Publié le 23 Jan 2018 - 02:40
MAMADOU HABIB NDAO, SECRÉTAIRE EXÉCUTIF OQSF

‘’La complexité des contrats décourage sur l’utilisation des services financiers’’

 

Ancien banquier, secrétaire exécutif de l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf), Mamadou Habib Ndao livre ici son analyse sur les points qui minent les relations entre opérateurs financiers et usagers.

 

Au cours des deux jours de travaux, il a été nettement ressorti que les usagers ne sont pas satisfaits des services financiers qui leur sont offerts. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette insatisfaction ?

Les usagers des services financiers et les opérateurs ont des problèmes de compréhension. Les banques ont financé 4 400 milliards au 31 décembre 2016 (2017 n’est pas encore disponible). Le marché de l’assurance fait 140 milliards qui cherchent à être utilisés sous forme de relations commerciales avec les usagers. Mais ces derniers ont des problèmes de compréhension de comment fonctionnent les opérateurs financiers. Dans cette asymétrie d’information, les responsabilités sont partagées. Jusqu’à maintenant, les banques n’ont pas communiqué non pas sur les produits, mais sur les avantages qu’ils accordent aux usagers des services financiers. Parmi les récriminations faites aux banques par les usagers, il y a l’accès au crédit. Il y a, d’abord, la difficulté d’ouvrir un compte bancaire. La paperasse, la convention d’ouverture de compte, la difficulté d’accès au crédit.

Mais ce dernier point est dû aussi au fait que les dossiers qui sont proposés aux banques ne sont pas très bien élaborés. Ce qui fait que la banque n’a pas une visibilité claire de l’objectif et de l’utilisation de l’emprunt. Il y a aussi la tarification qui est décriée. Les usagers trouvent le coût très cher. Mais ils doivent savoir que le loyer (coût) du crédit est fonction des risques encourus et de la période de remboursement. Si la période est courte, le coût de l’emprunt baisse. Si les garantis sont solides, les taux baisses. Il faut savoir que la Banque centrale a fixé le taux d’usure à 15 %, c’est-à-dire que la banque ne peut pas vous prêter à plus de 15 % de taux d’intérêt. Il est de 25 % pour les Sfd (services financiers décentralisés).

Il faut savoir que le rôle de la banque, c’est exactement ce que fait le sang dans le corps humain. Nous, en tant qu’observatoire, nous sommes l’interface entre les opérateurs financiers et les usagers. Nous voulons développer l’inclusion financière, c’est-à-dire l’accessibilité aux services pour la majeure partie de la population, à un coût réduit. C’est pourquoi nous formons les petites et moyennes entreprises, qui constituent 86 % du tissu économique, aux rudiments financiers. Comment élaborer un business plan, comment mesurer ses besoins en financement et comment monter un dossier de prêt. Ce programme a permis à deux mille Pme de s’ajuster pour un accès plus facile à un taux plus réduit des concours bancaires.

Il a été constaté que les clients ne comprennent pas réellement ce qui les attend, au moment de la signature des contrats. Qu’est-ce qui empêche les banques et les sociétés d’assurance de communiquer clairement dès le départ ?

À partir de nos études et de notre médiation, nous informons les banques et les assurances que la complexité des contrats décourage sur l’utilisation de leurs services. Nous sommes en train de proposer à la communauté bancaire un modèle de compte harmonisé qui évite toute cette incompréhension due au fait que la paperasserie est très importante et empêche une claire visibilité de l’usager.

A propos des banques, on a vu qu’il est difficile d’avoir une attestation d’engagement et de non engagement. Quelle solution à ce problème ?

Nous voulons une harmonisation de l’attestation d’engagement. On a vu qu’une attestation d’engagement peut varier de 20 000 à 85 000 F Cfa, d’une banque à une autre. C’est à corriger pour mieux inciter les gens à utiliser l’ensemble des opportunités offertes par les services financiers. Certaines banques, dans leur politique commerciale, sont réticentes, quand il s’agit de laisser le client partir. Le rôle de l’observatoire est de faciliter cette mobilité bancaire qui est un problème aussi pour les banques. C’est la raison pour laquelle, dans un avenir très proche, on va essayer de trouver une solution à ce problème.

Quant au surendettement qui est un autre problème, la Banque centrale a mis en place le Bureau d’information sur le crédit (Bic). Si les clients donnent leur consentement, le Bic est un outil formidable pour l’accès au crédit à un taux moyen élevé, parce que vous avez l’historique du client. Le problème est qu’au Sénégal, il y a un double endettement : bancaire et familial.

Est-il vrai que les Sénégalais s’endettent mal ?

Les Sénégalais s’endettent mal, parce que, souvent, il y a détournement d’objectif. Vous vous  endettez pour un projet  bien déterminé, le temps que vous recevez les autorisations ou que vous dérouliez, l’argent est utilisé à d’autres fins. Ce double endettement fait aussi que souvent, les Sénégalais ont du mal pour rembourser. Les banques, en ce moment, ont 685 milliards de créances en souffrance. Pour les Pme, il faut plus de rigueur dans la gestion, ne pas confondre chiffre d’affaires et bénéfices. Ce sont des aspects sur lesquels nous tentons d’attirer l’attention.

S’agissant des sociétés d’assurance, quelle solution apporter sur les retards dans la nomination d’un expert et la production d’un rapport ?

Le  code Cima met beaucoup de pression sur les compagnies d’assurance, pour le respect de la désignation immédiate d’un expert. Cependant, à la pratique, on note qu’il y a des lenteurs. À l’Oqsf, nous avons fait des études sur la relation entre la désignation de l’expert, le rapport et la contre-expertise. Ça aussi, c’est un chantier de l’observatoire. 

PAR BABACAR WILLANE

 

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