Publié le 29 Jul 2017 - 03:47
MAME MBAYE NIANG (MINISTRE DE LA JEUNESSE)

‘’La Constitution est au-dessus de  la loi électorale’’ 

 

Dysfonctionnements dans la production et la distribution des cartes d’identité biométrique, menaces de l’opposition, violences dans la campagne électorale pour les Législatives de dimanche prochain, démission de Thierno Alassane Sall du parti présidentiel…Loin d’esquiver les questions délicates, le ministre de la Jeunesse et de la construction citoyenne répond sans tabou à EnQuête.

 

Le Conseil constitutionnel a répondu favorablement à la requête du président de la République. Désormais pourront voter ceux qui se présenteront avec un récépissé d’inscription accompagné d’une carte d’identité numérisée, une carte d’électeur numérisée, un passeport, un document d’immatriculation pour les primo-inscrits non détenteurs d’un des trois premiers documents administratifs.  Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je pense que la Constitution a été respectée. Parce qu’elle garantie le droit de vote à l’ensemble des citoyens qui jouissent de leurs droits civils et politiques.  En créant ces conditions, le président de la République a voulu respecter la Constitution et donner l’opportunité à tous les Sénégalais qui veulent aller voter,  de faire leur choix, afin que la démocratie soit renforcée.

Mais pourquoi, en est-on arrivé là ?

Je pense qu’il faut assumer qu’un système puisse ne pas être parfait. Assumer aussi et reconnaître qu’il y a eu une ferme volonté de l’opposition d’essayer de décrédibiliser  notre système électoral. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au Sénégal, on ne peut plus voler des élections. Ça, c’est clair. Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est qu’au Sénégal, jamais dans notre histoire démocratique, les gens n’ont atteint 100% du taux de retrait des cartes d’électeurs. On en est à 70% et les 30% n’ont pas retiré leur document de vote, alors que les cartes sont disponibles dans les commissions. L’opposition a voulu utiliser cet argument pour discréditer les élections.

Mais, il ne s’agit pas de cartes non-retirées,  mais plutôt de cartes n’ont produites…

Il faut comprendre les déclarations du ministre de l’Intérieur. Il faut dater ses communications. 70% des cartes ont été produites, ça, c’est 23 jours avant des élections. Mais, je vous informe que la DAF qui produisait 50 000 cartes par jour, a doublé ses capacités à 15 jours des élections. Donc, le million de cartes qui restait, pouvait être produit et l’a été. Que l’opposition  n’ait pas cette volonté de tenir en compte ces données du ministère de l’intérieur,  c’est son droit, et peut-être qu’elle est même dans leur rôle. D’ailleurs certains opposants feront tout pour que leur défaite soit enrobée par des supposées fraudes, rétentions de cartes. Mais de grâce, il ne faut pas créer la confusion dans la tête des sénégalais. Vous avez vu que des individus de l’opposition, je peux les  citer ; Barthélémy et Bamba Fall, sont partis attaquer un  président de commission  qui détenait par devers lui  des cartes pour aller les distribuer dans sa commission. Donc, il y a une volonté manifeste de créer cet amalgame-là. Heureusement que le chef de l’Etat a saisi le Conseil constitutionnel pour donner l’opportunité à tous les Sénégalais de pouvoir voter.

Est-ce qu’en saisissant le Conseil constitutionnel pour que les gens puissent voter avec une carte autre que celle biométrique, le chef de l’Etat ne viole pas la loi électorale, parce que la loi dit clairement que l’électeur doit voter avec celle-ci ?

Oui ! Mais concédez-moi que la Constitution garantit le droit de vote à tout citoyen sénégalais qui veut voter. La Constitution est au-dessus de  la loi électorale. Je ne vais pas rentrer dans ces débats juridiques. Je ne suis pas juriste, mais, quand même, le bon sens aimerait que la Constitution soit la mère de nos lois. Qu’elle soit au-dessus de nos textes. Qu’elle donne ses prérogatives au président de la République. Il ne faut pas entretenir cette confusion qui cherche à entacher notre processus électoral. Les anciennes cartes d’identité fonctionnent jusqu’à maintenant. La Police, les Banques, l’Administration, etc., continuent à les accepter.

Le problème qui intrigue certains opposants, c’est le document d’immatriculation. Qui va le produire?

Au fait, il peut être produit par l’Administration.

Mais on  en toujours en  tête l’histoire des ordonnances…

 (Il coupe) Non, non !

Pourtant, ils sont nombreux, les chefs de coalition, à penser et soutenir que voter avec un récépissé constitue la porte ouverte à la fraude…

Je ne pense que ce sont les mêmes personnes qui sont en face, en particulier, le président Abdoulaye Wade qui parlaient de ces choses-là et pourtant, il y a eu des alternances au Sénégal. On ne peut plus voler des élections. Les gens veulent soustraire de la tête des Sénégalais l’existence de l’encre indélébile. On ne peut pas voter deux fois avec cette encre. Je pense que tout Sénégalais, inscrit sur le nouveau fichier et qui, ne dispose pas de sa carte, peut utiliser son passeport son ancienne carte d’identité ou d’électeur numérisée.

 Est-ce que cette situation ne traduit pas l’échec du gouvernement et plus particulièrement celui du ministre de l’intérieur  qui n’a pas réussi à délivrer des cartes à tous les citoyens qui en avaient fait la demande ?

J’aurais accepté un tel diagnostic, si les élections étaient organisées et que les Sénégalais n’avaient pas eu la possibilité de voter. Mais, constater avec moi qu’il y a des efforts qui continuent d’être faits pour que les élections puissent se tenir dans de bonnes conditions. Aujourd’hui le taux des cartes  distribué dépasse largement 75%. Donc, pourquoi vouloir entacher ces élections-là, parce que tout simplement qu’on a perdu.

L’opposition est dans son rôle de dénoncer les manquements et failles du gouvernement…

Je reconnais ce droit à nos opposants. Je leur reconnais aussi le droit à user de leur position pour dénoncer. Mais, quand même, il ne faut pas jouer avec notre démocratie  qui fait notre fierté. Même s’il peut y avoir des problèmes, il faut aller dans le sens de les améliorer. Ça, c’est un processus qui, naturellement va continuer. Ce n’est pas de la faute du gouvernement, s’il y a  47 listes en compétition pour ces Législatives.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que le ministre de l’Intérieur a échoué, de même que le directeur de la DAF et qu’ils doivent tous les deux  démissionner ?

Je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question. Parce que je vois les efforts que le ministre de l’Intérieur fait pour pallier aux manquements auxquels on est confrontés. Personne ne pouvait prévoir qu’au Sénégal, il y aurait 47 listes. Ça c’est un blocus.

 Pourtant on vous accuse d’avoir parrainé certaines listes…

Ils peuvent accuser, ils ne peuvent apporter les preuves. 47 listes, ce n’était pas prévu. On sait que si ces listes n’étaient pas validées, cela allait bloquer le système électoral. Parce qu’on allait perdre les 2/3 de notre temps à choisir les 47 bulletins. Tous les changements substantiels qui ont été faits, rentrent dans les cadres de l’amélioration du processus électoral. Mais dites-moi au nom de quoi la Direction de l’automatisation du fichier (DAF) va bloquer des cartes? Est-ce que là-bas, on peut reconnaître le militant de l’Alliance pour la république (APR) ou celui de Mankoo Taxawu Sa Bop (sic) ? C’est quasiment impossible. Donc, les cartes ont été produites. Les journalistes ont fait des reportages dans des commissions. Ils ont vu qu’il y a des milliers de cartes qui étaient en position et que les propriétaires ne sont pas venus pour les récupérer. Il ne faut pas diaboliser les efforts que le ministre de l’Intérieur est en train de fournir pour qu’on puisse avoir un scrutin normal et apaisé. Maintenant, on n’a pas le droit aussi de vouloir profiter de cette situation pour créer le chaos ou pour régler des problèmes politiques.

Face à cette situation de malaise, ne craignez-vous pas qu’on aille vers des lendemains électoraux incertains ?

Mais, il ne se passera absolument rien. (Il se répète). La preuve, au début de la campagne, il y a des gens qui ont dit que personne ne battra campagne. Pourtant, la campagne électorale est en train de se dérouler même s’il y a des actes répréhensibles et condamnés par tout le monde. Ce qui se passe, nous tous, nous le regrettons mais la campagne se déroule très bien et les concurrents sont en train de parler aux Sénégalais. Donc, laissons nos concitoyens choisir.

La Coalition gagnante Wattu Senegaal et Mankoo Taxawu Senegaal demandent à leurs représentants dans les bureaux de s’opposer au vote avec les récépissés…

 (Il coupe) Ils ne peuvent pas le faire  parce qu’un représentant ne peut pas s’opposer dans un bureau de vote. La loi ne lui permet de pas cela. Ce que la législation lui autorise, c’est de constater et de consigner. Il ne peut pas y avoir de problèmes. Encore, une fois, il faut reconnaître qu’il y a une volonté manifeste de l’opposition de créer le chaos. Vous voyez le président Wade qui a sponsorisé l’arrêté de Me Ousmane Ngom, à l’époque ministère de l’Intérieur, et qui vient violer même ce texte que lui-même avait avalisé. Si cela n’est pas une volonté manifeste de créer le chaos, c’est quoi alors ? Ils vont continuer dans leur volonté de créer des troubles dans ce pays, mais nous aussi, on ne va pas se laisser faire.

Vous vous êtes engagés dans la bataille de Dakar en  venant en renfort aux investis de la capitale. Après trois semaines de campagne électorale, êtes-vous confiants ?

Nous sommes très confiants. Je suis convaincu que les Sénégalais peuvent discerner la vérité, de la tricherie ou des arguments fallacieux qui ne reposent que sur des intérêts personnels. Je pense que mes concitoyens ont compris qu’il y a des coalitions dont la volonté est tout simplement de bloquer le pays et de prouver au Chef de l’Etat qu’ils peuvent plomber le Plan Sénégal émergent (PSE). Laissons à nos concitoyens le droit de choisir librement leurs députés ! En tout cas, ce qu’on a vu sur le terrain nous rassure. Ce sont les Sénégalais qui vont faire leur choix et ce choix là tout le monde est dans l’obligation de le respecter. Maintenant, laissons ceux qui ont toujours entretenues des rumeurs et des illusions jusqu’à lundi (Lendemain du scrutin législatif).  Ils comprendront que les Sénégalais ne sont pas amnésiques.

La campagne a été émaillée d’incidents. Vous-même, vous étiez l’objet d’attaques à Grand-Yoff. On a aussi noté des violences au sein de votre parti. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Oui, c’est regrettable surtout quand on est dans une caravane avec des jeunes engagés et qui ne sont motivés que par la volonté de concrétiser une vision ou de se battre pour un idéal de conviction. Dès lors,  que des gens malintentionnés vous agressent parce que tout simplement, ils se croient sur un territoire conquis, c’est regrettable voire lâche. Actuellement, je pense que notre détermination a un sens. Ce n’est pas parce qu’on risque de nous violenter ou qu’on nous a violentés qu’on va reculer. Il y a  2 personnes qui veulent empêcher que les gens ne battent campagne. C’est Bamba Fall et Barthélémy Dias. Moi, je ne suis pas de ceux qui utilisent la violence verbale.

Mais, il faut constater les choses et les dire telles qu’elles sont. S’ils pensent qu’ils peuvent terroriser les gens, ils se trompent lourdement. Leurs pratiques ne marchent pas et ne marcheront pas. Et aucun républicain, aucun patriote ne doit laisser ces choses passer. Il faut dissuader ces gens-là qui ont la ferme volonté de semer le chaos parce que tout simplement, ils ont constaté qu’ils ont perdu. Ils ont perdu pour deux choses : ils ont perdu parce qu’ils ne proposent absolument rien au Sénégal, mais ils ont perdu aussi car on ne peut pas être aussi indisciplinés, avoir ces comportements là et vouloir le suffrage des Sénégalais. Il faut respecter les concitoyens.

Trois mois après sa démission ou limogeage du gouvernement, Thierno Alassane Sall a décidé de quitter l’APR, il a même appelé à voter contre votre coalition. Qu’en pensez-vous ?

C’est son droit. Je respecte sa position. Il a le droit de démissionner mais qu’il ne nous serve pas un discours sur la morale ou sur des valeurs.  Parce qu’on ne peut pas passer cinq ans avec des gens et attendre qu’on soit limogé pour se comporter de la sorte. J’ai travaillé 12 ans avec lui à l’aéroport. Attendre la veille des élections pour vouloir faire un coup d’éclat en  nous parlant de corruption et de clans, je pense que ce n’est pas sérieux. Un discours pareil ne s’adosse pas sur des valeurs. Nous avons un Parti avec des gens engagés individuellement et de façon de volontaire autour d’un idéal.

 PAR I. K. WADE & M. DIÉMÉ 

 

Section: