Publié le 13 Aug 2012 - 17:30
MAME MBAYE NIANG

"Les maisons autour de l'aéroport sont une menace pour la sécurité"

 

 

Après l’annonce du président de la République de revenir sur l’attribution de terrains à usage d’habitation sur le domaine de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, le président du Conseil de surveillance de la Haute autorité de l’aéroport explique le bien fondé de cette mesure. Dans cet entretien, Mame Mbaye Niang fait savoir que ‘’les règles les plus élémentaires dans la distribution des terres de l’aéroport ont été violées et de manière frauduleuse’’. Ce qui lui fait dire que ‘’ce n’est pas parce des généraux, des magistrats en ont bénéficié, qu’on ne va pas agir’’.

 

 

Le séminaire que vous aviez prévu d’organiser la semaine dernière en partenariat avec le CNP a été annulé sans qu’on en sache les raisons.

En réalité, ce n’est pas un séminaire de la Haute autorité. L’initiative était des ADS (Aéroports du Sénégal). S’il a été annulé, il faudra le demander aux ADS. L’aéroport, c’est quatre entités. La Haute autorité, l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANCIM), les ADS et la Représentation de l’ASECNA. Toutes ces entités travaillent en harmonie pour qu’on puisse avoir un résultat.

 

La presse a parlé de brouille entre vous et le ministre de tutelle. Qu’en est-il réellement ?

Ils (les journalistes) se sont trompés de bonne foi. Je ne dépends pas du même ministère que les ADS. La Haute autorité dépend de la Primature alors que les ADS dépendent du Ministère des Transports. Maintenant, il y a un travail technique qui se fait et nous sommes obligés de travailler en harmonie. C’est un problème typiquement syndical. Le Secrétaire général qui est mis en cause, Cheikh Sadibou Mbaye, qui est mon ami, ne voulait pas de ce séminaire. C’était ça le problème. Les journalistes se sont trompés de bonne foi en citant mon nom.

 

Vous avez en charge la sécurité de l’aéroport. Le président de la République aurait pris un décret d’annulation des baux qui ont été attribués à des tiers sur l’emprise de l’aéroport. Vous le confirmez ?

Il n’y a pas encore de décret. Un aéroport est frappé par trois types de servitudes. Les servitudes de voirie, les servitudes d’équipement, les servitudes de sécurité. Un aéroport fonctionne sur la base de deux annexes : L’annexe 14 qui traite des questions typiquement de sécurité, l’annexe 17 qui traite des questions typiquement de sûreté. Maintenant que la donne a changé, la logique voudrait que l’on conserve l’aéroport de Dakar même si l’aéroport de Diass commence a être exploité. Dans tous les pays respectables, ils ont deux aéroports. Ce n’est même pas prudent d’avoir un seul aéroport. Pour qu’un aéroport puisse fonctionner, il y a des critères techniques qu’il faut respecter. Les anciennes autorités ont eu à faire des choix et une distribution qui ne se justifient pas. Les règles les plus élémentaire ont été violées et de manière frauduleuse.

 

En quoi faisant ?

L’aéroport a deux titres fonciers. Ils ont été confiés à l’ASECNA par la convention de 1974. C’est entre l’Etat du Sénégal, l’Etat français et l’ASECNA. Pour que le Sénégal puisse réutiliser ses titres fonciers, il fallait une levée de servitudes de l’ASECNA. Ce qui n’a jamais été fait. Donc, à la base, il n’y a pas eu une levée de servitudes. Par quel mécanisme les directions de l’Etat se sont mises à distribuer ces terres dans des zones où on ne peut pas construire ? Ce sont des dysfonctionnements qui sont en train d’être rectifiés.

 

Est-ce qu’on peut savoir la superficie exacte de terre qui a été attribuée ?

Ma priorité, ce ne sont pas des superficies. Ma priorité, ce sont des normes de sécurité. Dans un aéroport, s’il n’y a plus de servitudes, si l’avion se déroute, il fonce dans des maisons. S’il n’y a plus de bande de crash, un avion qui s’est dérouté va se poser sur les maisons. Dans un aéroport où les équipements de navigation, qui donnent une précision des installations, ne l’ont pas, on n'est plus dans un aéroport. Est-ce qu’il faudra attendre d’avoir un Joola aérien pour réagir ? Ou est-ce qu’il faut réagir tout de suite pour l’éviter ? Les gens devraient réfléchir sur des statistiques. 70% des accidents d’aviation se passe au décollage et à l’atterrissage. Donc, dans les zones d’aérodrome, c’est une gestion préventive qu’on a décidé de faire pour éviter ces genres de catastrophe. On est payé pour ça, on doit le faire. Ce n’est pas parce des généraux, des magistrats en ont bénéficié qu’on ne va pas agir. Peu importe. La construction de ces maisons dans la zone aéroportuaire est une menace pour la sécurité.

 

Combien de maisons sont concernées par cette éventuelle destruction ?

Actuellement, il n'y a pas de maison construite, ce sont des terrains qui sont des baux. S’agissant des servitudes d’équipement, si on peut trouver un équipement moins contraignant, on va chercher l’équipement.

 

C’est-à-dire ?

En termes plus simples : on dit que le VOR a besoin de 400 m de servitudes. Si on peut trouver un VOR en dessous des 400 m, on peut aller le chercher. On préfère rendre service aux Sénégalais que d’économiser ça. Le ministre de l’Economie et des Finances en est conscient. Il est en train de tout faire pour qu’il n’y ait pas de destruction. Ce qui est clair, c’est qu’on ne va pas construire pas sur les terrains frappés de servitudes.

 

Certains doutent de vos compétences à pouvoir gérer ce poste.

Ils peuvent parler de l’âge, mais pas de mes compétences. J’ai été formé à la bonne école. Nous tous qui évoluons dans l’enceinte de l’aviation civile, on est sortis de la même école. Je ne me glorifie pas, mais à mon âge, j’ai eu 10 ans d’expérience. J’ai occupé plusieurs fonctions. A un moment donné, à moi tout seul, à des heures précises, j’assurais le contrôle des 8 millions de km2 d’espaces. Responsabilité ne peut pas être plus énorme. Je suis gestionnaire d’aéroport : Je fais partie des quatre personnes qui peuvent certifier un aéroport en Afrique de l’Ouest. Je suis expert en système de management de la sécurité. On est aussi quatre à le faire. J’appartiens à un corps d’élite où il ne faut pas être malade. Il faut être sain d’esprit pour être contrôleur.

 

Avez-vous fait l’état des lieux de votre secteur ?

Nous sommes en train de faire l’état des lieux. Nous sommes venus à un moment où il y a eu des problèmes de sûreté au niveau de la sous région. Le Secrétaire général de la haute autorité a pris très au sérieux ces problèmes et est en train de proposer des solutions. Nous sommes en train de travailler pour élargir nos compétences au niveau des autres aéroports. Nous voulons que l’Etat achète des équipements adéquats et prenne des mesures qui sont conformes à la situation réelle. La Haute autorité, c’est surtout les forces de sécurité : la douane, la police, la gendarmerie et quelques civils qui sont en train de faire un travail remarquable.

 

Sur la gestion de votre prédécesseur, est-ce qu’il y a des choses à dire ?

Je n’ai pas accès à la gestion en tant que telle. L’aspect financier n’est pas de mon ressort, mais du Secrétaire général même si on travaille en symbiose. Je m’occupe plus d’orientation, de stratégie et de prévision. Nous ne gérons pas des mannes financières, c’est plutôt du ressort des ADS.

 

Quelle est votre vision de ce que doivent être les aéroports au Sénégal avec l’ouverture prochaine de l’aéroport de Diass ?

La vision de tout bon technicien. Il faut séparer ces 5 ans en deux parties : Avant Diass et après Diass. On ne peut pas engager 400 milliards pour une nation aussi pauvre que le Sénégal pour construire un aéroport à 80 km de Dakar sans pour autant prendre certaines dispositions. La réalité, c’est qu’il n y a pas eu un vraie politique aérienne au Sénégal. A l’heure actuelle, on aurait dû investir dans un aéroport à Saint-Louis, à Cap Skiring, pour créer un contexte commercial approprié pour attirer ce qu’on appelle dans notre jargon le law coast, c'est-à-dire à très petit coût. Donner par exemple à un Européen de rejoindre Saint-Louis avec 250 000 francs Cfa, cela allait développer la région et un environnement commercial à Saint-Louis. De même qu’à Cap Skiring.

 

Vous êtes Secrétaire général chargé des jeunes de l’APR, quelle appréciation vous faites des 4 mois de Macky Sall à la tête du pays ? Les Sénégalais semblent s’impatienter

Je pense qu’on a plus un problème de communication qu’un problème d’orientation. Si nos compatriotes ne sont pas rassurés comme vous le dites, c’est parce qu’ils ne sont pas suffisamment informés de ce qui est en train d’être fait. Je pense que les choix stratégiques du président de la République ne sont pas bien relayés. Un exemple : au niveau des aéroports, il y a trois décrets qui ont été bien exploités sur le plan de la communication. Le Sénégalais lambda ne sait pas que Macky Sall a fait économiser au pays 16 milliards par année en arrêtant le contrat de sécurité de l’aéroport en attendant d’y voir plus clair. On a trouvé que les terres de l’aéroport avaient été déjà bradées. On a arrêté ce processus. On a trouvé des terrains qui ont été attribués et on est en train de les récupérer. Rien que pour ces exemples, on pouvait les vulgariser. Au niveau de la pêche, il y a des choix stratégiques qui sont en train d’être faits. Les pêcheurs ont retrouvé certaines espèces qu’ils n’avaient pas vues depuis des décennies. Mais cela n’a pas été bien relayé. Le président de la République qui se rend au front en Casamance pour remonter le moral des troupes. Ces prédécesseurs ne l’ont jamais fait. Mais c’est juste une photo qui passe.

 

Il y a quand même des problèmes. Les coupures de courant par exemple

Ne pas reconnaître qu’il y a des problèmes, c’est ne pas dire la vérité. L’Etat est en train de mettre 10 milliards pour assurer les problèmes de délestage. On vient, on trouve des groupes qui ont été loués sur la base du plan Takkal. On ne peut venir et arrêter le plan Takkal. Non, on laisse la machine continuer et mettre en parallèle notre solution. Ce qui est en train d’être fait. Est-ce qu’il faut vendre l’électricité par rapport au coût réel ? Ce sont des problèmes qu’on doit aborder avec les Sénégalais.

 

Qu’est-ce que vous préconisez ?

Si on doit vendre l’électricité à 140 francs et supprimer la subvention, on doit le faire. Il faut demander aux Sénégalais de faire des sacrifices pour ne pas dans 5 ans avoir de problème.

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

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