ces dossiers de dépenses, quelles sont les différentes opérations qui sont effectuées au niveau du Trésor ?

L’une des missions phares, c’est la gestion de la trésorerie de l’Etat et des déposants qui sont : les Collectivités locales, les services non personnalisés de l’Etat… Le Trésor est leur gestionnaire de trésorerie. Notre mission est d’assurer l’exécution du Budget de l’Etat en termes d’exécution des dépenses, la gestion des collectivités locales, de la dette publique… Tout cela relève du Trésor.

Concrètement, en quoi consistent les changements qui ont été effectués pour accélérer les procédures de paiement ?

En ce qui concerne le paiement des dépenses publiques, depuis 2015, le Trésor a entrepris un mécanisme de modernisation des systèmes de paiement. C’est dans le cadre du Plan de développement stratégique de l’Administration du Trésor (PDSAT) qui a été à l’origine de la signature du contrat de performance dont je parlais tout à l’heure. Ce processus de modernisation de la gestion de la trésorerie nous a conduits à mettre en place deux systèmes : le SICA (Système inter bancaire de compensation automatisée et le STAR (Système de transfert automatisée et de règlement). Ce sont là des moyens de gestion moderne de la trésorerie de l’Etat et de ses démembrements. Cela a amené le Trésor à pouvoir satisfaire les demandes de paiement en une journée. Avant, il fallait attendre parfois 72 heures juste pour que l’usager puisse recevoir son virement.

La centralisation des opérations au niveau du Trésorier général est indexée par certains comme étant source de lenteurs. Qu’en pensez-vous ?

Ceux qui le disent ne comprennent pas. L’adhésion au système de la BCEAO a amené le Trésor public à avoir un point d’accès unique qu’est la trésorerie générale. Si on raisonne en termes de banque, le Trésor est la banque principale et les autres postes comptables du Sénégal sont des banques auxiliaires. Avant, cette opération, c’est la BCEAO qui le faisait pour le compte du Trésor public sénégalais. Actuellement, c’est le Trésor qui le fait lui-même et c’est ce qui fait qu’il y a une accélération dans les délais de mise à disposition des fonds virés. C’est aussi un moyen de connaître en temps réel la position du compte du Trésor à la BCEAO, parce que seul le trésorier général dispose d’un compte à la Bceao. Et seul lui peut ouvrir un compte dans les banques commerciales. Tous les comptables paient à travers le trésorier général. Les comptables font les propositions, le TG arbitre, valide et ainsi seulement les paiements pourront être effectués au niveau de la banque centrale.

Récemment, il a beaucoup été question de la trésorerie et de la situation économique difficile que traverserait le pays. Que vous inspire ce débat ?

En tant que fonctionnaire, je m’en tiens aux déclarations du ministre. La gestion de la trésorerie, c’est au jour le jour. Le compte unique du Trésor à la BCEAO évolue au jour le jour. La réalité d’aujourd’hui peut ne pas être celle de demain. On ne peut donc se baser sur les données d’aujourd’hui pour statuer sur ce qui va se passer dans trois semaines. Toutefois, les propos du ministre sont clairs. Le Trésor est suffisamment liquide pour supporter toutes les dépenses qui lui sont proposées pour paiement.

Est-ce que les détracteurs du ministère n’ont pas quelque part raison, si l’on sait quand même qu’il y a des entreprises qui peinent à se faire payer…

Est-ce qu’il y a des entreprises qui peinent à se faire payer ? En tout cas, ce n’est pas au niveau du Trésor public. Les dossiers qui arrivent au Trésor sont diligentés immédiatement. Maintenant, il y a un certain délai inhérent aux procédures qu’il faut respecter. Nous devons quand même faire des vérifications strictes sur la régularité des dépenses. Parce qu’il y va de notre responsabilité personnelle et pécuniaire. Je peux donc assurer que tous les dossiers qui arrivent sont diligentés et payés dans les délais, en respectant les procédures en vigueur.

Justement, vous parlez de responsabilité. Récemment, il a été question de celle de vos collègues Ibrahima Bocoum et Ibrahima Touré dans l’affaire Khalifa Sall. Pensez-vous que les accusations contre eux étaient justifiées ?

Nous en avions parlé en son temps pour leur apporter notre soutien. Maintenant, ce qui est important, c’est de faire une différenciation claire entre la responsabilité du comptable et celle de l’ordonnateur. Et ça fait partie des revendications du syndicat. Il faut une réforme de la responsabilité des comptables publics. L’actuel texte date des années 1960. Il faut savoir que le comptable est le champion de la reddition des comptes. Chaque année, il est contrôlé par la Cour des comptes. Puisque l’environnement juridique a évolué, il faudrait que la règlementation suive. On doit pouvoir définir le niveau de responsabilité des ordonnateurs et ne pas tout mettre sur le dos du comptable. La réforme doit aller dans ce sens. On doit arrêter d’envoyer en prison des comptables à chaque fois que la responsabilité des ordonnateurs est engagée, parce que nous n’avons pas les mêmes rôles.

Direz-vous comme certains que la fonction de comptable public est un peu ingrate ?

Oui on peut dire que c’est une fonction ingrate. A chaque fois, c’est nous qui payons les pots cassés. Nous sommes comme les cordonniers, mal chaussés. Nous sommes soumis à une règlementation très stricte. Quand nous prenons service, nous prêtons serment et tout notre patrimoine est hypothéqué. Nous pensons donc qu’il faut plus de respect pour ces agents et ne pas toujours les vouer aux gémonies.

Vous avez récemment connu un mouvement d’humeur. Où en êtes-vous avec la prise en charge de vos revendications ?

Certaines revendications ont effectivement été prises en charge. Nous sommes dans un dialogue permanent avec la tutelle. Outre la réforme sur la responsabilité des agents que j’ai évoquée, nous demandons également l’intégration de nos collègues contractuels dans la Fonction publique. Il y a aussi des bâtiments en construction depuis des années et nous demandons leur livraison. Par rapport au recrutement, c’est un problème global qui touche tous les services. Nous pensons que les recrutements dans certaines fonctions doivent être soumis à certains critères. Pourquoi ne pas organiser des concours pour pourvoir à certains postes. Cela amènerait à avoir un personnel de qualité à tous les niveaux.

De plus en plus, on assiste à une politisation des fonctionnaires. Comment appréhendez-vous ce phénomène ?

Je crois qu’il n’est interdit à aucun fonctionnaire de se lancer en politique. Je félicite même ceux qui le font. Le fonctionnaire est avant tout un citoyen et à ce titre, il peut avoir des convictions politiques et les défendre en s’engageant. Ils sont même plus outillés pour prendre en compte certaines questions. Ça peut donc apporter à mon avis une valeur ajoutée au débat public.

N’y a-t-il pas risque de conflit d’intérêts entre les casquettes de fonctionnaires et de militant d’un parti, d’autant plus que certains sont accusés de s’engager juste pour bénéficier de prébendes ?

Je ne pense pas qu’il puisse y avoir conflit d’intérêts. Le fonctionnaire est formé pour servir l’Etat. Il doit donc faire la part des choses entre ce qui relève de son engagement et de son statut de commis de l’Etat. De même, il ne doit pas y avoir de promotions fondées sur la couleur politique des uns et des autres. Quand on s’engage en politique, c’est pour servir la République, pour faire don de sa personne. On s’engage pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Vous avez mis en place un mouvement dans votre fief à Thiès. Pouvez-vous nous parler de ce mouvement ?

Il s’appelle Alternative citoyenne Thiessois/And Suxali Thiès. En ce qui nous concerne, nous avons choisi de ne pas rallier un parti politique, nous n’avons pas non plus dans l’immédiat des ambitions nationales. Le champ d’action de notre mouvement se limite uniquement à Thiès. C’est pour participer à l’amélioration des conditions d’existence des Thiessois. Nous l’avons créé suite à un constat. Nous avons constaté que les collectivités locales peuvent apporter plus que ce qu’elles ont fait jusque-là. La décentralisation est une question de gestion  de proximité. Ce que nous voyons à Thiès, notamment à Thiès Est où j’habite, c’est qu’il y a un fossé entre le maire, le conseil municipal et la population. Nous avons décidé de nous engager pour apporter des solutions aux préoccupations véritables de nos populations. Parce qu’au fil des années, des budgets sont exécutés sans aucun impact significatif sur les habitants. C’est comme si on n’avait pas de commune.

Vous êtes de quelle mouvance, majorité ou opposition ?

Nous sommes un mouvement indépendant. Nous ne nous identifions ni de l’opposition ni de la majorité. Nous n’avons rencontré aucun leader. Nous sommes en train de sensibiliser les populations pour qu’elles soient beaucoup plus regardantes au moment d’élire un maire par exemple. Des fois, elles choisissent des gens qui n’habitent même pas la contrée, des personnes que l’on ne voit jamais. Il est temps d’avoir des autorités qui ne se contenteront pas que d’exécuter un budget, mais qui, à la fin de chaque exercice, puisse évaluer l’impact des politiques mises en œuvre. Voilà ce que nous proposons aux Thiessois.

N’avez-vous pas créé ce mouvement pour prendre l’ascenseur et avoir une promotion plus rapide ?

Si c’était ce que je voulais, j’aurais pu tout bonnement rejoindre le parti au pouvoir, ou mettre en place un mouvement d’envergure nationale. Sincèrement, tout ce que nous voulons, c’est de nous investir pour le bien-être de nos concitoyens. Notre engagement n’a aucun soubassement financier. Et c’est pourquoi nous ne nous impliquons que sur le plan strictement local.

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