Publié le 11 Jan 2014 - 18:33
MALICK NDIAYE, MINISTRE CONSEILLER

«La première victime d’une chute de Mimi Touré, c’est Macky Sall lui-même.»  

 

Que  pensez-vous de la ‘’brouille’’ entre le président Macky Sall et son Premier ministre, Mimi Touré, et qui domine l’actualité ?

Pour moi, l’actualité est dominée par le début d’application de la DPG (Déclaration de politique générale) de Mimi Touré et nullement par les batailles de type politique qui semblent tenir la Une de certains journaux. Ce début d’application de cette DPG a un effet d’entraînement sur l’ensemble des relations politiques au sein du pouvoir, dans le pays. (…)

Quel est le rapport entre la DPG de Mimi Touré et cette ‘’brouille’’ politique ?

Lorsque par exemple le Premier ministre met en chantier et actionne le débat sur les investissements, la corruption, l’emploi des jeunes, la Couverture maladie universelle, la question foncière…. Bref, la stratégie qu’est la DPG de Mimi Touré, qui exprime uniquement les options de Macky Sall, a un effet corrosif sur l’ensemble des relations sociales. Lesquelles sont connectées à des forces politiques qui peuvent aller à contre-courant.

C’est-à-dire ?

Cela veut dire que le parti présidentiel est pris dans une  secousse tellurique  qui provoque de façon paradoxale une sorte de bouclier qu’on n’attendait pas.

Qu’est-ce qui a provoqué cette secousse ?

Je l’ignore pour l’instant, jusqu’à ce que le président de la République se soit exprimé ou les auteurs de ces attaques aient donné des explications valides. Mais je constate que le jeune et brillant Mame Mbaye Niang demande la suppression du poste de Premier ministre.

A-t-il conscience que la suppression de ce poste impliquerait aujourd’hui la chute de la DPG de Mimi Touré commanditée par Macky Sall et donc l’effondrement de tout l’échafaudage effectué par ce dernier depuis deux ans ? Je ne suis pas sûr que Mame Mbaye avait conscience de la portée opérationnelle de son acte qui équivaudrait à une crise institutionnelle, politique, programmatique.

Certains disent qu'il n’est que le bras armé du Palais dans cette affaire…

Je ne crois pas un instant.  Je connais ce garçon sur sa probité, son engagement dans des situations que j’avais personnellement vécues avec lui. Je ne peux pas considérer que Macky Sall, après avoir donné son aval à la DPG, ait essayé de tirer sur Mimi Touré. 

Parce que la première victime d’une chute de Mimi Touré aujourd’hui, c’est Macky Sall lui-même. Il est absurde de faire de Macky Sall un éventuel commanditaire de cette proposition de Mame Mbaye Niang.

On reprocherait à Mimi Touré d’avoir des ambitions présidentielles et de faire ombrage à Macky Sall

Prêter à ce jeu-là pour simplement justifier l’arrêt de l’expérience de la DPG de Mimi Touré, c’est engager le pays dans une catastrophe morale, politique, organisationnelle incompatible avec les engagements du président de la République. C’est pourquoi je considère que l’élément dominant n’est pas la série d’attaques et d’agressions contre Mimi Touré, mais plutôt le début d’application de la DPG qui bouscule un ordre politique.

Tout est parti de l’APR. Nous sommes à 3 mois du dépôt des listes pour les élections locales et à 6 mois d’une échéance cruciale. Les membres de l’APR pouvaient se contenter à faire des réunions dans les différents départements, afin d’éviter le syndrome du vote sanction apparent partout. Sans parler de la grogne dans le mouvement des femmes que dirige Mme Badiane.

A défaut d’un travail à la base, on concentre des tirs sans aucun fondement sur une militante reconnue de l’APR qui est sur la ligne de front.

Comment expliquez-vous le silence du président Macky Sall ?

Ceux qui veulent plonger aujourd’hui la Primature et la Présidence dans un bras de  fer ont dans leur manche un atout majeur.

Lequel ?

C’est l’entrée du président de la République dans cette partie dramatique. Cela provoquerait une crise morale qui s’emparerait de tous les organes (de l’Etat). Bref, l’intervention de Macky Sall sur une situation aussi grave précipiterait ce que sans doute les stratèges de la subversion recherchent, à savoir la fin de la deuxième alternance.

Mais en gardant le silence, ne laisse-t-il pas les choses pourrir ?

Non. Les choses suivent leur cours normal. Mieux, Macky Sall, en réunissant le 4 janvier au Palais les intellectuels, les artistes, a déclaré que le pouvoir politique aujourd’hui n’est pas frileux du débat contradictoire. Donc, le silence de Macky Sall n’est pas un désengagement par rapport à une situation de crise artificielle que d’aucuns ont voulu initier, mais c’est prendre hauteur par rapport à des protagonistes. (…)

Donc vous n’êtes pas de ceux qui réclament la tête de Mimi Touré ? 

Je n’ai pas vu de demande de démission de Mimi Touré. Même Mame Mbaye Niang, dans l’interview qu’il vous (journal EnQuête : NDRL) a accordée ne la demande pas.

C’est un vœu formulé en coulisse.

Je ne peux pas répondre des positions qui ne sont pas expressément exprimées et politiquement assumées par leurs auteurs. Pour avoir la démission de Mimi Touré, il ne suffit pas d’avoir l’oreille du président de la République, il faut avoir des arguments de substitut à un DPG. Enlever Mimi Touré, qui a participé sous la directive du président à élaborer la DPG, pour mettre une autre personne susceptible d’appliquer la même DPG, c’est condamner le Sénégal à la déshérence. (…)

A qui profite cette situation ?

A mon avis, il faut revenir à la construction du parti du président à cette phase de l’exercice du pouvoir. Il y a sans doute des membres héroïques - je pense à Moustapha Cissé Lô, Mbaye Ndiaye, ou encore Alioune Badara Cissé, et beaucoup d’autres, jeunes et femmes - qui ont joué un  rôle important de 2008 à nos jours aux côtés de M. Sall. Ce dernier le leur a bien rendu, au demeurant.

Mais un Etat qui se réorganise a besoin de comparer des relations de forces issues de la réalité. La réalité politique est que c’est Mme Touré qui a été choisie parmi beaucoup d’autres valeureuses à l’APR. Est-ce que ces personnalités politiques n’ont pas l’impression de s’être fait ravir la vedette par  Mimi Touré, qui ne manque pas de talent, mais qui aurait le tort d’avoir  séjourné au Etats-Unis pendant que les autres faisaient face à Me Wade ? Si c’est le cas, je les comprends.

C’est un peu comme des personnes qui ont des problèmes de vaisseau sanguin et qui connaissent une hypertension ou qui ont la bouche qui saigne. Peut-être que Macky Sall devrait leur administrer du nep nep (acacia nilotica). C’est ce retard dans la posologie du nep nep de l’APR qui fait que des personnes tout à fait méritantes ont pu se sentir négligées au point de crier haro sur le baudet.

Il faut une conférence nationale extraordinaire ou un congrès de l’APR qui aurait pu se tenir en lieu et place de ce groupe qu’on appelle le Secrétariat exécutif national dont le tendon d’Achille est qu’il n’est pas relié à des structures départementales ou locales. (…) 

DAOUDA GBAYA

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