Publié le 7 Sep 2012 - 23:36
MALICK NOËL SECK, LEADER DE CONVERGENCE SOCIALISTE

 ‘’Ousmane Tanor Dieng, c’est le symbole d’un passé qui ne passe pas’’

 

C’est un Malick Noël Seck toutes griffes dehors qui parle. Dans cet entretien accordé à EnQuête, le leader de Convergence socialiste réagit à l’annonce de la tenue du congrès sans être convaincu du départ d'Ousmane Tanor Dieng de la tête du Parti socialiste. M. Seck critique aussi le fonctionnement de son parti qu’il juge suranné, non sans mettre en garde le président Macky contre toute forme de népotisme.

 

 

 

Le Bureau politique du Parti socialiste (PS) a annoncé l’organisation prochaine du congrès qui mettra en jeu le poste du Secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng. Êtes-vous satisfait ?

 

A moitié. Ce que l’on attendait, c’est qu’Ousmane Tanor respecte sa parole et annonce qu’il ne sera pas candidat pour diriger le Parti socialiste. Il s’était engagé à ça dans une interview de Jeune Afrique, quelle que soit l’issue des élections.

 

Justement on ne l’a pas entendu dire le contraire…

 

Je crois que les faits nous montrent le contraire et il y a des signes annonciateurs. On a vu la sortie du Mouvement national des femmes socialistes qui a exigé le maintien de Tanor sans consulter nos instances. On a vu des groupuscules qui se sont levés, telle une machine, pour essayer de mettre la pression sur Convergence socialiste parce qu’on a osé répéter ce qu’il a dit ; c'est-à-dire quitter la tête du Parti socialiste. Toutes ces manigances font que nous ne serons pas étonnés de le voir briguer à nouveau le secrétariat général. Aujourd’hui, il a été reconduit à la tête de l’Internationale socialiste. Qui veut respecter sa parole ne cherche pas à rempiler au niveau de cette instance. Dans notre tradition, le respect de la parole donnée est une vertu. Wade avait détruit ce principe que nous partagions tous ; nous l’avions combattu pour ça. Il serait dommage que Ousmane Tanor Dieng suive les traces de Wade qui est passé de 42% à 11%.

 

''La présidentielle nous a montré une chose : 89% ont dit non à notre candidat''

 

Beaucoup de gens pensent que vous menez un combat personnel lié au fait que vous n’avez pas été investi sur les listes de députés aux législatives dernières…

 

La Convergence socialiste avait sorti, avant les investitures, un article intitulé ‘’Pour que vive le Parti socialiste’’. C’était justement pour qu’il n’y ait pas d’amalgame. Nous avons voulu défendre l’idéal.

 

Lequel ?

 

Il fallait que le Parti socialiste aille aux législatives seuls, car ces alliances hâtives risquaient de tuer le parti. Aujourd’hui, les faits nous donnent raison. Il fallait montrer que nous ne sommes plus avec la ligne choisie par le parti. Sachez que nous n’avons rien contre la personne d'Ousmane Tanor Dieng, mais c’est le symbole d’un passé qui ne passe pas. Aujourd’hui, il faut savoir partir et laisser la place à quelqu’un d’autre pour qu’il puisse réorganiser le parti.

 

Pourtant, vous avez battu campagne pour le candidat Ousmane Tanor Dieng à la présidentielle passée. Pourquoi n’aviez-vous pas relevé tous ces griefs ?

 

Nous avons battu campagne pour Tanor Dieng pensant qu’il y avait une stratégie derrière. On s’est rendu compte qu’au début de la campagne, on n’avait même pas un Directeur de campagne. On perd les élections, on dit qu’on va partir sur un nouveau départ. Le Secrétaire général qui avait annoncé son départ, pose des actes qui nuisent au parti. Il rend pratiquement le Parti à l’APR avec une vingtaine de députés.

 

N’êtes-vous pas en train d’exagérer ?

 

Nous avons toujours crié qu’on ne peut avoir des élections au Sénégal sans le Parti socialiste. Aujourd’hui, on nous a demandé de cracher sur l’AFP et Moustapha Niasse ; on se retrouve, au lendemain de notre échec lamentable, sur une liste dirigée par le même Niasse à l’état de subalterne, dans un gouvernement dirigé par un ancien lieutenant de Wade. Ce n’est pas socialiste !

 

Est-ce que ce n’est pas du réalisme d’autant que votre leader a enregistré un score aussi ‘’lamentable’’ comme vous le dites ?

 

Oui mais… On a perdu 75% de notre électorat en 12 ans. Aujourd’hui, la présidentielle nous a montré une chose : 89% ont dit non à notre candidat. A partir de ce moment, il faut accepter de se retirer pour donner un nouveau souffle au parti et montrer à ceux qui ne votent plus pour le parti qu’on tient compte de leurs observations. Ensuite, aller sur la bannière du Parti socialiste avec une idéologie, un projet aux législatives. Quel que soit le nombre de députés qu’on aurait, ils auraient été des socialistes et qui auraient pu rester dans l’opposition.

 

Est-ce que vous n’êtes pas idéaliste ?

 

C’est une élection législative qui est différente de la présidentielle. A la présidentielle, nous avions présenté un candidat, 89% des Sénégalais lui ont dit non. Si jamais il avait respecté sa parole de se retirer de la tête du Parti socialiste et que nous allions sous notre propre bannière, je suis sûr que allions avoir plus de 11%. Et nous serions dignes dans nos bottes de socialistes pour faire face au pouvoir et continuer à nourrir la démocratie. Or, aujourd’hui, les partis de l’opposition ont rallié le pouvoir, Macky Sall a réussi à pacifier tout le monde de telle sorte que cela nous laisse sceptique quant à sa gestion.

 

''Il y a de la corruption chez nous et nous avons besoin d’assainir tout cela''

 

Vous êtes opposé à Benno Bokk Yaakaar ?

 

Je me considère socialiste pur et c’est ce qui peut sauver le Sénégal. Je pense que lorsqu’on a fait 11%, c’est le peuple qui décide de vous maintenir dans l’opposition. Ousmane Tanor Dieng a déclaré dans l’Observateur que ‘’12 ans d’opposition, ça suffit !’’. Ce n’est pas à lui de le décréter, c’est plutôt l’électorat. On est en train de gruger le peuple, de se caler à la victoire d’un autre pour bénéficier d’un travail qu’on n’a pas fait. Ce n’est de l’éthique ni de la morale. Il faut une moralisation de la vie politique ; il y a trop de clan et c’est ce qui est en train de fissurer le Parti socialiste. On ne milite plus pour un idéal mais pour se faire récompenser. Nous avons perdu notre identité. Nos responsables se sont mis en marron.

 

Comment entrevoyez-vous votre avenir dans le Parti socialiste en gardant cette position ?

 

Nous avons une Direction qui a trahi le parti mais tôt ou tard, cette direction va partir. Les hommes passent, le parti reste. Nous allons continuer à nous battre, advienne que pourra.

 

Dans une lettre que vous aviez adressée le 13 août au président du Conseil consultatif des sages de votre parti, vous écriviez que la défaite de Tanor Dieng ‘’signe l’affaiblissement et la destruction de vos structures internes’’. Expliquez-vous.

 

C’est le mode de fonctionnement de notre parti qui ne fonctionne pas pour pouvoir libérer les énergies. Nous avons des structures qui datent du Parti unique et qui favorisent le maintien de celui qui est à la tête du parti autant qu’il le voudra ; et qui puisse le transmettre à qui il veut. Tout se fait de la base au sommet. C’est un parcours du combattant qui pouvait se comprendre dans un régime autoritaire ou de parti autoritaire. Par conséquent, quiconque voudrait se présenter et qui ne partage pas le même point de vue que le Secrétaire général a très peu de chance pour y arriver.

 

Que disent les textes ?

 

Il faut que vous gagniez votre quartier, votre comité, votre section, votre coordination, votre département, votre région pour ensuite pouvoir prétendre affronter Tanor. Vous avez vu ce qui s’est passé lors de l’investiture précédente. Malgré tout ce bruit autour de la candidature de Khalifa Sall et de Aïssata Tall Sall, personne n’était candidat. Ce mode de fonctionnement ne correspond pas au 21e siècle. Comment vous-voulez qu'un jeune puisse adhérer au Parti socialiste s’il sait qu’il doit faire tout ce parcours avant d’arriver au sommet ?

 

Qu’est-ce que vous proposez en lieu et place ?

 

Il faut que l’on élimine ce consensus forcé. Au Parti socialiste, on ne vote plus. Un responsable m’a dit que ce qui a tué le parti, c’est qu’on ne vote plus. Les grandes orientations du Pari socialiste sont faites par applaudissement au Comité central. On prend des décisions à main levée. Les gens ne peuvent pas exprimer démocratiquement ce qu’ils pensent. Il faut qu’il y ait un retour à l’isoloir et que le parti arrête de dire au militant : ‘’voté dafa gnaaw, nagnu waxtaan ba juboo’’ (le vote est vilain, cherchons le consensus). C’est pour moi, la plus grosse arnaque faite aux militants.

 

Votre camarade Barthélémy Dias s’est désolidarisé de vous. Est-ce que cela n’a pas changé vos rapports personnels?

 

Si nos rapports sont aussi solides que ça, je ne crois pas que nos divergences politiques puissent les nuire. Nous avons d’excellents rapports. Quel que soit Alpha, mon combat est basé sur des principes. Il est hors de question de remettre en cause mes convictions. Maintenant Barthélémy est libre de choisir sa ligne, nous la respectons.

 

Est-ce que vous n’avez pas l’impression d’être seul contre tous dans ce combat ?

 

Nous avons accepté de prendre des coups et de dire les choses telles que nous le pensons. Si nous sommes rejoints dans cette lutte, c’est tant mieux, mais nous aurons fait ce qu'il est juste de faire. Nous souffrons de manque d’urne et d’isoloir. Il y a de la corruption chez nous et nous avons besoin d’assainir tout cela.

 

''Certaines nominations  de Mackynous laisse sceptique''

 

Pouvez-vous nous donner un exemple de corruption ?

 

Elle va du communautarisme, au droit de cuissage en passant par la petite corruption avec les petits boulots octroyés, l’intimidation, la pression. La corruption peut être pécuniaire comme sentimental. Dire à quelqu’un : ‘’Je suis ton père, je t’ai rendu un jour service, vote pour moi’’, est une forme de corruption et ça ne fait qu’entretenir des clans.

 

Quel regard portez-vous sur le régime de Macky Sall ?

 

On vient de sortir de l’ère Wade, le pays est exsangue, mais les choses s’améliorent. Mais restons très vigilants par rapport aux actes posés par le régime de Macky Sall. La manière dont il a fait certaines nominations nous laisse sceptique.

 

Lesquelles exactement ?

 

Au hasard, il y a le frère de la première dame, Mansour Faye, qui a été nommé Délégué général à la protection sociale et à la solidarité nationale ; sa petite sœur Rokhaya Sall est dans les ambassades, Abdourahim Seck le mari de sa belle mère est nommé à Petrosen. Il y a Pape Dieng qui dirigeait la SIMELEC dont le premier client est la SENELEC…

 

Mais il dit avoir cédé ses actions ?

 

Mais est-ce que ce n’est pas de la démagogie ?

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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