La marche d’hier ne restera pas dans les annales ‘‘wadiennes’’ comme modèle de rassemblement. Très vite abrégée par les forces de l’ordre, la manifestation a avorté en une conférence de presse et un meeting à Fann résidence

La clameur de la Montagne Wade n’a pas accouché d’une cité plus grosse que Paris, mais d’une souris. L’ancien président de la République a beau être un monstre de la mobilisation, mais pour sa marche à la Place de l’indépendance, il aura connu plus grande adhésion populaire. Exceptés, les partisans du maire Bamba Fall amassés sur le terre-plein central du marché de Tilène, il n’y avait pratiquement que sa caravane qui s’est ébranlée vers le Plateau à 16h 33.  Une manifestation qu’il voulait grandeur nature, mais qui a tourné court hier. Au Rond-point de la Poste de la Médina exactement, un quart d’heure après qu’il a quitté son logis de Fann Résidence pour le Centre-Ville.

Petite conciliabule avec des policiers lourdement armés avec la tête de convoi de l’ex-président, tir de sommation en l’air, puis tirs groupés de gaz lacrymogènes, particulièrement acres, qui a fait se disperser la presse, les accompagnants, et beaucoup de curieux venus regarder. Une bifurcation au Rond-point de la RTS s’ensuivit, où un dispositif sécuritaire tout aussi impressionnant était posté pour éviter tout regroupement, avant que tout le monde ne se perde de vue. La Place de la Nation (ex-Obélisque) ? Un autre contournement pour le Centre-ville ? Les supputations vont bon train quand, par la magie des ondes, les journalistes à la recherche de la caravane,  ont su que l’ex-Président s’était retranché à Fann où il s’est adressé à la presse. De nouveau !

‘‘C’est un succès ! ’’

Car avant son départ, les premières et dernières salves, qui ont écourté un trajet qui s’était promis de se payer l’Indépendance, Me Wade s’est offusqué de la situation actuelle ‘‘Pour nous l’essentiel est de marquer le coup et montrer notre désaccord avec la politique qui est pratiquée par le gouvernement qui est aux antipodes de la démocratie. La démocratie suppose des élections et celles-ci supposent que les électeurs aient leurs cartes’’, a défendu l’ancien Président de la République avant de s’engouffrer dans sa voiture. Après son périple tumultueux,  où les rapports de forces  l’ont obligé à rabattre de ses prétentions, Abdoulaye Wade estime être sorti victorieux de ce bras de fer. ‘‘Nous pensons que ce n’est pas un échec. La preuve est que vous êtes là pour me poser des questions et dire ce que j’ai sur le cœur. Toute la presse nationale et internationale est là. C’est un succès.

Sans ça, vous ne seriez pas là. Mais ce n’est pas ce que l’on visait. C’est un succès parce que l’adversaire a été ébranlé, obligé de jeter des grenades lacrymogènes. C’est indigne d’un gouvernement sur des gens qui défilent pacifiquement à l’intérieur de voitures. La prochaine étape nous tiendrons compte du fait que l’adversaire utilise ces grenades et définirons en conséquences notre position’’, a-t-il soutenu. La tête de liste nationale de la Coalition gagnante Wattu Senegaal de déclarer qu’en compagnie d’un task-force réuni la veille, ils avait déjà prévu le cas de figure d’une interdiction.

La marche arrêtée à la Poste de Médina est à mettre sous le compte de l’immaturité démocratique des autorités selon lui. ‘‘C’est dans l’ordre normal des choses dans les pays où il n’y a pas de démocratie (...) Nous l’avions prévu. On a tout analysé et on s’est dit que ce serait extraordinaire, tels que nous les connaissons, qu’ils nous laissent faire une manifestation qui par essence même était pacifique. On sait que le miracle serait qu’il nous laisse déposer nos doléances à l’Intérieur (...) Dans les pays où ça n’existe pas, il n’y pas de démocratie. Les sous-démocraties, les démocraties contrôlées, tout ça c’est une vaste blague. Il y en a ou il n’y en a pas’’, a déploré Wade.

Barth’ en soutien

A la place de la Place de l’Indépendance, c’est plutôt un meeting grandeur nature improvisé qui a troublé la monotonie de ce coin chic de Fann. Tous les cadres du Parti démocratique sénégalais, ainsi que les alliés qui forment la Coalition gagnante Wattu Senegaal se sont donné rendez-vous après la marche avortée. Entre pancartes brocardant le Président Macky Sall ou détournant le sens du sigle PSE (Plan Sénégal Emprisonnement), concert de marmites, et de sifflets que Barthélémy Dias, troisième investi sur la liste départementale dakaroise de Mankoo Taxawu Senegaal, a fait irruption pour soutenir l’ancien président. ‘’Nous remercions Abdoulaye Wade pour ses sacrifices son engagement au service de la démocratie sénégalaise. Nous sommes dans une ère de dictature. Tirer des lacrymogènes sur le cortège du  Président Wade est une insulte à la démocratie sénégalaise’’, a-t-il défendu avant de s’entretenir à huis-clos avec lui.  

OUSMANE LAYE DIOP