Publié le 14 Mar 2018 - 20:30
MARCHES, BOYCOTT DES COMPOSITIONS…

La révolte des élèves

 

Nini ! Ni pour les enseignants ni pour l’Etat, mais pour l’école. Depuis quelques semaines, des quatre coins du Sénégal, la révolte des élèves s’intensifie. Le mot d’ordre reste le même : ‘’Nous voulons… étudier !!!’’

 

Les élèves de Pikine et de Guédiawaye ont manifesté, hier, pour exiger la reprise des cours et une année scolaire apaisée. Fortement mobilisés, ils ont arpenté les rues de la banlieue, sous une escorte policière qui avait du mal à contenir la déferlante en uniformes. Les élèves ont tenu à afficher leur position de neutralité, tout en réaffirmant la seule chose qui vaille à leurs yeux : le déroulement normal de l’année. ‘’Nous ne sommes ni pour l’Etat ni pour les enseignants. Nous voulons que notre éducation ne soit pas bafouée. Tant que nous n’obtenons pas ce que nous voulons, c’est-à-dire étudier dans de bonnes conditions, nous continuerons cette marche’’, préviennent-ils par le biais de leur porte-parole. Les élèves ont même interpellé le président Macky Sall pour lui dire une seule chose : ‘’Nous voulons une bonne éducation, sans grève, ni perturbation.’’

Au même moment, dans le Sud, les élèves du lycée de Coubanao (Kalounayes), dans le département de Bignona, ont décrété 48 heures de grève. Contrairement à leurs camarades de Dakar, ceux de la Casamance ont apporté un soutien manifeste à leurs professeurs. Ils exigent la tenue des compositions du 1er semestre. Il y a une quinzaine de jours, les élèves du lycée Djignabo de Ziguinchor ont battu le macadam, avec les enseignants, pour demander à l’Etat de trouver une solution aux revendications de leurs professeurs. Une solidarité qui s’explique, entre autres, par le fait que les élèves, notamment ceux des classes de terminale, n’arrivent pas à déposer leurs dossiers de préinscription.

Loin de Ziguinchor, à Thionck-Essyl, dans le département de Bignona, les élèves du lycée ont décrété lundi dernier 48 heures de grève. En solidarité avec le corps enseignant (le conseil de gestion des établissements), les potaches réclament aussi le départ du proviseur qui, selon eux, ne respecte pas les règles minimales de bonne gouvernance. Ils ont décrit sa gestion jugée opaque du matériel pédagogique et des ressources financières.

A la frontière avec la Gambie, à Karang précisément, les élèves ont rassemblé leurs blouses dans la cour de l’école avant de les brûler. Selon le journal ‘’Les Echos’’, le proviseur voulait faire du forcing pour organiser les compositions. Face au refus des lycéens, il a, d’après nos confrères, fait porter des uniformes d’élèves aux gendarmes qui se sont fondus dans la masse pour arrêter 16 parmi les meneurs qui ont d’ailleurs été déférés au parquet de Fatick. Considérant que leurs blouses ont été ‘’souillées’’, ils les ont calcinées.

Contre la surveillance des Asp

En fait, ce qui s’est passé le même jour (hier) à la côte ouest et au sud du Sénégal n’est qu’une manifestation parmi tant d’autres de la colère des élèves. Le lycée de Thilogne, dans le Nord, les villes de Fatick et de Kaffrine, au centre du pays, ont tous connu les mêmes manifestations. La révolte des écoliers, diffuse il y a quelques semaines, est devenue maintenant bruyante. Les premiers signent viennent d’ailleurs du Ndoukoumane. A la suite de la décision des enseignants de boycotter les compositions, les autorités académiques ont fait appel aux agents de sécurité de proximité pour la surveillance des épreuves. Mais les élèves de Nganda (département de la région de Kaffrine) ont refusé d’être surveillés par les Asp considérés comme des ‘’corps étrangers’’.

Dans la ville de Kaffrine, les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Les élèves n’ont pas composé le lundi 5 mars comme prévu. Dès qu’ils ont vu les Asp, ils ont vidé les salles. Il y a deux jours, les élèves du lycée Limamou Laye de Guédiawaye ont organisé un rassemblement dans la cour de l’école. Tous scandaient l’éternel cri de ralliement : ‘’Nous voulons étudier.’’ ‘’C'est avec amertume que nous sommes là pour une cause aussi désolante qu'est la grève des enseignants. A l'instant T, nous devrions être en classe’’, s’indignait Ibrahima Mbodj, porte-parole, par ailleurs élève en classe de terminale.

‘’Les élèves sont à l’image de leurs enseignants’’

Auparavant, c’était les élèves de Tambacounda. Le 9 mars, les collégiens et lycéens de la ville méridionale, dirigés par leurs camarades du lycée Mame Cheikh Mbaye, se sont rendus à la gouvernance pour exprimer leur ras-le-bol. Dans leur mémorandum destiné au gouverneur, ils ont eux aussi renvoyé les protagonistes dos-à-dos. ‘’Nous condamnons fermement le mutisme du gouvernement et l’entêtement des syndicats d’enseignants. (…) Nous voulons étudier et nous pensons que ce n’est pas trop demander’’, déclare le porte-parole du collectif, Younoussa Gano.

Au début du mois de février, les élèves des Parcelles-Assainies de Dakar ont fait sortir leurs camarades de certains établissements parmi lesquels le lycée moderne de Dakar (Limodak). Les lycéens se sont divisés en groupes. Certains sont allés vers Patte d’Oie, d’autres vers Grand-Yoff pour déloger leurs camarades du public comme du privé. Les élèves des cours privés Les Pédagogues, qui voulaient opposer une résistance en versant de l’eau à leur vis-à-vis, ont failli en faire les frais en termes de jets de pierres.

Au vu des nombreuses grèves, certains élèves sont maintenant agacés qu’on leur parle de leur niveau. ‘’A chaque fois, il y a des grèves. Et à la fin de l’année, on parle de la baisse du niveau des élèves. Il faut que les gens arrêtent. Les élèves sont à l’image de leurs enseignants’’, avait déclaré à ‘’EnQuête’’ un élève du lycée Seydou Nourou Tall.

BABACAR WILLANE

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