Publié le 29 Aug 2018 - 23:41
MALGRE LEUR ENTREE LEGALE EN SUEDE

Deux Sénégalais en instance d’expulsion  

 

Pape Matar Fall et Ibra Lo n’oublieront pas de sitôt leur périple en Scandinavie. Alors qu’ils étaient partis rendre visite à un proche en Suède, l’Immigration a levé la validité de leur visa et menace de les expulser.

 

Les contrecoups de l’immigration clandestine peuvent toucher ceux qui voyagent avec des documents légaux. Pape Matar Fall et Ibra Lo ne soutiendront pas le contraire. En foulant le sol suédois, le 24 juillet dernier en provenance de la Hollande, leurs noms ont été troqués contre des numéros, 366 et 367, dans un centre de migration, à Lund, où ils en sont à leur quatrième semaine de détention. Que s’est-il donc passé pour que ceux qui se présentent comme deux frères, apparemment en règle, aient vu la validité de leur visa levée par l’immigration suédoise ? Le site d’information expressen.se, dont les journalistes se sont rendus auprès des deux malheureux, relate que ces derniers avaient déjà rendu visite à leur père en Hollande, avec leur visa de touriste, et attendaient avec impatience de passer deux semaines avec un cousin vivant à Malmö. Mais leur bus n’a jamais vu les paysages de la Suède, puisqu’ils ont été détenus, dès leur arrivée, par la police des frontières.

Quelques heures après, leur visa a été déchiqueté, comme plusieurs médias l’ont rapporté. Plus de quatre semaines plus tard, les seuls endroits qu’ils ont vus de la Suède sont les murs du centre de détention à Lund et le refuge de l’Office des migrations à Åstorp. ‘‘Je n'ai jamais eu de problème en Europe, revenant toujours au Sénégal à l’heure. Nous avons une famille à Malmö, mais, nous avons immédiatement été traités comme des criminels et nous avons été autorisés à dormir dans une cellule, lors de l'arrestation’’, confie Pape Matar Fall aux journalistes de la chaîne. ‘‘Si des touristes suédois avaient été traités de la sorte, cela aurait été un scandale’’, poursuit-il.

Manœuvres dilatoires de la police de l’immigration

Malgré leurs visas, la présence de leur famille dans l’espace Schengen (papa et frères et sœurs en Hollande), l’assurance, le billet de retour au Sénégal et des voyages précédents en Europe en respect de la législation sur l’espace communautaire, la police des frontières ne s’est pas privée d’arrêter leur bus, le 24 juillet 2018, avant son arrivée à la gare où les attendaient leur cousin et sa petite amie. Sept heures plus tard, leur visa Schengen avait été levé. Ainsi, ils ont dû séjourner dans des cellules du centre de détention de Lund. La raison : la police suédoise a trouvé des raisons impérieuses de ‘‘supposer que le visa a été obtenu de manière frauduleuse’’. D’après ses explications, les deux Sénégalais ont été perdus par leurs fausses déclarations. Elle affirme que les frères ont fourni des informations contradictoires sur le séjour prévu en Suède.

‘‘Lors de la vérification, des questions sur l'économie, des connaissances sur leur destination et sur leurs affaires en Suède, ils ne répondent pas de manière satisfaisante aux questions que nous posons’’, explique Ewa-Gun Westford, responsable de l'information de presse de la police dans la région de Syd. Selon elle, le contrôle aux frontières, dont les informations ont conduit à la détention des frères, a conclu que les deux hommes ont donné de fausses informations sur la personne qu’ils viennent voir en Suède. ‘‘Ils ont également montré une connaissance insuffisante du frère présumé’’. ‘‘Par exemple, les frères ont dit qu’ils allaient rencontrer un frère et l’avaient mentionné par son surnom. Mais l'homme qu'ils rencontreront est leur cousin. En outre, ils ont dit qu'ils vivraient avec lui et sa femme. La police a noté. ‘‘Lorsqu'ils ont vérifié dans les systèmes, il se trouve qu’ils vivent à la même adresse, mais ne sont pas mariés.’’

Des allégations qui ont été démontées par Julia Brandelius, la compagne de leur parent établi en Suède. ‘‘Lorsque Pape Matar et Ibra Lo étaient avec la police, j'ai appelé et expliqué que je pouvais renforcer les données qui certifiaient leurs versions. La police a dit qu'elle donnerait l'information au service qui travaille sur la décision concernant les frères et qu’elle m’appellerait. Mais, ce coup de fil n’a jamais au lieu’’, renseigne Julia Brandelius qui, par ailleurs, affirme avoir défendu devant les policiers que l’acception culturelle du mot frère pouvait avoir un sens très large chez les Sénégalais. C’est cette dernière qui a alerté la presse, quand elle s’est rendu compte des manœuvres dilatoires de la police de l’immigration de son pays.

Assistance

Ce pays scandinave n’a pas la réputation d’être une destination préférée de la diaspora sénégalaise, bien qu’il soit attractif. Dans la lignée de la poussée extrémiste en Europe, la Suède durcit de plus en plus sa ligne migratoire. Avec plus de 20% d’intentions de vote dans les sondages pour le parti de droite, les Démocrates de Suède (SD) sont partis pour être les vainqueurs du scrutin du 9 septembre prochain, d’après le journal le Monde. Cela pourrait chambouler le paysage politique. Quatre ans plus tôt, les SD n’avaient remporté que 12,9% des voix aux Législatives. Entre-temps, il y a eu la crise des réfugiés et l’arrivée de 250 000 demandeurs d’asile dans le pays, en 2014 et 2015. La fermeture des frontières et le durcissement de la politique d’asile, décidés fin 2015 par l’actuel gouvernement composé des Verts et des sociaux-démocrates, n’ont rien changé.

Ibra Lo et Pape Matar Fall ne sont pas sans assistance. L’Association des Sénégalais dans ce pays a pris le problème à son compte. D’après un des membres, ‘‘il faut diligenter cette affaire. Leur père est venu leur rendre visite, il y a deux jours, (samedi) et s’est acquitté de 3 000 euros pour leur avocat suédois qui se bat pour les libérer. Mais, Ibra devrait être expulsé demain (Ndlr : hier mardi). Pape Matar devrait suivre aujourd’hui mercredi ou demain’’, fait savoir un certain Da Coumba sur le groupe de discussion WhatsApp dédié à cet effet. D’après lui, leur père se serait également entretenu avec le ministre de l’Hydraulique Mansour Faye, présentement en Suède, qui lui aurait conseillé de dire aux deux migrants de ne signer aucun papier qui leur serait présenté.

OUSMANE LAYE DIOP (AVEC EXPRESSEN.SE)

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