Publié le 26 Nov 2018 - 21:37
MASSE SALARIALE, DETTE PUBLIQUE

Ces points de crispation du budget 2019

 

La masse salariale de 1 000 milliards et la dette publique ont été au centre des débats, hier, à l’Assemblée nationale, lors du vote du budget 2019.

 

A moins d’une loi de finance rectificative, l’Etat du Sénégal va manipuler la somme de 4071,8 milliards durant les 12 mois de 2019, contre 3774,7 milliards en 2018, soit une hausse de 297,1 milliards. Le vote du budget, hier à l’Assemblée nationale, a permis de savoir que le taux de croissance est prévu à 6,9%, avec un déficit budgétaire qui devrait passer de 3,5% à 3%. Les ressources internes seront de 2765,6 milliards pour 1172 milliards de fonds venus de l’extérieur. La part de l’investissement est de 1434,16 milliards. A noter que dans l’accroissement des ressources internes, il est prévu de réduire les exonérations fiscales tant décriées par les syndicalistes.

Un des points qui auront retenu l’attention des députés, lors des débats, est la masse salariale. Celle-ci s’établit à 1000 milliards, soit le ¼ du budget et 40% des recettes fiscales. Ce qui fait que le Sénégal est aujourd’hui au-delà des 35% du critère de convergence de l’Uemoa. Elle est d’ailleurs le deuxième poste de dépense, derrière le service de la dette. Issa Sall, député de l’opposition n’a pas manqué de le souligner. ‘’La clarté de votre budget permet de déceler des déséquilibres. Vous ne pouvez pas allouer la moitié du budget à moins de 2% de la population’’, indique-t-il. Le gouvernement explique tout cela par les incidents financiers nés des accords conclus avec les syndicats de l’Education et de la santé pour apaiser le climat social. Un argument qui ne passe pas auprès des députés.

En commission, les parlementaires ont estimé que ‘’la seule satisfaction de revendications syndicales ne devraient pas pousser l’Etat à aller vers une inflation qui sera difficile à maîtriser et qui serait grosse de danger’’. Pour eux, la décision aurait été salutaire, si l’argent devait servir à recruter de nouveaux agents de l’Etat. Ils ont ainsi demandé à l’Etat d’être plus tenace dans les négociations syndicales futures, mais aussi, d’assainir la Fonction publique.

Une recommandation qui emporte l’assentiment du ministre qui reconnait qu’il y a lieu de revoir cette question. ‘’La réforme de la rémunération du système public devient une exigence’’, admet-il. Mais Amadou Ba déclare, en même temps, que si l’enveloppe des salaires a atteint ce niveau, c’est parce que l’Etat a voulu tout inscrire sur le budget pour des questions de transparence. 

Dette publique

Outre la masse salariale, la dette publique, premier poste de dépenses, a intéressé plusieurs intervenants.  En 2019, le service de la dette est de 863,17 milliards. Du côté de l’opposition, on dénonce une envolée inconsidérée. ‘’Vous n’avez pas été prudents. Vous parlez d’exposition modérée à un risque de surendettement, alors que le risque est plutôt alarmant. Il suffit de voir la dette intérieure. L’argent que vous devez aux universités, aux structures de santé avec la Cmu, aux écoles privées est assez révélateur’’, lance Aïssatou Sabara. Mamadou Diop Decroix abonde, également, dans le même sens. Outre les entités déjà citées par Mme Sabara, Decroix ajoute la dette envers la Senelec, les ‘’130 milliards’’ que l’Etat doit la Société africaine de raffinage, celle envers le personnel de santé et les concessionnaires des restaurants des universités publiques. ‘’A Thiès, les étudiants mendient pour se nourrir. Pendant ce temps, vous payez 1,3 milliard par jour pour la dette extérieure’’, fulmine-t-il.

Après avoir dressé un tableau sombre de l’économie, le député a estimé que François Hollande aurait pu inspirer Macky Sall, s’il lui restait un brin de lucidité.

Amadou Ba sur la dette : ‘’ce débat n’a pas de sens’’

Aux yeux de la majorité, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Au contraire, on estime même qu’on peut pousser le bouchon plus loin. Si l’on en croit Théodore Chérif Monteil, Dubaï est devenu une plateforme portuaire de premier choix, avec le 9ème port au monde. Et pourtant, dit-il, ce pays à une dette de 190 milliards de dollars. D’où son appel à s’endetter davantage. ‘’Il faut prendre la marge que la Cédéao nous accorde. Les vus court-termistes ne doivent pas prévaloir’’, incite-t-il. Abdou Mbow ne dit pas autre chose. Lui, également, a pris exemple sur les puissances étrangères. Selon le vice-président à l’Assemblée, l’Union européenne est à une moyenne de 81% de dette publique. La France lui est à 97%, alors que d’autres pays de l’Ue sont à plus de 100%. Pour lui, ce qui est important, c’est que l’argent emprunté soit investi dans des projets porteurs.

Amadou Ba, lui, déclare ne plus vouloir en parler. ‘’C’est un débat que j’évite, parce qu’il n’a pas de sens’’. Selon le ministre de l’Economie, le Sénégal figure parmi les 4 pays d’Afrique au Sud du Sahara à avoir un risque faible de surendettement, le seul dans l’Uemoa. Ce qu’il ne comprend pas, dit-il, c’est que ce débat n’a lieu qu’au Sénégal. Bref, il n’y a pas à s’inquiéter, ajoute-t-il, surtout que le pays connait une forte croissance, une baisse du déficit budgétaire et des investissements structurants. Il en veut pour exemple le Ter. Du point de vu de l’argentier de l’Etat, il suffit de voir l’autoroute à péage à 18h pour savoir que, d’ici 2 à 3 ans, le Sénégal aura besoin d’un moyen de transport de masse pour permettre au Sénégalais de quitter Dakar en toute sérénité. D’où sa conviction de la rentabilité du Ter qui permettra de convoyer 100 000 personnes par jour.

Babacar Wilanne

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