Publié le 23 Jan 2015 - 13:28
MALICK GUEYE (SECRETAIRE GENERAL DES JEUNES DE L’AFP) ‘

La majorité du bureau politique milite pour une candidature de l’AFP …’’ 

 

Au lendemain de son limogeage de son poste de conseiller technique à l’Assemblée nationale, le secrétaire général du Mouvement national des jeunesses de l’Alliance des forces du progrès (AFP) assène ses vérités. Dans cet entretien, Malick Guèye revient avec EnQuête sur la crise qui prévaut au sein du parti du président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse.

 

Depuis un certain temps, l’AFP est minée par des querelles intestines. La crise a atteint son paroxysme avec votre limogeage de votre poste de conseiller technique à l’Assemblée nationale. Qu’en est-il exactement ?

Le contexte est dominé par une discussion au niveau du parti sur des points de vue que des structures dégagent. Les jeunes du parti se sont réunis à Bandia le 17 janvier dernier pour discuter de l’avenir de l’AFP. La jeunesse en tant que facteur de transformation sociale constitue l’avenir même si le secrétaire général se permet de le prédestiner. Les questions liées au futur du parti doivent prendre en compte les préoccupations des jeunes.

En tant que responsable national des jeunes de l’AFP, depuis la déclaration du 10 mars du bureau politique où le secrétaire général déclarait son soutien à la candidature de  Macky Sall en 2017, j’ai pris le soin de consulter les jeunes des différentes régions, dans la patience et dans la responsabilité. J’ai consulté tous les responsables régionaux et départementaux. Et le dernier processus qui nous a menés vers une consultation populaire, c’est notre séminaire de Bandia où il y avait 257 délégués pour discuter de l’avenir de notre parti. Nous avons organisé cette rencontre sur fonds propres, les jeunes se sont cotisés pour financer cette manifestation. C’est important de le rappeler. Il y a une résolution qui a été sortie à la suite d’une position des différentes régions du Sénégal sur la candidature du parti en 2017.

Pouvez-vous revenir sur les grands axes de cette résolution ?

La résolution en question stipule d’une manière ferme que le parti, par rapport à son histoire et par rapport à son rang politique, doit présenter un candidat en 2017. Sur la base d’argumentaire précis, la résolution a estimé que le projet de société de l’AFP reste intact parce que les préoccupations des Sénégalais, pour nous en tant que jeunes, ne sont pas encore prises en compte. Le deuxième argumentaire, c’est que nos relations avec l’APR ne sont plus à l’état. Après le diagnostic des élections locales, nous avons senti que l’APR n’a pas respecté les compromis dynamiques dans les différentes zones.

Je donne l’exemple de  la trahison de Kaolack qui a été même validée par le secrétaire général en réunion du bureau politique. Le troisième argumentaire, c’est qu’on ne soutient pas un parti au premier tour, ça, c’est une leçon de science politique. Ou s’il faut soutenir un parti au premier tour, il vaut mieux fusionner. Le problème, c’est que si le secrétaire général accepte lui que la pérennité et la souveraineté de l’AFP ne doivent pas être compromises, il doit accepter que si on soutient l’APR au premier tour en 2017, ce sera la fin de l’AFP.

Justement, cette position vous a coûté votre poste de conseiller à l’Assemblée nationale. Jusqu’où comptez-vous aller ?

Ecoutez, la politique, c’est l’assumation des choix. Je pense que le secrétaire général du parti n’a pas compris le message de la jeunesse. Et puis, il ne faut pas mélanger l’institution parlementaire et le parti. L’Assemblée nationale est une institution et on ne peut pas l’utiliser pour régler des divergences politiques.

C’est cela qui est dommage. Et je pense que les gens ont fait croire à Moustapha Niasse que cette réflexion est une position que je théorise et que j’ai demandé aux jeunes de le contrarier. Loin de là. Nous avons partagé avec lui 15 ans de compagnonnage avec des sacrifices énormes. Je fais partie des quelques responsables de l’AFP qui ont fait la prison pour porter Moustapha Niasse à la présidence de la République. Chaque 21 février, je me rends à Kaolack pour commémorer le décès de notre sœur Fatou Ndao, décédée lors d’un accident pendant la campagne de Moustapha Niasse. Pour dire combien les jeunes de l’AFP se sont sacrifiés pour lui.

Mais est-ce que Niasse a pris le soin de discuter avec vous avant de vous limoger ?

S’il pense que le travail que je fais à l’Assemblée nationale a des liens avec le travail politique au niveau du parti, c’est son jugement. Mais moi, je pense que le travail que je faisais à l’Assemblée n’a rien à voir avec le point de vue des jeunes du parti. C’est lui qui m’avait nommé là-bas, s’il décide de se séparer de moi, je le remercie tout en gardant toute ma sérénité à continuer ce combat. Parce que ce combat peut servir pour l’avenir de l’AFP.

Mais jusqu’où comptez-vous aller ?

On est déjà arrivé à une phase où il faut que le parti accepte qu’on ait un candidat. Il y a des procédures démocratiques qui peuvent nous mener à nos fins. Ce n’est pas la fin des discussions. Au prochain bureau, les gens ne pourront pas éviter de parler de la question.

Outre les jeunes, y-a-t-il de hauts responsables du parti qui vous soutiennent dans ce combat ?

Il y a des responsables qui ont donné des positions individuelles et je pense que dans quelques semaines, nous demanderons aux autres structures du parti de faire comme nous. Nous inviterons toutes les femmes du parti au niveau national à donner leurs points de vue. Parce que cette décision du secrétaire général, de renoncer à la candidature du parti, souffre d’un problème d’application au niveau de la base.

Les militants de l’AFP ne sont pas d’accord sur le fait de renoncer à la candidature du parti parce que le secrétaire général est le président de l’Assemblée nationale. Moi j’ai toujours dit à Moustapha Niasse : ‘’Macky Sall ne vous a pas donné en réalité la présidence de l’Assemblée nationale. Vous avez dirigé la liste de Benno Siggil Senegaal et les Sénégalais ont dit que Macky Sall doit être le président de la République et vous, le président de l’Assemblée nationale’’. C’est un ticket qu’ils ont eu en 2012. Il ne peut pas mettre en cause une loyauté de 15 ans de la jeunesse de son parti.

Est-ce que Moustapha Niasse n’est pas en train de privilégier ses intérêts personnels sur les intérêts globaux du parti ?

Nous sommes dans une situation où il faut aller de l’avant. Ce qui est important, c’est que l’opinion va arbitrer. C’est inadmissible que  des responsables, au crépuscule de leur vie politique, demandent à des jeunes de ne pas penser à leur avenir politique.

Est-ce que cette affaire ne pose pas la question de l’alternance générationnelle au niveau des partis politiques sénégalais ?

Je vais vous surprendre car je n’ai jamais cru à l’alternance générationnelle. Je crois plutôt à la mutation générationnelle qui est différente de la productivité.

N’est-il pas temps pour Moustapha Niasse de se retirer pour laisser la place à cette vague de jeunes qui émergent sur les flancs du parti ?

La situation va s’imposer naturellement parce que nous sommes dans un contexte politique où l’opinion réserve beaucoup de surprises à l’extrémisme politique. Parce que quand on pousse trop le bouchon, cela peut aller à une situation regrettable. Mais ce qui est évident, c’est qu’aucun parti ne peut survivre sans une jeunesse dynamique.

Est-ce que cette crise ne pose pas également le problème du financement des partis politiques ? On a l’impression que souvent, c’est une seule personne qui finance et qui commande.

Nous, on a eu cette malchance d’avoir l’image d’un parti financé par une seule personne. Mais cela n’est pas exact.

Ce n’est pas Niasse qui finance le parti ?

Non, on s’est toujours cotisé au niveau du bureau politique. Je me rappelle en 2000, ce sont les membres du bureau politique qui ont cotisé chacun 10 000 pour payer la permanence du parti. Pendant l’élection présidentielle de 2012, des responsables du parti ont donné plus de 50 millions, d’autres 30 millions ou 10 millions. Moi-même en 2012, j’ai vendu mon terrain à 7 millions pour que Niasse soit président de la République. Je me suis battu, j’ai financé sa campagne dans le département de Mbour. Même s’il a contribué plus que nous, on ne peut pas dire qu’il a financé tout seul le parti. Des gens ont mis la main à la poche pour que le leader de l’AFP participe à la présidentielle de 2012.

On a comme l’impression que l’AFP est la propriété de Moustapha Niasse ?

Si l’AFP était la propriété de Moustapha Niasse, on n’en arriverait pas là et toute cette situation n’allait pas arriver. Il y a des gens qui croient à l’espoir et au projet de société de l’AFP.

Quel est aujourd’hui votre avenir politique au sein de l’AFP ?

Mon avenir politique au sein de l’AFP, les militants vont en décider. Je ne peux pas décider de mon avenir politique au niveau du parti. En tout état de cause, je compte rester un membre actif du parti. Un congrès m’a élu au même titre que le secrétaire général du parti et c’est un congrès qui va me muter de cette responsabilité. Et au prochain congrès, je ne serai plus candidat car je serai atteint par la limite d’âge pour le poste de secrétaire général des jeunes.

Est-ce que des responsables comme Malick Gackou ou Alioune Sarr sont en phase avec Moustapha Niasse ?

J’ai discuté avec des responsables du parti. Et sur les 200 membres que compte le bureau politique, la majorité est pour une candidature de l’AFP en 2017. Cela m’étonnerait beaucoup qu’un jeune comme Malick Gackou soit d’accord pour qu’on se livre mains liées à Macky Sall. Uniquement pour sauvegarder des intérêts à l’Assemblée nationale. Si l’on soutient Macky Sall, quelle garantie demain pour la pérennité de l’AFP ? Comment l’AFP va être quantifiée lors des négociations aux élections législatives de 2017. On ne doit pas accepter qu’on nous donne gratuitement des députés. Maintenant ceux qui parlent et critiquent les jeunes sont ceux qui ont des responsabilités dans les ministères. 

PAR ASSANE MBAYE

 
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