Publié le 4 Aug 2019 - 10:14
MARCHE AAR LI NU BOKK

Guy au cœur 

 

La plateforme Aar Li Nu Bokk est encore sortie, hier, pour exiger justice et transparence dans la gouvernance du pétrole et du gaz. Mais, cette fois, le fait nouveau qui attirait le plus l’attention, c’est le profil de certains manifestants venus surtout pour exiger la libération de l’activiste Guy Marius Sagna.

 

Sur toutes les lèvres, sur les pancartes, sur les gilets, tee-shirts ou banderoles, il y avait un seul nom : Guy Marius Sagna. ‘’Le combattant. L’homme libre. Le patriote. Le militant…’’. L’on ne manque pas de substantifs, ni d'imagination pour le designer. Pour vanter ses mérites. Hier, à la marche de Aar Li Nu Bokk, elles étaient nombreuses, les têtes nouvelles, sorties certes pour le pétrole et le gaz. Mais surtout pour Guy. ‘’Mal !’’ C'est le sentiment qui revient le plus dans les témoignages de ces manifestants de type nouveau, marchant avec plein dévouement, de la mythique place de la Nation au rond-point Rts.

Ils ne sont certes pas si nombreux. Mais leur détermination est palpable. Pour Guy, ils se disent prêts à descendre encore et encore sur la voie publique. Grand, fort, cheveux poivre et sel, Diagne Fodé Roland est un Sénégalais travaillant en France. Il se dit ‘’surpris, étonné et très peiné’’ par l’arrestation de l’activiste. "Cela m’a fait très mal, parce que Guy, je le connais depuis très longtemps. C’est un homme engagé. Je pense que sa place n’est pas en prison. Il faut le libérer''. Le pourfendeur du régime libéral et de la Françafrique ne mâche pas ses mots pour condamner cet acte qu’il juge ‘’grossier’’. Il dit : ‘’Pour moi, c’est un cadeau de punition politique que la justice donne à l’Exécutif. Aussi, en définitive, Guy Marius n’est qu’une victime de la Françafrique. C’est extrêmement grave qu’on veuille empêcher les gens de poser les vrais débats.’’

Mais au-delà de la défense de Guy, le militant très engagé pour la cause des migrants estime que le plus important, c’est aussi de rester debout pour le triomphe de la vérité dans l’affaire du pétrole et du gaz. Il vante ‘’l’exception’’ du Sénégal : ‘’Il faut rester mobilisés. Je dois rappeler qu’à une exception près, c’est la première fois, en Afrique, qu’on voit un début de mobilisation populaire pour exiger transparence, vérité et justice sur des contrats pétroliers et gaziers. Dans tous les pays, la Françafrique a tout muselé, a imposé la dictature et personne ne parle. C’est donc très important ce qui se passe au Sénégal et il faut s’en féliciter.’’ 

A l’image de Fodé Diagne, Mme Faye, venue de la région de Thiès, est tout aussi déterminée à faire libérer Guy Marius Sagna. Pour la circonstance, elle a très tôt quitté son Thiès natal pour venir arpenter les rues de la capitale. Très tôt le matin, elle a préparé le repas, même le diner, pour sa petite famille, afin de répondre à l’appel du devoir. Oui, pour elle, marcher pour Guy, c’est plus qu’un devoir. Elle affirme : ‘’C’est la moindre des choses qu’on peut faire pour ce patriote qui n’a eu de cesse de se battre pour le bien commun. Son arrestation est illégale et nous comptons nous battre jusqu’au bout. Comment on peut imaginer que quelqu’un soit arrêté, sans même qu’on lui signifie les raisons de son arrestation ? Cela montre à suffisance que c’est tout sauf une justice.’’

La bonne dame, la quarantaine, arborant fièrement, de la tête aux pieds, des couleurs vert, jaune et rouge du Sénégal, se dit d’autant plus étreinte que Guy est un ‘’amoureux’’ du Sénégal. ‘’Il s’est toujours sacrifié, parfois au prix de sa liberté. Aujourd’hui, il ne peut pas être là. C’est à nous de marcher pour demander sa libération, mais aussi pour les autres causes pour lesquelles il s’est toujours battu’’.

Chez Guy Marius Sagna, l’essence de l’engagement militant, c’est l’omniprésence de la France au Sénégal, ‘’au détriment, selon lui, des intérêts des nationaux’’.

Ainsi, hier, à la différence de bien des manifestations de la plateforme, la plupart des marcheurs ne s’identifient à aucun parti. Quelques rares se réclament ‘’patriotes’’ de Pastef. Ou ‘’sonkoistes’’ tout radicalement. Celui qui importe le plus, sur ces lieux, c’est Marius Sagna. ‘’Free Guy !’’, ‘’Libérez Guy !’’, ne cessent-ils de scander sous le regard impassible des nombreux éléments des forces de défense et de sécurité. En fond sonore, la sonorisation distille ses décibels, une reprise d’un titre de Dj Awadi ‘’Sunu Sénégal Yeungotina…’’ Pour la circonstance, le morceau devient : ‘’Sune Pétrole yeungotina…, Naniou Ame fayda… Nagnou Samm sunu pétrole.’’ Par moments, cela donne simplement des frissons. Surtout quand c’est de vieux retraités qui s’en mêlent. 

En effet, Serigne Mbow a 60 ans. Il est père de famille. Il est parti de la grande banlieue pour venir demander la ‘’libération sans condition’’ de Guy Marius Sagna. D’emblée, il tient à préciser ceci : ‘’Je ne suis ni politicien ni activiste. Je suis juste un citoyen sénégalais. Je suis un retraité, mais je suis prêt à me battre pour le bien commun. Aujourd’hui, je suis malade, mais je ne pouvais pas ne pas être là. Pour Guy Marius, tout le monde devait sortir.’’ Le chef d'inculpation à lui reproché est, selon lui, ‘’fallacieux’’. Tout de noir vêtu, avec son pantalon bouffant, il en appelle à la sagesse et à la mémoire du chef de l’Etat Macky Sall.

‘’Je lui demande, souligne-t-il enragé, de revenir à la raison. Qu’il sache que ces personnes qu’il est en train de mettre en prison, ces personnes qui sont en train de marcher, ce sont les mêmes qui s’étaient levés comme un seul homme, dans les moments difficiles, quand l’ancien régime a voulu le museler. Nous sommes encore là et nous allons continuer à nous battre’’. Sa détermination reste intacte.  

Jaly Badiane et Safiétou Diédhiou, elles, ne disent pas autre chose. Pour la première, cette arrestation de Guy Marius Sagna n’est qu’une diversion pour que les gens ne parlent plus du bradage des ressources. ‘’C’est peine perdue’’, pense-t-elle. Avant d’avouer : ‘’Cette arrestation nous fait très mal. Guy est un combattant de la liberté. Si on l’incarcère, c’est surtout pour le faire taire. On ne peut l'accepter. Nous sommes là pour lui et pour demander justice’’. Jaly Badiane est activiste. Elle vient de Liberté VI. Elle ne tarit pas d’éloges pour Guy, le frère, le patriote... Pour elle, ce dernier n’a rien fait qui justifie son arrestation. ‘’Cela nous attriste, en tant que démocrates, ça fait mal à tous les gens épris de liberté. Dans un pays, si on empêche les gens de s’exprimer, c’est la porte ouverte aux dérives. Je suis là pour dire non’’. D’après le Walo-Walo, pour ce genre de combat, le nombre importe peu.  ‘’Je pense que la masse critique est là et c’est le plus important’’, lâche-t-elle.

THIERNO A. SALL

‘’Nous n’attendrons pas le jugement dernier pour demander à Macky Sall et ses collaborateurs de rendre des comptes’’

‘’La justice est aux ordres de Macky Sall qui la manipule à sa guise. Il emprisonne Guy Marius Sagna et ne fait rien pour les véritables coupables. Mais il a été jugé, lui et ses collaborateurs, par le tribunal populaire. Le peuple entier sait ce qui se passe. Ils savent ceux qui ont dilapidé notre pétrole, ceux qui l’ont vendu au trafiquant Franck Timis.

Même les arbres, les oiseaux et les enfants le savent. Soul gaz douko tere xeegn. Demain, quand il quittera le pouvoir, il sera jugé. Nous n’attendrons pas le jugement dernier. Ils seront tous jugés, lui et ses collaborateurs. Nous n’allons jamais abandonner la lutte. La vérité ne s’appréhende pas du point de vue du nombre. Ce n’est pas parce que nous sommes deux ou cent ou mille que nous avons raison ou tort. La vérité, c’est la vérité. Quand les Mandela étaient en prison, ils n’étaient pas nombreux. Quand les Martin Luther King luttaient, ils n’étaient pas nombreux, mais la vérité finit toujours par triompher.’’

KILIFEU, Y EN A MARRE

‘’Nous exigeons la libération de Guy Marius Sagna’’

‘’Je suis là pour demander la libération de Guy Marius Sagna. Tout le monde le connait comme un défenseur des intérêts du Sénégal. Nous sommes venus pour réclamer sa libération immédiate. Son arrestation est illégale, elle est arbitraire. Nous demandons qu’il soit libéré en paix. Guy n’a rien fait. Il a juste dit que c’est honteux que ceux qui gouvernent ce pays aillent toujours à l’étranger pour se soigner quand ils sont malades. Ces gens qui les soignent viennent chez nous spolier nos ressources pour pouvoir construire leurs hôpitaux. Cela ne mérite pas un emprisonnement, je crois. Nous demandons la vérité, la justice. Le vol de notre pétrole ne passera pas.’’ 

Par Mor Amar

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